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Ah, grande question, avec son lot de polémiques (le Trône de Fer, anyone ?). On avait déjà évoqué un peu la question dans un podcast et ça fait longtemps qu'on parle d'ouvrir un topic après différents débats concernant la traduction de diverses œuvres (le Trône de Fer, anyone ? - mais aussi la Roue du Temps). Il est grand temps de le faire une bonne fois pour toute.On va commencer par relayer deux news en rapport avec le sujet ::arrow: http://www.elbakin.net/edition/15371-Tr ... des-usages:arrow: http://www.elbakin.net/edition/15447-La ... s-couturesVu comme le sujet est assez large, n'hésitez pas à l'emmener où vous voulez :) Je sais qu'on a quelques traducteurs sur le forum : des témoignages sur votre façon de travailler (qu'est-ce qu'il faut traduire, qu'est-ce qu'il ne faut pas traduire ?) sont les bienvenues. :sifflote:Et histoire de lancer le topic avec une question bateau : qu'est-ce qui, pour vous, fait une bonne ou une mauvaise traduction ? Pourquoi, quand vous lisez un roman en VF sans avoir lu la VO, vous avez envie de dire "Tiens, c'est bien/mal traduit ça" ?Personnellement, je me souviens de deux traductions de Jacques Collin, celle des Royaumes d’Épines et d'Os et celle du Prince du Néant, qui m'ont fait grincer des dents par l'utilisation systématique du tutoiement. Je sais que parfois, le choix du "tu" ou du "vous", n'est pas simple, mais quand quelqu'un s'adresse à la deuxième personne du singulier à un Roi ou à une personne de pouvoir, ça me fait bizarre.Étrangement, ce sont deux œuvres qui ont très bonne réputation sur le forum mais que je n'ai pas réussi à apprécier. Coïncidence ? (c'est Joïncidence avec un C) Je pense que pour le Keyes, c'est parce que je n'aime pas les personnages et l'univers un peu niais, mais je cherche encore la cause pour le Bakker et je me demande si la traduction n'entre pas en ligne de compte.

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D'ailleurs, concernant le Trône de Fer, j'ai vu que c'était reparti comme en 40 sur "direwolf" ces derniers jours... ;) Il me semble que dernièrement, j'avais évoqué la création d'un sujet dédié dans un autre sujet... certains messages pourraient être rapatriés ici, mais il faudrait déjà que je me souvienne du sujet en question. :mellow:

