Et nous voilà de retour dans le Monde des Fleuves et des Lacs ! Et, immédiatement, porté par le ton à part de ces aventures picaresques, le lecteur retrouve ses marques en quelques pages à peine.
Cette fois, c’est bien le Li Mubai incarné à l’écran par Chow Yun-Fat dans le film de Ang Lee que l’on retrouve en tant que personnage principal, mais attention ! Nous sommes loin du sage combattant du film, et loin au passage de son scénario. Ce Li Mubai-là est encore un jeune homme cherchant à se bâtir une réputation et qui ne parvient pas toujours à dominer ses émotions, qu’il soit d’ailleurs question d’amour ou de combat avec toute une kyrielle d’adversaires.
Il faut bien admettre que le personnage nous rappelle forcément Petite Grue, même si son caractère se veut un peu moins fantasque et son passé moins chargé. On se prend donc d’autant plus rapidement de sympathie pour lui, ou pour certains seconds rôles, à l’image de Patron Shi, l’aubergiste toujours bien informé.
Pour le reste, l’intrigue joue habilement du mélange de rencontres martiales, de complots ourdis dans l’ombre par des personnalités avides de pouvoir contre un noble chevalier errant, et bien sûr, de romances, toujours présentées avec pudeur et retenue. Certaines réactions, notamment dans le cadre de monologues des uns et des autres, prennent parfois une tournure par trop théâtrale, mais cela fait partie intégrante du style littéraire développé par l’auteur. Et cela ne nous empêche pas de compatir aux malheurs du jeune homme, qui quitte une jeune femme pour en découvrir une autre elle aussi source de malheurs et de conflits (ce qui ne veut pas dire que le roman leur fait porter la responsabilité de ces différents coups du sort).
Rien de bien neuf en Chine donc avec ce troisième tome, mais le tout se révèle très bien agencé en plus de finir sur un véritable cliffhanger – encore que la coupure sonne quelque peu artificielle, à l’image du soin apporté à la traduction (les notes de bas de page paraissent encore plus présentes que précédemment).
Sur le plan de la « fantasy », là aussi, pas de surprise : en dehors de l’emploi du terme de chevalier, qui évidemment se prête également parfaitement à un usage historique, d’allusions à certains dieux et légendes du folklore chinois ou bien sûr aux capacités martiales hors-normes de certains personnages visiblement adeptes du vitalisme, il ne faut pas s’attendre à voir notre héros chasser un véritable dragon pour son déjeuner.
Dynamique et dépaysant à sa manière, voici un tome dans la lignée des précédents, empreints d’une identité chinoise forte.
— Gillossen