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Terremer par Ghibli, interview !

Par Thys, le jeudi 19 janvier 2006 à 09:21:43

Le mois de décembre a été marquée par l'annonce d'une nouvelle adaptation pour Terremer, prise en charge par le célèbre studio Ghibli. Mais en dehors d'une affiche, d'une date de sortie, et de la mise en avant des réticences de Miyazaki père, nous manquions encore d'informations !
En voici donc, avec la traduction d'une interview de Suzuki Toshio, producteur.

Interview de Suzuki Toshio

Pourquoi faites-vous Gedo Senki : contes de Terremer maintenant ?

Suzuki : Au début, M. Miyazaki a été enthousiasmé par le livre, je l'ai lu sur son conseil. Avant de faire Nausicaa (1984), nous pensions déjà que nous voulions adapter ce roman à l'écran. C'est différent des autres aventures fantasy dans lesquelles on combat l'ennemi à l'aide de pouvoir et de magie. Cela m'a choqué qu'il se batte avec lui-même. Dans le sens où cela présente les problèmes d'un individu, s'il n'y avait pas eu de Gedo Senki : contes de Terremer, il n'y aurait probablement pas la série des Star Wars.

A cette époque, n'avez-vous pas tenté d'en faire un film ?

Suzuki : Pour vous dire la vérité, nous avons commencé des négociations, mais cela ne s'est pas bien passé. Il semble qu'il y ait eu des offres de plusieurs personnes, mais Le Guin n'a donné son accord a aucune d'entre elles. Si nous avions fait Gedo Senki à cette époque, Nausicaa n'aurait sûrement jamais vu le jour. Il y a 3 ans, un message de Le Guin nous est arrivé, traduit en japonais par Shimizu Masako, qui disait qu'elle avait vu le travail de Miyazaki et qu'elle voulait qu'il fasse le film. Bien que ce soit une bénédiction pour moi, Miyazaki était inquiet.

Pourquoi ?

Suzuki : Il était très occupé par la production du Château Ambulant (2004). Le temps avait passé depuis l'époque où il voulait faire le film. Il se demandait « Est-ce que je peux encore le faire, maintenant ? » Mais je voulais le faire, aujourd'hui. Par chance, j'avais lu les livres avant de parler à Shimizu. Je pensais que le volume 3 était adapté à notre époque, que nous pouvions lui donner ce sens de la réalité qui s'est affaibli.

Sens de la réalité ?

Suzuki : Le nombre de gens qui sont d'accord avec la hausse des taxes a augmenté lorsque les sondages ont été publié. Je ne comprends pas pourquoi on interroge les gens sur la privatisation des services postaux et pourquoi la révision de la constitution est exaltée. C'est ce que font les hommes d'Etat parce que, après tout, cela nous étrangle. Je pensais que les « gens du commun » avec le sens de la réalité n'existaient plus. C'est ce que Goro exprime dans le travail, j'arrête maintenant.

Pourquoi avoir choisi Goro comme réalisateur ?

Suzuki : Le futur de Ghibli est problématique. Takahata Isao a 70 ans. Miyazaki Hayao aura bientôt 65 ans. A eux deux, ils ont 135 ans, si on y ajoute mon âge, on approche des 200. Si nous continuons ainsi, c'est la fin de Ghibli. Mais c'est une compagnie qui a envie de faire ses films. Il y a aussi ce sentiment de satisfaction qui dit « Est-ce que tout ça n'est pas suffisant ? » Mais il y a notre responsabilité envers les jeunes qui travaillent au studio. Malgré le fait que M. Miyazaki soit un génie lorsqu'il s'agit de faire des films, il est un très mauvais professeur. Vous vous en rendez compte tout de suite s'il est dans le siège du passager quand vous conduisez. La plupart des gens deviennent fous parce qu'il coupe tout.

Au début pour Kiki la petite sorcière et Le Château Ambulant, d'autres personnes avaient été choisies pour réaliser. Au final, Miyazaki est devenu réalisateur. J'ai vu cela se reproduire plusieurs fois. Naturellement, Miyazaki ne pense pas à mal. J'ai donc pensé à Goro, les choses devraient bien se passer si on le met parmi eux.

Mais il n'a pas d'expérience dans la réalisation de films d'animation.

Suzuki : Cela ne m'inquiétait pas. Lorsqu'il a construit le musée Ghibli d'après un dessin de Miyazaki, il n'avait pas d'expérience dans la construction mais dans le paysagisme. Je pense que chacun est capable de reproduire un schéma s'il peut l'observer d'assez près. Lorsque je publiais le mensuel Animage, j'ai demandé à l'équipe éditoriale de faire son autoportrait pour les notes de l'éditeur. Au début, ils m'ont dit que c'était impossible, puis ils ont commencé à observer leur visage avec attention, et ils ont réussi à se dessiner parfaitement à la dernière minute. M. Goro fait souvent le portrait des gens dans les réunions, je pense qu'il a le pouvoir de l'observation et qu'il est capable de cela.

