En parlant justement de Fleuve, les éditions Fleuve Noir publient ce mois-ci ce roman de Greg Keyes, originellement publié en 1997, soit avant ses deux tétralogies suivantes, L'Âge de la déraison et Les Royaumes d'épine et d'os, que nous connaissons déjà.
Ce « nouveau » roman se révèle-t-il moins abouti que ceux qui ont suivi et qui représentent donc notre premier contact avec l'auteur ? Oui et non. En apparence, Greg Keyes ne semble pas prendre de grands risques pour un premier roman.
Nous nous retrouvons en face d'une histoire d'heroïc fantasy comme il y en a tant d'autres, une histoire qui utilise des schémas on ne peut plus classiques et offre une narration très directe, qui ne s'embarrasse le plus souvent pas de détours vis-à-vis de son intrigue principale. Les personnages, de même, sont là encore relativement convenus et manquent quelque peu d'épaisseur, tout en se montrant, comme souvent chez l'auteur, très vivants.
Mais là, où, comme souvent par la suite là encore, Greg Keyes se montre particulièrement malin, c'est dans le choix du cadre, et les idées qui les accompagnent. C'est de ces éléments que l'on retire une véritable originalité. L'auteur fait pour le coup preuve d'une vision personnelle et aboutie, qui sait s'appuyer sur un univers solide et qui n'est pas sans liens, là aussi souvent astucieux, avec certaines mythologies, aussi bien classiques pour nous que plus originales, tel ceux issus de la culture amérindienne, dans laquelle Greg Keyes lui-même est versé. Une vraie fraîcheur se fait donc palpable au fil des pages, que l'on a tendance à tourner de plus en plus vite à mesure que l'histoire progresse.
Déjà, l'auteur faisait preuve d'un sens du rythme avéré et d'une plume alerte, qui, d'ailleurs, l'accompagnent encore aujourd'hui. Il pêche par contre par la faute de tunnels de dialogue souvent trop fonctionnels (ce qui joue justement sur l'épaisseur des personnages, pourtant savoureux) et quelques rebondissements voire simples passages quelque peu gratuits.
Un roman sympathique et divertissant, que l'on pourrait même trouver prometteur, si l'on ne connaissait pas déjà l'avenir de l'auteur !
— Gillossen