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Merwin Tonnel a écrit :Ah, grande question, avec son lot de polémiques [...]Vu comme le sujet est assez large, n'hésitez pas à l'emmener où vous voulez :) Je sais qu'on a quelques traducteurs sur le forum : des témoignages sur votre façon de travailler (qu'est-ce qu'il faut traduire, qu'est-ce qu'il ne faut pas traduire ?) sont les bienvenues. :sifflote:Et histoire de lancer le topic avec une question bateau : qu'est-ce qui, pour vous, fait une bonne ou une mauvaise traduction ? Pourquoi, quand vous lisez un roman en VF sans avoir lu la VO, vous avez envie de dire "Tiens, c'est bien/mal traduit ça" ?
Le sujet étant lancé, je me lance aussi, au risque de me viander, mais c'est la règle du jeu. :)On peut aborder la "question" par pas mal d'angles, il reste quelques notions générales qu'il faut peut-être poser dès le départ :Ici, j'imagine qu'on va parler de la traduction de romans, donc du respect du texte de la VO (pour qui a lu la VO, évidemment), du style, du vocabulaire, de la fluidité du texte en VF.Si le texte en VO est une daube, difficile qu'en VF ce soit un bijou, sauf à trahir totalement le texte initial. A mon avis, on se dit que la trad est merdique quand, sans avoir lu la VO, on trouve le roman mal écrit en français. Qu'est-ce que c'est, "mal écrit" ? Là, on entre de plain-pied dans le subjectif, et autant se faire une raison, de toute façon on n'en sortira plus. C'est le "problème", qui renvoie à la "question" initiale, parce que chacun/e est juge.Donc, je vais être subjectif. -_-La très grande majorité des romans dont on parle sur ce site sont à l'origine écrits en langue anglaise (ou ses déclinaisons : américaine, australienne, etc.). Ce qui tombe bien pour moi, mon expérience se limitant à cette langue, pour ce qu'elle vaut (mon expérience, pas la langue).Déjà, pour l'appréciation de la VF, il faut prendre en compte le fait que le lecteur/la lectrice (que je vais appeler Lambda, pour ne pas répéter à chaque fois) réagira différemment si Lambda connaît ou non la langue anglaise. Une trad trop "collée" au texte anglais coulera mal, au risque parfois de faire du mot à mot ou des contresens, et du coup la VF sera lourdingue, voire incompréhensible. Lambda FA. (franco-anglophone) repérera ce genre d'erreurs en reconstituant inconsciemment la formulation d'origine. Lambda F. (uniquement francophone) trouvera simplement que le texte est mal foutu. Lambda F. pourra accuser la traduction, ou le texte d'origine, mais sans savoir s'il faut incriminer la VO, la VF, ou les deux. Lambda FA. soupçonnera la présence d'un testicule dans la soupe. :rolleyes:C'était pour le respect du texte de la VO.Pour le style de la VF, maintenant : tout dépend, évidemment. Avec un VO tartinée par un forçat de la plume qui n'a aucun style, difficile que la VF soit élégante. Oméga (le traducteur/la traductrice, même système que pour Lambda) doit faire avec certaines contraintes : le texte, bien sûr, mais aussi l'éditeur français. Si ce dernier lui dit "Arrangez à votre sauce, ce sera mieux, et n'hésitez pas à élaguer en cas de redondance", ça laisse à Oméga une certaine marge. C'était souvent le cas il y a encore une dizaine d'années, quand les éditeurs français achetaient les droits de romans qu'ils jugeaient, à tort ou à raison, trop longs. On demandait alors à Oméga de faire une VF plus courte que la VO de 10, voire 15%. D'où certaines rééditions avec la mention "Texte intégral". Il n'y a pas de mystère.Il y a aussi le cas où Oméga est lui-même un tâcheron, et là ce peut être le cas inverse : bon texte en VO, lourdinguerie en VF. Habituellement, quand même, les éditeurs ne gardent pas longtemps les Lambdas de cet acabit.Et puis il y a le problème du vocabulaire, plus ou moins recherché, ou même technique, et là l'éditeur a aussi son mot à dire. Le côté "note en bas de page" pour expliquer un terme casse le rythme de la lecture et peut donc nuire au plaisir de Lambda. Certains éditeurs préfèrent donc qu'Oméga traduise "simple". Certains auteurs autorisent même Oméga à recourir à une périphrase en VF, dans le même but. Il y a aussi l'écueil de la traduction des noms propres. L'exemple de Littlefinger a été traité dans un autre sujet, tout comme celui des titres de noblesse. Le fait est que, si Oméga se met à traduire un nom propre, pour la compréhension de Lambda F., Oméga devra faire de même avec tous les noms propres du bouquin, au nom de la cohérence. Et parfois, ça pose problème..On peut aussi parler du problème de retranscription d'un jeu de mots. Si c'est une pointe d'humour intraduisible, Oméga se débrouillera pour retranscrire cette atmosphère dans un autre passage. Si c'est une pointe d'humour récurrente et intraduisible, Oméga sera bien dans le caca.Je parle, je parle... Bon, OK, j'arrête, mais je termine par quelques citations éhontément pillées au bouquin du même nom, chez Robert Laffont, qui peuvent aussi alimenter le débat :Une traduction est au mieux un écho. George BORROWLes traductions sont comme les belles femmes : lorsqu'elles sont belles elles ne sont pas fidèles, et lorsqu'elles sont fidèles elle ne sont pas belles. (Edmond JALOUX, ça ne s'invente pas :D)... il n'est pas nécessaire d'entendre une langue pour la traduire, puisque l'on ne traduit que pour des gens qui ne l'entendent point. Denis DIDEROT, Les Bijoux indiscrets.Une oeuvre de la langue traduite dans une autre langue : quelqu'un passe la frontière en y laissant sa peau, pour revêtir le costume local. Karl KRAUS, Aphorismes.Y'a de quoi faire !:rolleyes:

