Perdido Street Station - 1
Nouvelle-Crobuzon est une gigantesque cité industrielle, sombre, glauque et grouillante de vie, dans laquelle cohabitent de nombreuses races étranges,...
Nouvelle-Crobuzon est une gigantesque cité industrielle, sombre, glauque et grouillante de vie, dans laquelle cohabitent de nombreuses races étranges,...
Alors que les gorgones recouvrent lentement Nouvelle-Crobuzon d’une chape de terreur, se nourrissant des passants de toutes races et peuplant les nuit...
Perdido Street Station fait partie de ces ouvrages qu’on peut qualifier de livre-univers. La mégalopole décrite par China Mieville est une merveille d’imagination, débordante de vie, de créatures étranges, d’inventions farfelues ou démoniaques. Si l’histoire en elle-même est particulièrement bien menée malgré un démarrage assez long, l’intérêt du texte réside surtout dans la description de toutes les facettes de la cité. Chaque chapitre est l’occasion de découvrir un nouveau quartier, une nouvelle race, ou un autre aspect des règles complexes qui régissent la vie des habitants de Nouvelle-Crobuzon.
Le premier tome peut sembler trop lent, car il est particulièrement descriptif. L’auteur s’attache surtout à faire découvrir Nouvelle-Crobuzon au lecteur, à introduire chacun des personnages, à semer les graines de l’histoire à venir. On a donc tout d’abord l’impression que l’intrigue est très loin d’être à la hauteur du cadre dans lequel elle se déroule. Elle s’emballe cependant à la fin du premier tome, et le second est purement jouissif, tant par la façon dont s’assemblent les différents morceaux du puzzle présentés dans le premier que par la découverte de certains des aspects les plus fascinants de Nouvelle-Crobuzon. Et si les gorgones peuvent sembler, au premier abord, être des créatures assez peu redoutables comparées aux monstres peuplant les cycles d’héroic-fantasy, leur véritable nature et le danger qu’elles font peser sur le monde se révèle pleinement par la suite.
L’ambiance rappelle quelque peu les ouvrages cyberpunk de William Gibson : les personnages principaux sont loin du profil classique du héros, ils sont pris malgré eux dans une tourmente au cœur de laquelle ils cherchent surtout à survivre. Ils ne sont que des pions ou des insectes aux yeux des groupes les plus puissants de la ville, et ne peuvent guère espérer y changer grand chose. Et si leur action peut se révéler efficace contre les gorgones, la vie continuera comme auparavant à Nouvelle-Crobuzon, et ils seront rapidement oubliés. Tandis que les puissants continueront à gouverner, à comploter ou à trafiquer sans que cet épisode n’ait rien changé à leurs habitudes. Tout ceci contribue à créer une atmosphère particulièrement sombre. L’espoir existe, bien sûr. Mais il reste limité.
L’écriture est particulièrement travaillée, et fourmille de morceaux de bravoure. Certains passages, tels que la rencontre avec la Fileuse ou la prise de conscience du premier artefact sont de petits chefs-d’œuvre.
Le livre lui-même est à la croisée des genres. Son cadre, proche de la révolution industrielle, rappelle les textes steampunk tels que La Machine à différences de Sterling. Le foisonnement de races étranges vivant en relative harmonie se rapproche du Majipoor de Silverberg ou des Ombres d’Abyme de Gaborit. Tandis que les bio-thaumaturges et leurs inventions démentielles font irrésistiblement penser aux savants granbretons de Hawkmoon.
Au final, Perdido Street Station est une œuvre qui mérite vraiment d’être découverte. Bien loin de la plupart des clichés, on a ici un univers riche et original, une intrigue bien menée et des personnages très attachants, tout cela servi un style particulièrement ciselé. En bref, un régal pour quiconque ne sera pas rebuté par l’aspect très descriptif du premier tome et l’ambiance noire qui se dégage de l’ensemble.