Avec Le Sommeil de la raison, Juan Miguel Aguilera signe un nouveau roman mêlant histoire et imaginaire, avec une belle réussite. Petite et grande histoire, personnages réels ou inventés (vraiment ?), là aussi, le mélange se fait. Et le romancier y parvient avec une aisance toute aussi réelle.
Avec une plume mesurée, mais capable de très jolies envolées et ne conservant pas toujours sa retenue, Aguilera nous promène dans les pas de ses personnages, leurs voyages, leurs errances parfois, dans une Europe en mutation. La magie, et même l'alchimie, sont loin d'avoir abdiqué... Et si les bûchers sont monnaie courante, la duplicité des nobles à ce sujet ne fait aucun doute, parfois jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir...
Le passé des personnages, leurs relations qui se font et se défont, leurs chassés-croisés sur fond de meutres et de mystères, tout concorde à nous tenir en haleine pour les 500 pages à venir. Pour autant, ne vous attendez pas à une sorte de thriller historique mâtiné de fantastique... Le propos se veut nettement plus ambitieux qu'une banale enquête ou jeu de pistes.
Voilà un roman qui correspond en tout cas parfaitement à la ligne éditoriale de son éditeur, et qui nous apportera un peu de nouveauté par rapport aux tombereaux d'heroïc fantasy qui demeurent l'essentiel des parutions, encore et toujours. Dans un autre registre que Javier Negrete, voici la confirmation d'une nouvelle plume espagnole de grande qualité, soignée et érudite (on est surpris de retomber dans la mythologie nordique), qui nous encourage justement à soulever les voiles de l'âme humaine et ses croyances.
Que l'on connaisse de près ou de loin cette période, que l'on souhaite s'ouvrir sur d'autres horizons ou simplement découvrir une facette moins courante de ce que peut offrir la fantasy, il n'y a que de bonnes raisons de vouloir partager ce sommeil...
— Gillossen