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Merwin Tonnel a écrit :Je sais que parfois, le choix du "tu" ou du "vous", n'est pas simple, mais quand quelqu'un s'adresse à la deuxième personne du singulier à un Roi ou à une personne de pouvoir, ça me fait bizarre.
D'accord sur ce point, qui s'applique aussi souvent malheureusement à certaines vostfr... (petite pensée à la première vostfr que j'ai vue du premier épisode de GOT).A mon sens, une des différences qu'il peut y avoir entre VO et VF réside dans le ressenti des émotions portées par le texte. La langue française tente souvent de coller aux versions originales, tout du moins de s'en rapprocher, mais il ne s'agit pourtant que de traductions et les sentiments véhiculés peuvent paraître sous un autre angle: ils seront certes compris dans le même registre, mais avec plus ou moins d'intensité. Notre langue est complexe; une multitude de mots peuvent être utilisés pour exprimer les mêmes évènements, les mêmes actions, les mêmes émotions; cependant, elle a tendance à "broder" plus que certaines autres langues. Dans un même temps, certains mots de la VO ne connaissent pas d'équivalent dans notre langue. Comment, dès lors, parvenir à retranscrire ce que l'auteur tentait de nous faire passer, sans en dire trop peu, ou en rajouter trop? Pour en revenir au dire-wolf de GOT, il m'étonnerait que M. Martin ait imaginé parler de loups-garou... alors quoi? comment le traduire? D'autres loups géants ont vu le jour sous la plume d'un auteur des plus aimés: Tolkien. Ses Wargs sont eux même des loups gigantesques. Pour autant, on ne peut utiliser ce terme pour traduire le dire-wolf; ces créatures étant, je le pense, totalement différentes des warg.Je ne dis pas là que les Vo (en anglais puisque c'est à celles-ci auxquelles nous sommes le plus souvent en contact) ne possèdent pas de poésie, ne savent pas "broder", mais, bien qu'également riches en vocabulaires, elles ne sont pas comparables avec les VF.Les VO sont à selon moi plus brutes de décoffrage dans leurs expressions. La VF, bien que capable de retranscrire par exemple la cruauté d'une bataille, son côté sanglant, fera paraître, par ses effets de style bien souvent à rallonge (mais que je trouve cependant très bien, hum) la scène semblable à un tableau. Les effets de style des VO sont plus directs et, en comparaison, donnent l'effet d'un véritable film. Non pas que je ne visualise pas les choses dans mon esprit comme un film permanent lorsque je lis un livre, qu'il soit en VO ou en VF, mais les éléments diffèrent, même si c'est de peu de choses.Voilà, j'ignore si je suis parvenu à vous transmettre mon ressenti (basé sur des lectures telles que la saga ASoIaF, la saga de Tolkien et, dans une autre mesure, Legende.) mais j'aurai au moins essayé ^^

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Ethan Iktho a écrit :Il y a aussi l'écueil de la traduction des noms propres. L'exemple de Littlefinger a été traité dans un autre sujet,
Au passage, pour pinailler un peu, l'exemple de Littlefinger n'est pas bon puisque Littlefinger n'est pas un nom propre mais un surnom, tout à fait traduisible sans la moindre difficulté dans l'absolu...cette absence de traduction restera toujours pour moi un mystère insondable...

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Moi ce que je me demande, c'est en français, on a des "règles" (je prends au sens très large du mot) de stylistique : verbes ternes, répétitions, etc.Le traducteur "doit"-il les respecter ou coller au plus près de la VO dont les "règles" ne sont pas les mêmes ?

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Il me semble qu'ils collent au plus prêt du style de l'auteur. Pour certaines expressions, par exemple, il n'existe pas d'équivalent en français ( l'exemple courant du "it's raining cats and dogs" qui, chez nous, veut simplement dire qu'il pleut des cordes!). Il faut donc forcément trouver des équivalents, des approches stylistiques proches mais, à mon goût, ce ne sont que des approximations qui restent cependant de très très grande qualité (on a affaire à des pros, quand même ^^).

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Nariel a écrit :Moi ce que je me demande, c'est en français, on a des "règles" (je prends au sens très large du mot) de stylistique : verbes ternes, répétitions, etc.Le traducteur "doit"-il les respecter ou coller au plus près de la VO dont les "règles" ne sont pas les mêmes ?
La réponse est presque dans la question, j'ai envie de dire, de mon point de vue de traductrice. Tout est histoire de logique, de feeling. Il faut coller au plus près de la VO tout en s'arrangeant pour qu'on n'ait pas l'impression, en VF, que "ça sent le traduit".Donc, chez moi, ça donne : faire la chasse aux verbes ternes et aux rpéétitions (pour reprendre ton exemple) quand c'est possible, c'est-à-dire pas à tout prix. Pour éviter la répétition de X dit, Y dit, machin répond, il suffit le plus souvent de ne pas traduire un "he said" parmi les 4 ou 5 présents en l'espace de 15 lignes (véridique!). Mais le plus souvent, je ne suis pas contrainte d'en arriver là. Tout dépend de la qualité du texte VO. En traduction, on est toujours sur le fil du rasoir : il faut à tout prix conserver tout le sens de la VO, tout en s'affranchissant du carcan de la grammaire/ syntaxe VO, car la manière d'écrire en VO ne correspond souvent pas à ce qu'on ferait en français. Par exemple, on est amené à changer la place des divers membres d'une phrase en passant de la VO à la VF. On garde tout le sens, mais on écrit comme on le ferait le plus naturellement en français. Je n'ai pas d'exemple précis en tête, alors j'espère que ce que je dis est à peu près clair...C'est seulement en faisant cela qu'on rend vraiment justice au texte VO, qu'on le traduit véritablement. :-)Bien entendu, je ne parle que de la forme du texte, ici, pas du fond. Les changements que je mentionne, je n'y procède que quand c'est vraiment impossible de faire autrement.En ce qui concerne le sens du texte, la "règle" est à la fois très simple et très compliquée : il faut tout le sens, rien que le sens. :-) Pas toujours évident. Un vrai challenge, parfois.

