Après un premier tome intrigant à défaut d’être pleinement convaincant et un second bien mieux maîtrisé, c’est avec un intérêt certain que le lecteur attaquera l’Envol des Egarées, conclusion d’une trilogie assurément déroutante, tant dans son fonds que dans sa forme.
Rusty Brown, marqué par les péripéties narrées dans le tome précédent, joue ici un rôle plus effacé ; il laisse la vedette à sa fille Ashleigh, jeune adolescente de 16-17 ans à la personnalité affirmée. Ce changement de point de vue nous offre une nouvelle perspective: de par son âge, Ashleigh a un regard neuf sur la situation du Pays, mélange de naïveté et de lucidité que l’auteur nous fait partager via une narration à la première personne adaptée à son propos.
L’autre maillon essentiel du roman est constitué par la quête menée par Léonardo Pégasus, l’ancien magicien à la retraite, à la recherche d’une solution aux maux qui affectent le réseau de signalisation. Par contraste avec la fougue d’Ashleigh, l’écriture de Cockayne se fait plus sinueuse, adoptant un rythme plus lent, conforme en cela à l’âge de son protagoniste et à ses tâtonnements et hésitations.
Pendant ce temps, des événements de la plus haute importance se produisent, racontés en flash-back dans une Histoire de la Royauté, manifestement écrite quelques décennies plus tard. Ce mélange de la petite histoire et de la grande, dans un style volontairement dénué de tout héroïsme, fait le charme des Légendes du Pays qui prend, en bien comme en mal, le contre-pied de la fantasy traditionnelle. Le ton décalé de la fin du roman souligne ce parti pris, original, qui pourra passionner le lecteur ou le rebuter… pour les mêmes raisons.
Tout au long de la trilogie, Steve Cockayne aura donc privilégié les petits sentiers vicinaux aux grandes autoroutes et les personnages englués dans leurs soucis quotidiens au détriment des héros conscients de leur importance propre.
Au final, un livre à déconseiller aux amateurs d’émotions fortes et de grandes quêtes épiques ; il plaira sans doute davantage à tous ceux qui préfèrent les récits intimistes aux enjeux plus modestes.
— JohnDoe