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Aragorn, un héros sous-estimé ?

Par DarkoverGirl, le mardi 19 février 2013 à 10:00:00

AragornC'est la thèse d’Angela P. Nicholas, auteur de Aragorn, J.R.R. Tolkien's Undervalued Hero, ouvrage paru l’automne dernier.
La première partie de ce livre est une étude biographique d’Aragorn couvrant sa généalogie, les prophéties datant d’avant sa naissance, les différentes époques de sa vie et enfin sa mort, au début du Quatrième Âge. L’ouvrage souligne en particulier les épreuves, à la fois physiques et psychologiques, auxquelles il a dû faire face et son rôle crucial (facilement négligé ou sous-estimé) dans le processus amenant à la destruction de l’Anneau et la chute de Sauron. La seconde partie examine en détail les interactions et relations du personnage avec ses contemporains en Terre du Milieu tant au niveau des individus que des différentes races. Cette partie prend aussi en compte l’influence de certains de ses ancêtres sur son caractère et ses attitudes.
Nous vous proposons ci-dessous une interview traduite de l'auteur !

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L'interview

Pouvez-vous nous parler de vous ?
Je suis née à Dover dans le Kent, mais j’ai passé la plus grande partie de mon enfance à Gloucester. Après ma rencontre avec mon mari en 1974, nous nous sommes installés à Portsmouth où j’ai toujours vécu depuis lors. J’adore les chats, nous avons partagé notre maison avec nombre d’entre eux au fil des ans. Nous adorons aussi la campagne et marchons régulièrement avec la branche locale de notre association de randonneurs.
J’ai étudié le latin (avec une option en philologie) à la London University (Royal Holloway College) et j’ai une formation supérieure de bibliothécaire et un diplôme en technologies de l’information. Je suis maintenant retraitée après une carrière d’abord dans l’enseignement supérieur en tant que bibliothécaire puis en tant que spécialiste des technologies de l’information au sein d’une collectivité territoriale. Mon latin est un peu rouillé, mais j’ai acheté Hobbitus Ille et j’ai bien l’intention de le lire un jour.
Qu’aimiez-vous lire quand vous étiez enfant ?
J’ai honte d’avouer qu’après avoir épuisé la bibliothèque rose d’Enid Blyton, j’ai très peu lu jusqu’au bac (spécialité histoire) quand j’ai développé une passion pour les romans historiques (de Jean Plaidy principalement) et les biographies. J’en ai gardé une passion pour la famille Stuart et le mouvement Jacobite. J’ai un penchant certain pour les rois en exil.
Quand avez-vous lu Bilbo le Hobbit ou Le Seigneur des anneaux pour la première fois ? Vous souvenez-vous de ce moment ?
Le Seigneur des Anneaux était très à la mode quand j’étais au lycée à la fin des années 60 et au début des années 70, mais pour je ne sais quelle raison, j’ai refusé de m’y plonger jusqu’à quelques années après mon diplôme, au moment où un ami m’a convaincue de lire la série. Il m’a conseillé de commencer par Bilbo et m’a promis que j’allais passer un très bon moment. J’ai tout de suite accroché et peu de temps après, quand je suis sortie avec celui qui allait devenir mon mari, je n’ai pas tardé à lui faire lire les œuvres de Tolkien.
D’où vient votre grand amour pour Aragorn ?
Il remonte à ma première lecture du Seigneur des Anneaux en 1973. J’avais emprunté l’édition en trois volumes à la bibliothèque et après avoir fini La Communauté de l’Anneau, je me souviens avoir ouvert Les Deux tours et pensé « Oh, mon Dieu ! » en voyant que le premier mot était « Aragorn ». C’est quelques pages après, quand il pleure sur le corps de Boromir et se reproche tout ce qui est allé de travers, qu’il est devenu mon personnage préféré : fort et courageux, tout en restant très humain. Les (re-)lectures qui ont suivi, Appendices inclus, m’ont confortée dans mon opinion et m’ont amenée à réaliser la complexité et l’importance de ce personnage.
J’aimerais que nous parlions de votre ouvrage, Aragorn : Le héros sous-estimé de JRR Tolkien. Qu’est ce qui vous a amené à écrire ce livre ?
Ce n’est pas un événement précis qui m’a conduit là, c’était plutôt un processus de longue haleine. Après avoir vu la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson entre 2001 et 2003, je me suis sentie déçue par les changements qu’il avait apportés au personnage et à l’histoire d’Aragorn, je me suis donc replongée dans le livre, le relisant à plusieurs reprises tout en prenant des notes détaillées pour tenter de redécouvrir l’Aragorn de Tolkien. À ce stade, cet exercice n’était qu’une distraction agrémentée de quelques essais de fan-fiction pour explorer mes idées. Cependant, au bout d’un moment, j’ai réalisé que le volume de mes notes et le temps que j’y passais méritaient un projet plus sérieux et substantiel. C’est donc à partir de 2008 que je me suis concentrée sur l’écriture de ce livre.