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Merci de la réponse ^^ J'avais essayé (folle que je suis) le prologue de Point of Hopes pour ma mère, et avec tous les "said", je cherchais les synonymes =x

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Gillossen a écrit :Idem (enfin, c'est comme ça que je l'ai compris) : étant donné qu'on est censé rendre un texte en français, priorité aux règles du français. :)
Oui, c'est bien cela. :-)De toute façon, on le sent vite, quand il y a une tournure / un aspect de la VO (grammatical ou autre) qui ne passera pas en VF. On sent vite venir la phrase bancale qu'il faut absolument éviter.

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Je vais prendre la roue du temps comme exemple.La traduction de ce long cycle a été confiée à Arlette Rosenblum pour les premiers tomes puis à Simone Hilling. Au premier abord je me suis dit cool, j'avais déjà lu des livres traduits (la balade de Pern) par cette dernière et je n'ai jamais pensé en les lisant que c'était mal traduit...mais quand j'ai commencé le premier tome traduit par cette dernière et que j'ai trouvé des incohérences graves par rapport aux premiers tomes, je me demande comment c'est possible en tant que traducteur de commencer une traduction sans prendre le temps de relire les premiers tomes d'un cycle...ceux qui fréquentent le topic sur la roue du temps connaissent ces graves incohérences dont je parle, mais pour ceux qui n'ont pas lu le cycle voici quelques exemples sans spoiler : - un peuple vit dans le désert et se bat avec le peuple voisin pour avoir acces à leur point d'eau : premiers tomes : guerre de l'eau, tomes avec la nouvelle traductrice : guerre maritime :( - un peuple à cause de son histoire ne se bat jamais avec des épées, premiers tomes : traduction du mot "spears" qu'utilise ce peuple : lances, tomes suivant : épées :huh:pour la roue du temps je suis donc passé à la vo, et à chaque fois que je pense aux livres du cycle de la balade de Pern je me demande si je ne suis pas passé à coté de quelque chose en les lisant en français... :mrgreen:

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N'ayant pas lu la Roue du temps, que ce soit en VO ou en VF, je ne peux que te faire confiance quand tu résumes les incohérences de traduction.Partant de ce principe-là, une chose est sûre : telle que la situation est présentée, je vois mal pourquoi une lance devient une épée... A supposer que la traduction soit volontaire (comment peut-elle ne pas l'être, sur ce point précis?), quel intérêt à avoir changé le terme?En revanche, en ce qui concerne le fait de relire les tomes précédents avant d'entamer une traduction, je tendrais quand même à nuancer ton propos. Il est évident que c'est un idéal vers lequel le traducteur doit tendre. Cela étant dit, et là je prends mon cas personnel, il m'aurait été impossible de lire les 1e tomes, pour la simple et navrante raison que le délai qu'on m'aurait donné pour traduire aurait été bien trop court pour me le permettre!!!! Ce que je déplore évidemment. En ce qui me concerne, je dispose de délais déjà ric-rac rien que pour traduire, alors s'il fallait lire plusieurs tomes pour reprendre une série en cours, une série aussi ambitieuse que celle de Jordan, j'aurais été bien embêtée...Après, me diras-tu peut-être, il fallait refuser la trad'... Mais on rentre dans un autre débat, là.J'ouvre une petite parenthèse : chez l'éditeur avec qui je bosse, on nous demande d'établir un lexique de l'oeuvre. Cela permet de pallier en grande partie le problème que tu soulèves, dans le cas où des traducteurs différents bosseraient sur une même série, ce qui nous arrive souvent, d'ailleurs.

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Mais n'est ce pas à l'éditeur de respecter les lecteurs et du coup de donner du temps aux traducteurs pour faire correctement leur travail ? je n'accuse pas la traductrice, c'est probablement ces délais trop courts qui ont provoqué ces bévues, mais au final, l'éditeur est perdant parce qu'il fait fuir les lecteurs vers la vo ou décourage certains de continuer la lecture du cycle...

