Le premier tome était caractérisé par l'audace d'un écrivain français qui se frottait à l'une des plus populaires "légendes" du Japon. Malgré quelques petites faiblesses scénaristiques, le pari était brillamment réussi. Thomas Day était arrivé à créer un univers oriental fantastique à l'occidentale, difficile mariage intelligemment mis en scène.
Nous voici à présent de retour sur la terre des exploits de Myamoto Musashi, quatre décennies ont passé et il ne reste de cette épopée que des on-dit. Que vous ayez lu ou non le précédent volume, la plongée au cœur de ce Japon magique est immédiate. L'action vous emporte directement au cœur du malstrom. La plume de l'auteur est directe, rapide, épurée, presque économique dans sa retranscription de l'action. Elle n'est pourtant pas dénuée de beauté, ni de finesse à la manière d'un kana finement tracé. On sent qu'un réel travail a été fourni lors de l'écriture. Et si jamais certains termes peuvent se révéler choquant (langage cru, érotisme très prononcé), ils s'inscrivent parfaitement dans le réalisme de l'histoire.
L'influence asiatique se fait très fortement sentir dans nombre d'aspects : que ce soit dans la philosophie du récit, ou encore dans la structure des combats. Le livre fait très fortement penser à l'adaptation d'un film des Pays du Levant, tant certaines descriptions (comme les gerbes de sang) sont caractéristiques de ce cinéma. La fin elle-même est particulièrement typique par tous ses non-dits, pourtant soulevés à la dernière page et que l'on s'attend à voir éclaircis en guise d'épilogue. Le côté occidental plus présent dans ce volume-ci s'y mêle pourtant. Se basant sur le folklore japonais, Thomas Day enrichit ce dernier avec une description des Enfers proche de celle de Dante, parsemant ici et là d'autres figures mythologiques tel Prométhée. Le tout concilie donc le meilleur des deux cultures à notre plus grand plaisir.
Cette optique épurée se traduit également par un nombre de personnages étonnamment réduit : quatre principaux et à peine plus de secondaires. Ce qui pourrait conduire à une pauvreté littéraire se révèle être l'un des points forts du livre. Tous ont juré de conduire l'Empereur à sa perte et ce simple choix leur donne déjà une dimension exceptionnelle. Et leurs différences de points de vue n'en ressortent que plus flagrantes, bien que complémentaires. A la manière d'un conte philosophique, chacun affronte ses propres démons, essayant de sublimer son destin. Un livre psychologiquement fort.
Lorsque l'on s'interroge sur un roman de fantasy asiatique, assurément Thomas Day est un auteur à recommander, car il a le don d'amener l'Asie à portée de votre regard. Parcourez donc avec lui les routes des quatre Poissons-Chats et peut-être vous aussi vous pourrez participer à la chute de l'Empereur.
— Luigi