Les textes entre () sont de moi Tel un maître des puzzles (heu, je ne vois pas quelle expression française pourrait correspondre), il est probable qu’il travaille chaque fragment de son œuvre pour qu’il s’assemble aux autres avec une telle finesse qu’une équipe de fans purs et durs aurait besoin d’années entières pour l’analyser. Comme un horloger du XIXème siècle, il peut avoir construit péniblement chaque malentendu entre les personnages, chaque bataille, et chaque élément pour s’assembler en une tapisserie prise de tête qui ne peut être clairement discernée tant que la série n’est pas finie. Déjà, nombre de ces poins apparemment convenus de l’histoire se sont développées en d’importantes sous-intrigues qui peuvent en affecter d’autres. Pour donner un exemple d’un personnage apparemment oublié : le ‘renifleur’ Hurin semble avoir disparu au second livre, pour ne plus faire parler de lui depuis. Avance rapide plusieurs volumes plus tard. Là, une brève mention a été faite que les nations de Shienar et Arafel sont en guerre. De tels choses sont, sans cesse, signalées dans les dialogues entre personnages. Jordan bombarde intentionnellement le lecteur avec des détails, ainsi les nouvelles et évènements courants dans Randland (je laisse Randland, parce que je trouve que le pays de Rand fait ridicule
) passent souvent inaperçues. Pourtant un examen attentif de ce détail minuscule conduit à la possibilité que cette guerre éloignée et insignifiante pourrait bien avoir été provoquée par les nouvelles que Hurin à ramener à son retour à Shienar… et ceci pourra retomber plus tard sur Rand ou un autre personnage principal La série de ‘La roue du temps’ es t plus qu’un (escapist brain candy = bonbon de cervelle romantique ????) sucre d’orge. C’est une fractale, une structure infiniment complexe si serrée qu’elle semble vaciller sur la corniche séparant la fantasy de la réalité. Ce monde aussi fouillé que le notre. Son créateur est soit un génie soit un fou, peut-être les deux. Quand je me représente la maison de Robert Jordan, j’imagine des pièces et des pièces pleines de papiers, épinglés sur tous les murs (en fait, je l’ai entendu dire qu’il avait des piles et des piles de bouquins qui grimpaient jusqu’au plafond, mais peut-être que ça a changé depuis
) soulignant chaque détail, gardant la trace des populations mouvantes d’un monde entier. Il doit avoir des frises temporelles, des langues, (la vieille langue, Ogier), des listes de cultures locales et coutumes, listes d’histoires des nations, listes de drapeaux, d’armures et d’armes, listes de guildes et sociétés, des cartes de cités, nations, et continent, et trop d’autres choses pour les citer toutes. Ces dernières années, un guide sur son monde a été publié, je le soupçonne de ne révéler qu’une parte de cet immense iceberg. Malgré tout cela, les critiques sur les personnages de Jordan ont peut-être raison sur un point ou deux. Il y a une certaine ressemblance entre tous les personnages masculins et tous les personnages féminins. Il n’y a pas de croisement. Au pays de Rand (je voulais laisse Randland, mais ça fait trop au pays de Candy pour laisser passer l’occasion :lol ), les femmes perçoivent généralement les hommes comme des rustres et des têtes de linottes (le terme exact est woolhead ; sans dico, j’ai du mal à trouver un terme retranscrivant ça) et se lient facilement les unes au autres, alors que les hommes se méfient de tout un chacun et des femmes en particulier. Il a été avancé que Jordan ignore les réalités de l’interaction humaine. Au premier coup d’œil, il apparaît que sa séparation nette des rôles féminins et masculins est un écho d’un point de vue sexiste masculin. Au pays de Rand (encore ! décidément :lol ), les hommes ne peuvent pas faire le travail des femmes ( qui comprend le lancer d’éclair et la manipulation de rois et de reines), et les femmes ne peuvent faire le travail des hommes (qui consiste essentiellement en des versions légèrement altéré de leurs propres capacités). Evidemment, ceci conduit à un affrontement lorsqu’une femme a besoin d’un homme pour faire quelque chose et vice versa. Je me suis vexée lorsque j’ai lu ‘L’œil du monde’ la première fois, parce que les femmes du Champ d’Emond (Edmon’s Field) sont dépeintes comme les maîtresses de maisons, ou filles de fermes stéréotypées. Il semble évident (à ce moment) que les principaux personnages seront masculins. Arrive alors Moiraine Sedai, et mes attentes ont volées en éclats. En tant que femme, je suis éternellement reconnaissante à Robert Jordan d’avoir le courage et le talent d’inventer d’attachants types de rôles féminins. Ceux-ci sont extrêmement durs à trouver dans quasiment tous les genres de fiction. Le monde de ‘La roue du temps’ a une histoire de trois mille ans de subtile domination féminine (pas si subtile que ça je trouve Z.). Les cultures et les personnages sont développés en accord. Dans notre monde, peut-être que les relations irritantes entre hommes et femmes ne sont pas aussi fréquentes…mais Jordan a un point de vue unique sur la société. Il a l’air de suggérer que les hommes auraient plus de mal à accepter la domination féminine que les femmes de notre propre culture n’en ont eu à accepter la loi masculine. Il y a des nations dans Randland où les hommes sont traités en citoyens de secondes zones. Mais Jordan ne réserve pas sa saga exclusivement aux femmes. Ses personnages masculins sont aussi forts et il semble que son monde soit au seuil d’une ère (VO = pointe d’une ère) où l’équilibre sera restauré et les hommes rétabliront leur égalité avec les femmes.