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Santino a écrit :[...] En ce qui concerne le fait de relire les tomes précédents avant d'entamer une traduction, je tendrais quand même à nuancer ton propos. Il est évident que c'est un idéal vers lequel le traducteur doit tendre. Cela étant dit, et là je prends mon cas personnel, il m'aurait été impossible de lire les 1e tomes, pour la simple et navrante raison que le délai qu'on m'aurait donné pour traduire aurait été bien trop court pour me le permettre!!!! Ce que je déplore évidemment. En ce qui me concerne, je dispose de délais déjà ric-rac rien que pour traduire, alors s'il fallait lire plusieurs tomes pour reprendre une série en cours, une série aussi ambitieuse que celle de Jordan, j'aurais été bien embêtée...Après, me diras-tu peut-être, il fallait refuser la trad'... Mais on rentre dans un autre débat, là.J'ouvre une petite parenthèse : chez l'éditeur avec qui je bosse, on nous demande d'établir un lexique de l'oeuvre. Cela permet de pallier en grande partie le problème que tu soulèves, dans le cas où des traducteurs différents bosseraient sur une même série, ce qui nous arrive souvent, d'ailleurs.
Tout à fait d'accord avec toi. ;)Juste pour rire, je reviens un peu sur le problème des délais, avec un scénar pas si catastrophe qu'il en a l'air, parce qu'il survient de temps à autre :Imaginons que vous êtes traducteur/trice, et qu'en ce beau jour du 12 octobre 2011, on vous contacte pour vous proposer la trad d'un roman calibré à 700 feuillets (j'explique plus bas la notion de calibrage et de feuillets *), avec pour date de remise : fin janvier 2012. L'offre tombe bien, vous aviez besoin de boulot. Oui, mais :1 : Ce roman fait partie d'une saga que vous ne connaissez pas (disons une trilogie, et on vous a contacté/e pour le troisième volet, parce que le traducteur des deux premiers a fait faux bond/n'est pas libre/a été enlevé par les extraterrestres/etc.)2 : Vous n'avez pas terminé de bosser sur votre trad actuelle, et il vous faudra encore 15 jours pour la rendre ;3 : Vous calculez ce que cette trad va vous rapporter et ça tombe bien parce que, justement, vous aviez l'intention de vous accorder une semaine de vacances pour les fêtes de fin d'année, quand même. Et en même temps vous vous dites : "Si le chèque arrive dans les temps, j'aurai l'argent, mais p'têt pas le temps..." ;4 : Avant le moindre chèque, vous touchez d'abord du bois pour ne pas choper la grippe ou une autre merdouillerie incapacitante parce que, comme vous traduisez, vous n'avez pas d'arrêt-maladie à faire valoir, au cas où.5 : Il est très possible qu'une fois la trad précédente rendue, on vous envoie les épreuves à corriger, deux mois plus tard, et ça ne se refuse pas. Donc prévoyez une semaine de plus.6 : Celle-là, c'est pour rire et on ne la retiendra pas, mais ça arrive : vous pourriez aussi commencer à traduire sur un fichier PDF, avec un texte VO non définitif. Bref. Vous voilà donc avec 700 feuillets à traduire, en trois mois dans le meilleur des cas (à cause des 15 jours pour finir la trad et de la semaine des fêtes.)En fait, non : Parce que vous voulez être dans le ton, évidemment, donc il faut aussi que vous lisiez très attentivement les deux premiers volets de la trilogie, pour savoir de qui vous allez parler, ce qui s'est passé dans les volumes précédents, comment traduire certaines expressions spécifiques, qui tutoie et vouvoie qui, etc. Et si la personne qui a traduit précédemment n'a pas établi un glossaire VO/VF exhaustif, c'est à vous de vous y coller, avec la VO et la VF en parallèle. La cerise sur le gâteau, pour toute personne dans le cas de figure ci-dessus : un personnage se remémore une de ses pensées, ou une phrase d'un des personnages principaux, qui bien entendu figure dans un des deux premiers volumes de la trilogie. A vous de la retrouver. Par ailleurs, et à mon avis c'est un facteur non négligeable, il arrive qu'entre l'auteur et la personne qui traduit il y ait d'emblée une adéquation qu'il est difficile de définir ou paramétrer en des termes précis. Si quelqu'un d'autre reprend la suite des traductions et que la même entente ne se produit pas, pour toutes les causes évoquées précédemment, il est évident que la magie du texte risque de ne plus opérer aussi efficacement pour le lecteur accro aux deux premiers volumes de la saga.Je crois aussi qu'aucune personne ayant pour métier la traduction de romans ne veut ce genre de résultat. Au contraire.@ ramaloce : Sans vouloir te vexer, je préfère en rester au sujet de la traduction. Celui de l'édition m'échappe complètement, et pour la clarté du sujet de ce topic, il serait peut-être préférable de ne pas déborder sur d'autres considérations, au risque de noyer le sujet. Même si, évidemment, on déborde de temps en temps. ;) @ Dark Schneider : Merci. J'avais parié un verre avec un pote que tu réagirais en disant que mon exemple de Littlefinger était minimum inapproprié. J'ai gagné, mais j'avoue que j'ai un peu triché avec lui : je savais que je pouvais compter sur toi pour ne pas démordre de tes convictions.Et comme j'apprécie, je t'en dois un. ;)* : calibrage et feuillets : En règle générale, le calibrage est le calcul du nombre de signes et espaces de la trad. On rend la trad sur des feuillets dactylographiés de 25 lignes de 60 signes ou espaces, soit des feuillets de 1500 signes, format classique de ce qu'on appelle un "feuillet". Pour calculer le nombre de feuillets que fera une trad de l'anglais au français, par exemple, on compte quelques lignes pleines au hasard dans la VO, on fait une moyenne, on multiplie par le nombre de pages (toujours de la VO, bien sûr), on ajoute 10% pour la trad en français (notre langue exigeant un peu plus de signes pour exprimer les mêmes choses qu'en anglais), et on divise par 15000 (le "feuillet" dont je parlais précédemment. On obtient ainsi le nombre de feuillets de la trad VF, qui sera la base de rémunération de la traduction, et aussi une notion du boulot à fournir pour qui accepte le contrat.