D’après votre titre, vous percevez Aragorn comme un héros injustement sous-estimé. Est-ce que votre livre apporte des éléments pour faire changer cette vision du personnage ?
C’est vrai que je pense qu’Aragorn est sous-estimé. Pour donner un exemple général, dans Le Seigneur des Anneaux, il accomplit souvent en coulisses des choses essentielles pour protéger Frodon, mais il faut lire entre les lignes pour le réaliser. Plus spécifiquement, je crois que sa confrontation avec Sauron lors de l’épisode du Palantir d'Orthanc était un acte extrêmement important et courageux, mais une fois encore, c’est facile de l’oublier et de le négliger. De plus, Aragorn noue des amitiés très fortes et très importantes avec d’autres personnages et elles valent la peine d’être étudiées pour elles-mêmes. J’ai essayé de traiter toutes ces questions, entre autres, dans mon livre.
Quelles ont été vos sources pour l’écriture de votre livre ? : Mes sources principales étaient les écrits de Tolkien lui-même puisque c’était l’Aragorn de Tolkien que j’explorais
Bilbo le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux, Les Contes inachevés, Le Silmarillion, L’Histoire de la Terre du Milieu et les Lettres. J’ai aussi utilisé les articles de journaux les plus pertinents et des ouvrages critiques variés, notamment The Master on Middle-earth de Paul Kocher et le très utile The Lord of the Rings: A Reader's Companion de Wayne G. Hammond et Christina Scull. Ce dernier se réfère à certains manuscrits détenus par la Marquette University qui m’ont donné un accès indirect à d’autres sources utiles.
Quelles compétences particulières avez-vous mis en œuvre pour écrire ce livre ?
Une obsession pour Aragorn, peut-être ? Sans rire, c’est peut-être une condition préalable lorsqu’on entame une étude longue et exhaustive. J’ai éprouvé une grande empathie pour mon sujet et ce projet m’a aidé au cours d’une période difficile d’inquiétudes et de soucis de santé en me donnant quelque chose d’agréable et de satisfaisant pour m’occuper l’esprit (Aragorn n’est pas appelé « guérisseur » pour rien !). Par ailleurs, étant retraitée, je n’ai pas eu de problèmes pour garder un équilibre entre ce travail et une occupation professionnelle.
Dans quelle mesure peut-on comparer votre livre avec celui d’Elizabeth M. Stephen, Hobbit to Hero; The making of Tolkien's King ?
Son livre retrace le développement d’Aragorn (à travers les volumes de L’Histoire de la Terre du Milieu) depuis sa première incarnation dans la peau d’un hobbit appelé Trotter jusqu’au roi de Númenor que l’on voit dans Le Seigneur des Anneaux. De plus, elle considère ce personnage au sein du contexte d’autres héros de légendes ou de l’histoire. L’accent est aussi principalement porté sur Hope et la mort d’Aragorn : elle apporte un éclairage chrétien ou religieux à la question.
Au contraire, mon propre livre se concentre principalement sur l’Aragorn des ouvrages publiés. La première partie est une étude biographique détaillée examinant son ascendance, sa vie, son rôle et son caractère avec un accent particulier mis sur son importance facilement négligée dans la mission visant à détruire l’Anneau et sur ses combats et les peines qu’il a traversées. La seconde partie du livre (à peu près les deux tiers) est une étude approfondie de ses relations avec ses contemporains dans la Terre du Milieu, tant individuellement que vis-à-vis des différentes races. Plus généralement, je dirais que le livre d’Elizabeth Stephen et le mien ont deux approches très différentes : ils sont donc complémentaires sans se faire de l’ombre.
Et comment peut-on comparer votre ouvrage et The Master of Middle-earth de Paul Kocher ?
Le livre de Paul Kocher a été écrit en 1972, il est donc uniquement basé sur la matière présente dans Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux puisque les écrits suivants n’avaient pas encore été publiés. Il n’est pas centré sur Aragorn, mais contient tout de même un chapitre qui lui est consacré, ainsi que d’autres références notables dans le reste du livre. Pourtant, pour moi, l’importance du livre de Kocher est autre : je ne connaissais pas cet ouvrage avant sa réédition en 2002, et à ce moment-là, j’avais déjà formé ma propre opinion à propos du rôle oublié d’Aragorn dans Le Seigneur des Anneaux et de la négligence générale des critiques à son égard. J’ai été ravie de constater que ce point de vue se retrouvait chez un auteur réputé pour son analyse de Tolkien et cela m’a donné la confiance nécessaire pour persévérer dans ma propre étude.
