Les lecteurs qui ont déjà suivi Glen Cook découvriront avec plaisir ce roman one shot qui se déroule dans une ville qui n'est pas sans rappeler par certains aspects la grande Carthage aux alentours du 2ème siècle avant Jésus Christ.
Sous la plume sèche de l'auteur, on y retrouve en effet l'ambiance exotique, chamarrée mais sombre, décrite notamment dans Salammbô de Gustave Flaubert, et les parallèles entre Carthage et Qushmarrah ne manquent pas. Néanmoins, on peut plus parler d'inspiration dans un monde de dark fantasy que d'uchronie à cause des anachronismes.
Les amateurs de la Compagnie noire ne seront pas désorientés à la lecture de ce livre. Ils se retrouveront même en terrain connu car Qushmarrah n'est pas sans évoquer les évènements qui se sont produits à Génépi dans le château noir - bien que le monde soit différent - avec notamment l'alternance de narrateurs réunis autour d'une figure centrale qui est ici Aaron l'artisan. Ville occupée, trahisons, intrigues de Cour, révolte sous-jacente, rapts, meurtres, agent triple ou quadruple se croisent de manière débridée jusqu'à la fin.
Tout au long des 440 pages, Glen Cook maîtrise admirablement son histoire et crée la surprise à de nombreuses reprises pour parvenir à une conclusion douce amère qui lui est propre.
On retrouve aussi dans ses personnages le refus de distinction entre le Bien et le Mal où chaque homme ne constitue qu'un entrelac de causes et de conséquences. Ainsi, le traître qui a fait chuter la ville de Qushmarrah et le voleur d'enfant ne sont pas irrécupérables car tout le monde a sa propre part d'obscurité. Si les caractères durs et partagés des protagonistes sont bien travaillés, on ne s'enthousiasme malgré tout pas autant que pour les héros de la compagnie comme Toubib ou Madame. Cela est sans doute dû au format court de l'histoire qui empêche de mieux les connaître, mais aussi à cause du fait qu'il est difficile de prendre cause pour une partie par rapport aux autres.
Qushmarrah ne dépareille cependant pas en qualité des autres écrits de Glen Cook, et les amoureux de l'auteur ou de dark fantasy peuvent s'y précipiter les yeux fermés.
— Belgarion