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Ethan Iktho a écrit :
Santino a écrit :[...] En ce qui concerne le fait de relire les tomes précédents avant d'entamer une traduction, je tendrais quand même à nuancer ton propos. Il est évident que c'est un idéal vers lequel le traducteur doit tendre. Cela étant dit, et là je prends mon cas personnel, il m'aurait été impossible de lire les 1e tomes, pour la simple et navrante raison que le délai qu'on m'aurait donné pour traduire aurait été bien trop court pour me le permettre!!!! Ce que je déplore évidemment. En ce qui me concerne, je dispose de délais déjà ric-rac rien que pour traduire, alors s'il fallait lire plusieurs tomes pour reprendre une série en cours, une série aussi ambitieuse que celle de Jordan, j'aurais été bien embêtée...Après, me diras-tu peut-être, il fallait refuser la trad'... Mais on rentre dans un autre débat, là.J'ouvre une petite parenthèse : chez l'éditeur avec qui je bosse, on nous demande d'établir un lexique de l'oeuvre. Cela permet de pallier en grande partie le problème que tu soulèves, dans le cas où des traducteurs différents bosseraient sur une même série, ce qui nous arrive souvent, d'ailleurs.
Tout à fait d'accord avec toi. ;)Juste pour rire, je reviens un peu sur le problème des délais, avec un scénar pas si catastrophe qu'il en a l'air, parce qu'il survient de temps à autre :Imaginons que vous êtes traducteur/trice, et qu'en ce beau jour du 12 octobre 2011, on vous contacte pour vous proposer la trad d'un roman calibré à 700 feuillets (j'explique plus bas la notion de calibrage et de feuillets *), avec pour date de remise : fin janvier 2012. L'offre tombe bien, vous aviez besoin de boulot. Oui, mais :1 : Ce roman fait partie d'une saga que vous ne connaissez pas (disons une trilogie, et on vous a contacté/e pour le troisième volet, parce que le traducteur des deux premiers a fait faux bond/n'est pas libre/a été enlevé par les extraterrestres/etc.)2 : Vous n'avez pas terminé de bosser sur votre trad actuelle, et il vous faudra encore 15 jours pour la rendre. Mais bon, du boulot pour trois mois, dans un secteur où la sécurité de l'emploi n'a jamais existé (pas de chômage pour les traducteurs), une offre comme ça, ben ça ne se refuse pas ;3 : Vous calculez ce que cette trad va vous rapporter et ça tombe bien parce que, justement, vous aviez l'intention de vous accorder une semaine de repos pour les fêtes de fin d'année, quand même ;4 : Avant le moindre chèque, vous touchez d'abord du bois pour ne pas choper la grippe ou une autre merdouillerie incapacitante parce que, comme vous traduisez, vous n'avez pas d'arrêt-maladie à faire valoir, au cas où.5 : Il est très possible qu'une fois la trad précédente rendue, on vous envoie ses épreuves à corriger, deux mois plus tard, et ça ne se refuse pas. Donc prévoyez une semaine de plus.6 : Celle-là, c'est pour rire et on ne la retiendra pas, mais ça arrive : vous pourriez aussi commencer à traduire sur un fichier PDF, avec un texte VO non définitif, qu'il vous faudra donc vérifier ultérieurement, ligne par ligne, pour être sûr que l'auteur n'a pas modifié des données importantes du bouquin. Bref. Vous voilà donc avec 700 feuillets à traduire, en trois mois dans le meilleur des cas (à cause des 15 jours pour finir la trad et de la semaine des fêtes.)En fait, non : Parce que vous voulez être dans le ton, évidemment, donc il faut aussi que vous lisiez très attentivement les deux premiers volets de la trilogie, pour savoir de qui vous allez parler, ce qui s'est passé dans les volumes précédents, comment traduire certaines expressions spécifiques, qui tutoie et vouvoie qui, etc. Et si la personne qui a traduit précédemment n'a pas établi un glossaire VO/VF exhaustif, comme le dit si justement Santino, ce sera à vous de vous y coller, avec la VO et la VF en parallèle. Chouette boulot. La cerise sur le gâteau, pour toute personne dans le cas de figure ci-dessus : un personnage se remémore une de ses pensées, ou une phrase d'un des personnages principaux, qui bien entendu figure dans un des deux premiers volumes de la trilogie. A vous de la retrouver. Par ailleurs, et à mon avis c'est un facteur non négligeable, il arrive qu'entre l'auteur et la personne qui traduit il y ait d'emblée une adéquation qu'il est difficile de définir ou paramétrer en des termes précis. Si quelqu'un d'autre reprend la suite des traductions pour un troisième volet (toujours le même exemple) et que la même entente ne se produit pas, pour toutes les causes évoquées précédemment, il est évident que la magie du texte risque de ne plus opérer aussi efficacement pour le lecteur accro aux deux premiers volumes de la saga.Je crois aussi qu'aucune personne ayant pour métier la traduction de romans ne veut ce genre de résultat. Au contraire.@ ramaloce : Sans vouloir te vexer, je préfère en rester au sujet de la traduction. Celui de l'édition m'échappe complètement, et pour la clarté du sujet de ce topic, il serait peut-être préférable de ne pas glisser vers d'autres considérations, au risque de noyer le sujet. Même si, évidemment, on déborde de temps en temps. ;) @ Dark Schneider : Merci. J'avais parié un verre avec un pote que tu réagirais en disant que mon exemple de Littlefinger était minimum inapproprié. J'ai gagné, mais j'avoue que j'ai un peu triché avec lui : je savais que je pouvais compter sur toi pour ne pas démordre de tes convictions.Et comme j'apprécie, je t'en dois un. ;)Tout ce qui précède mis à part, il n'en reste pas moins que le boulot consistant à traduire des romans, et particulièrement des romans de fantasy, est aussi un grand plaisir, et parfois un plaisir rare.Enfin, c'est juste ce que j'en dis, hein... ;)* : calibrage et feuillets : En règle générale, le calibrage est le calcul du nombre de signes et espaces de la trad. On rend la trad sur des feuillets dactylographiés de 25 lignes de 60 signes ou espaces, soit des feuillets de 1500 signes, format classique de ce qu'on appelle un "feuillet". Pour calculer le nombre de feuillets que fera une trad de l'anglais au français, par exemple, on compte quelques lignes pleines au hasard dans la VO, on fait une moyenne, on multiplie par le nombre de pages (toujours de la VO, bien sûr), on ajoute 10% pour la trad en français (notre langue exigeant un peu plus de signes pour exprimer les mêmes choses qu'en anglais), et on divise par 1500 (le "feuillet" dont je parlais précédemment. On obtient ainsi le nombre de feuillets de la trad VF, qui sera la base de rémunération de la traduction, et aussi une notion du boulot à fournir pour qui accepte le contrat.