En faisant vos recherches, avez-vous découvert des éléments nouveaux à propos de Tolkien ?
J’ai acquis une conscience accrue de la profondeur émotionnelle de beaucoup de personnages (pas seulement d’Aragorn) issus du Seigneur des Anneaux et j’ai perçu une profondeur émotionnelle similaire chez Tolkien, qui lui a permis de dépeindre de tels personnages. En outre, même si ce n’est pas directement lié à mon travail sur Aragorn, je suis devenue plus attentive au Tolkien linguiste et philologue.
En une phrase ou deux, pourquoi les lecteurs devraient-ils acheter ce livre ? Qu’est-ce qui fait son originalité ?
Mon livre, comme celui d’Elizabeth M. Stephen, est une étude sur un personnage qui a été souvent négligé, mais contrairement à son travail, le mien plonge dans des détails plus fins, les « choses sérieuses » de la vie d’Aragorn, ses combats et interactions avec les autres personnages. De plus, les analyses de ses relations impliquent, de par leur propre nature, un examen considérable des autres personnages. Au final, les événements, les gens et les races dans Le Seigneur des Anneaux sont vus à travers les yeux d’Aragorn : c’est une approche différente de l’histoire.
Quels espoir nourrissez-vous pour vos lecteurs ?
J’espère que le livre plaira à ceux qu’Aragorn intéresse. J’espère aussi que ceux qui ne partagent pas mon enthousiasme y trouveront aussi leur compte. Je ne m’attends pas à ce que tous soient d’accord avec ma vision et mes conclusions, mais si ce livre contribue à faire évoluer l’idée que les gens se font d’Aragorn ou amène d’autres études sur les domaines que j’ai abordés, ce serait génial.
C’est peut-être une question difficile, mais quelles comparaisons peut-on faire entre l’Aragorn des livres et l’Aragorn des films ?
Ce sujet mériterait vraiment un livre en lui-même (mais je n’ai pas l’intention de l’écrire !). Ce sont bien sûr les films qui ont indirectement servi de déclencheur pour mon livre, précisément à cause des différences dans la manière de présenter Aragorn en le montrant, par exemple, comme un roi malgré lui qui a été forcé d’accepter l’épée de ses ancêtres par Elrond. Par ailleurs, un gros problème pour moi était l’absence quasi-totale de reconnaissance des dons de guérison et de seconde-vue d’Aragorn. De plus, sa confrontation avec Sauron grâce au Palantír, seulement incluse dans la version longue du Retour du Roi a été mal représentée puisqu’au final le crédit d’avoir vu une partie des plans de Sauron à ce moment revient à Pippin ! Il n’y a pas seulement eu des changements dans son personnage, mais aussi dans son histoire, comme par exemple le fait de rompre son engagement avec Arwen et l’omission des Rôdeurs du Nord, si bien que nous avions Aragorn passant à travers les Chemins des Morts avec seulement Legolas et Gimli comme seuls compagnons. Et en ce qui concerne la scène « Aragorn tombe d’une falaise », ne me lancez pas là-dessus !
Pouvons-nous espérer d’autre livres de vous à l’avenir ? : Je n’ai rien de prévu pour le moment
ce livre m’a pris assez de temps. Si je recommence à écrire, je pense que ce sera plutôt des articles courts que des livres, mais rien n’est définitif pour le moment.
Juste par curiosité, avez-vous des livres de Tolkien chez vous et lequel est le plus précieux à vos yeux ? : Ma collection de Tolkien occupe quatre rayonnages
je possède la plupart de ses œuvres ainsi que certains ouvrages critiques. Je suppose que mon élément le plus précieux serait la réimpression couverture cartonnée de 1966 en trois volumes du Seigneur des Anneaux que je me suis offerte peu après avoir lu les livres pour la première fois. J’ai aussi la première édition reliée du Silmarillion que j’ai achetée dès sa sortie.
Une dernière question. Êtes-vous allée voir le film de Peter Jackson, Bilbo le Hobbit, et qu’en avez-vous pensé ?
Je l’ai vu deux fois. Sans trop rentrer dans les détails, il y a eu des moments que j’ai vraiment beaucoup aimés (le retour en arrière au début du film, la scène entre Bilbo et Gollum, les aigles, et la performance de Martin Freeman en général), des parties pour lesquelles j’ai pensé que c’étaient des bonnes idées au départ, mais dont je n’ai pas aimé le résultat final (Radagast, par exemple), et des passages que je n’ai pas aimés du tout (certains changements au niveau de l’histoire, la débauche d’attaques d’orcs/wargs et tous ces ponts de cordages, ces éboulements et ces chutes mortelles).

L'article originel.


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