Comme souvent, avant même sa parution papier, L’Attaque des Titans était déjà connu d’une certaine frange du public, grâce à un anime qui a été l’une des sensations, si ce n’est la sensation du printemps 2013, un peu partout de par le monde.
En attendant le tome 3 en septembre, les éditions Pika ont profité de ce mois de juillet pour lancer en fanfare les deux premiers volumes du manga de Hajime Isayama, publié depuis la rentrée 2009 au Japon.
Et comme nombre de séries attendues, il était logique de craindre d’être quelque peu déçu après lecture. Mais, à dire vrai, ce serait plutôt tout le contraire. Ce qui frappe dès les premières pages du manga, c’est son ton et sa noirceur. Pour une œuvre catégorisée en shonen, on a souvent l’impression d’avoir en réalité affaire à un seinen. Il n’est pas question ici de se voiler la face ou de jouer la carte de la mièvrerie et des bons sentiments. Bien sûr, Eren évoque la figure classique du héros bouillonnant d’en découdre, mais le jeune homme est bien loin de se résumer à cela. Il en va de même pour toute la petite bande qu’on nous présente aussi vite qu’efficacement, le personnage de Mikasa balayant tout sur son passage dans le tome 2.
Il faut dire que l’univers de L’Attaque des Titans n’a rien de chatoyant. L’humanité est à genoux et les mystérieux titans qui s’en prennent à elle sont pratiquement invincibles. Chaque assaut peut mettre en péril son existence même. La mort rôde partout, hante les uns et les autres, révèle les failles et les doutes. L’auteur a parfaitement su retranscrire cette ambiance de fin du monde.
Mais au-delà de cette atmosphère très particulière, Isayama a su bâtir un univers cohérent, qu’il soit donc question des problématiques nées d’un repli derrière de telles murailles ou de la façon de combattre ces monstres. L’auteur a d’ailleurs recours à une verticalité souvent ignorée, rendant les affrontements plus tactiques que bourrins, contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer.
Et on en vient justement au plus gros “problème” du manga, pour l’instant du moins. Sa qualité graphique. Si la mise en scène de l’auteur est réussie, si justement il sait utiliser les bons angles au bon moment, son coup de crayon reste encore trop souvent bien emprunté. Rien de rédhibitoire en soi (on a tout de même vu largement pire depuis le temps…), mais si vous avez commencé par l’anime, vous risquez de connaître une pointe de déception. Un constat qui concerne surtout les personnages et notamment quelques questions de proportions. Mais il semble difficile de ne pas voir l’auteur améliorer son trait au fil des chapitres, sachant que le manga compte déjà dix tomes au Japon. L’apparence des titans eux-mêmes n’entrant pas en compte dans cet état de fait, puisqu’il s’agit simplement d’un choix de design de la part du mangaka, qui plaira ou pas.
Mais renoncer à une telle lecture pour cela (on allait dire “si peu”) serait tout de même fort dommage ! Car on pourrait discourir encore longtemps sur ce manga, à coup sûr l’une des nouveautés les plus excitantes de ces dernières années, et qui sait ne pas sacrifier le fond sur l’autel de l’action.
Dommage que le tome 3 ralentisse un peu le tempo, sans apporter de réelle nouveauté en dehors de l'introduction sommaire de personnages appelés à prendre de l'importance. Néanmoins, il s'agissait apparemment d'un simple cap à franchir. Au contraire de son adaptation qui prend son temps et se rattrape à coup de cliffhangers réguliers, le manga mise beaucoup lui aussi sur ses dialogues (à l'image du procès du tome 5), mais se prive de tout gras pour avancer sans temps mort tout en parvenant à intégrer les nouveaux venus aux caractères bien différents, sans altérer pour autant son climat lourd et sans concession.
Telle l'humanité devant les Titans, pour l'instant, le manga tient le choc. En quittant les rives de son adaptation anime, le manga entraînait ses lecteurs vers des territoires inconnus... Pour le moment moins riche en combats, à l'image du volume 9, le manga n'en acquiert pas moins une certaine complexité, quitte à sacrifier un peu le rythme. Reste à savoir où l'auteur compte nous emmener réellement. Et les derniers tomes en date parus ces derniers mois ont eu tendance à nous faire prendre du recul, sans pour autant nier les qualités et les aspérités toujours présentes du titre !
— Gillossen