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Ethan Ikhto , tu as parfaitement résumé la situation de nombreux traducteurs, en tout cas dans le domaine de la fantasy et exception faite de certains grands noms (encore que, de nos jours...) POur poursuivre sur le sujet, je signale mon cas perso : j'ai vécu exactement le même genre de situation, sauf qu'il ne s'agissait pas d'une "grande" série (au sens de longue et complexe). Il s'agit des Joyaux Noirs de Bishop. J'ai été chargée du 1e tome, mais vu que la trilogie devait paraître rapidement, on était en tout 3 traductrices. J'ai mis au point un lexique bien épais, que mes collègues ont pu consulter et évidemment commenter. L'adaptation de certains noms propres s'est faite donc d'un commun accord. (verre-freux, Onirie pour Surreal, Char etc)Mais bref, tout ça pour dire que si la série avait été plus longue et s'il avait fallu la prendre en cours de route, cela aurait été une autre paire de manches. Tout ce qui est lexique, fichier pour synthétiser tutoiements et vouvoiements, c'est bête à dire, mais ça demande un travail fou qui n'est pas rémunéré en tant que tel :-) Mais que le traducteur accomplit par professionnalisme. (et pour éviter les erreurs bêtes et donc ne pas passer pour un abruti, accessoirement. On a sa fierté, tout de même.)Je n'ai rien à ajouter à ton explication sur le calibrage, qui est limpide. Je précise tout de même que pour les 10% supplémentaires (VF plus longue que le nombre de signes VO), on peut en général se brosser.Je conclus néanmoins comme toi, évidemment. J'estime que j'ai vraiment de la chance, car malgré tout cela, je pratique un métier que j'adore et qui est souvent très gratifiant.Certes on travaille seul dans son coin, donc la gratifiant on se l'autoattribue et on ne la partage pas avec grand-monde. Et puis, avec les délais que j'ai souvent, ça peut devenir du travail à la chaîne.Mais cela reste, comme tu dis, un plaisir rare. Il m'arrive de me sentir privilégiée ! Tout ce qu'il me reste à souhaiter, c'est qu'on me donne du Cormac McCarthy à traduire, et là, je serais comblée ;)PSAh, j'allais enfin poster, et j'ai remarqué à nouveau ton point n°6. Cela m'est arrivé pas plus tard que cette année. Je n'ai pas tant ri. Y avait plein de changements...:sifflote:

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ramaloce a écrit :Mais n'est ce pas à l'éditeur de respecter les lecteurs et du coup de donner du temps aux traducteurs pour faire correctement leur travail ? je n'accuse pas la traductrice, c'est probablement ces délais trop courts qui ont provoqué ces bévues, mais au final, l'éditeur est perdant parce qu'il fait fuir les lecteurs vers la vo ou décourage certains de continuer la lecture du cycle...
au fait, je double poste, mais je devais te répondre, ramaloce. A mon sens, tu n'as accusé personne, je te rassure. :-)Tu as fait état d'un problème bien réel, qui a certainement plusieurs responsables cumulés (facteurs humain, mais pas seulement). De plus, même si un traducteur est responsable de certaines erreurs, à un moment ou à un autre, le dire ne signifie pas obligatoirement qu'on a l'intention de l'exécuter publiquement ou qu'on lui en veut à mort... :)Quant à l'éditeur, je pense qu'il est loin d'être perdant, au contraire. Ou qu'en tout cas, il a fait son calcul... Pour quelques fans qui remarquent les erreurs, combien profitent de l'oeuvre, se laissent transporter sans se poser de question ? (ce n'est pas une critique, d'ailleurs. Il n'y a pas de mal à cela)

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Santino a écrit :Certes on travaille seul dans son coin, donc la gratifiant on se l'autoattribue et on ne la partage pas avec grand-monde.
Traducteurs, je vous aime :wub:Vous avez un travail pas super bien payé, avec des délais parois (souvent ?) trop courts et des fans qui vous sautent dessus à la moindre erreur.Pourtant, sans vous, des milliers de lecteurs n'auraient pas accès à des histoires fantastiques. Alors merci !Personnellement, je suis plutôt du genre à me faire embarquer dans un texte et donc à ne relever les erreurs. Et lorsque je trouve un passage d'un livre mal écrit, je l'impute systématiquement à l'auteur (mais je devrais peut-être m'en prendre aussi au traducteur :P).Pour la traduction des noms propres, je pense qu'une solution serait de les laisser en VO et de mettre un lexique à la fin du livre. Cela permet de garder des effets de style (je pense à "Severus Snape" qui ne rend pas du tout comme "Severus Rogue" dans Harry Potter) et d'expliciter au lecteur les nuances du nom ("machin" peut se traduire part "truc" mais il faut prendre en compte que cela rappelle tel autre mot qui a tel autre sens etc.).

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Mais n'est ce pas à l'éditeur de respecter les lecteurs et du coup de donner du temps aux traducteurs pour faire correctement leur travail ?
Je dirais que tout dépend de l'éditeur. Cela dit, effectivement, finalement, les gens qui prennent la peine de se plaindre sur un forum ou en envoyant un mail à l'éditeur, ça représente combien de % du nombre total de lecteurs ?