Est-ce que M. Goro s'intéresse à l'animation depuis longtemps ?

Suzuki : Je ne le comprends pas. Travailler près de son père aurait été désagréable habituellement, mais il s'intéressait tout de même au travail de son père. Je l'ai senti lorsqu'il s'est embarqué dans le musée Ghibli.

Pourquoi l'avez-vous choisi pour ce musée ?

Suzuki : Je le connais depuis qu'il est étudiant. Lorsque je l'ai revu longtemps après à l'enterrement de son grand père, cela m'a fait une impression étrange lorsqu'il m'a dit « Je suis Goro ». Il a capté mon regard et ne l'a pas lâché. J'ai vu son visage dans mon esprit lorsque nous projetions le musée. Je demandé à M. Miyazaki s'il pensait qu'on pourrait le confier à M. Goro. Il m'a dit « Si M. Suzuki le persuade et qu'il accepte, je n'y peux rien. » Et je le lui ai demandé.

Que vous a répondu M. Goro ?

Suzuki : Lorsqu'il a commencé à travailler avec nous, j'ai eu deux sujets de réjouissance. Premièrement il a fini le musée Ghibli et a splendidement réussi la gestion. Deuxièmement, il a refusé les idées approximatives du dessin réalisé par M. Miyazaki. J'ai trouvé ça très fiable, j'ai vu sa capacité à faire appliquer ses idées. Je pensais qu'il serait capable de faire le film. Lorsque le projet du film a été présenté, je lui ai demandé « Tu ne seras pas indifférent au futur de Ghibli si tu penses au futur du musée Ghibli. Tu ne participes pas au projet ? » Il m'a répondu immédiatement « Ca a un rapport avec le musée, etc. »

Pour débuter le projet, nous nous sommes réunis avec M. Goro et quelques personnes en octobre 2003.

A ce moment, il n'était pas encore réalisateur.

Suzuki : Non. Plus tard, lorsque le projet s'était un peu étoffé, j'ai parlé à M. Miyazaki pour que nous puissions commencer la préparation à grande échelle « Nous voulons que M. Goro soit conseiller. » Il s'y est fortement opposé. Les gens avaient des opinions variées au sujet de sa participation. Puis on s'est demandé qui allait dessiner. Nous avons décidé que M. Goro ferait les storyboards.

Quelle impression avez-vous eu en voyant les storyboards achevés ?

Suzuki : Je pense que je ne suis pas le mieux placé pour en parler. M. Ootsuka Yasuo, un grand animateur, les a beaucoup admirés, il m'a demandé qui les avait dessinés. Lorsque je lui ai répondu que c'était M. Goro, il était très surpris et m'a dit « Tel père, tel fils. »

Et je les ai montrés à M. Anno Hideaki. Il s'est émerveillé en disant « Pourquoi n'a-t-il pas fait ça plus tôt ? » et lorsqu'il a appris que M. Goro avait 38 ans, il a dit « C'est totalement le Miyazaki Anime. »

Quelle a été la réaction de M. Hayao ?

Suzuki : Il n'avait pas regardé, il a dit, assez en colère, « Vous êtes fous d'avoir pris M. Goro pour réalisateur, c'est impossible, il ne peut pas faire le dessin, il n'a rien compris. » Alors, je lui ai montré l'image avec le dragon que M. Goro avait dessiné pour l'affiche. Il n'a rien dit parce que l'image est dessinée sous un angle que ne fait pas M. Miyazaki. Une seule image a un tel pouvoir. Puis, je lui ai clairement dit « On part avec ça. » Il est resté frappé de surprise pendant un moment.

Est-ce que tout était alors réglé ?

Suzuki : Non, nous sommes allés voir Le Guin pour lui demander sa permission en lui exposant notre projet, en juin de cette année. J'ai demandé à ce qu'il me dessine quelque chose un jour où Miyazaki était de bonne humeur. Il a fait un dessin de Hort-town qui est devenu une étape du film à mon avis. Il l'a regretté plus tard « Je ne devrais pas dessiner. » Mais, après tout, c'est Miyazaki qui est allé demander l'autorisation.

Ce n'est pas M. Goro ?

Suzuki : Au début, c'est comme ça que nous voulions faire. M. Miyazaki a trouvé ça étrange « Si le réalisateur a du temps, il pourra dessiner plus d'images. Allez demander l'autorisation de l'auteur original, c'est le travail du producteur. » Je lui ai donc proposé de le faire avec moi, il n'avait pas très envie, mais je l'ai persuadé en lui disant « Tu seras bon dans ce rôle, parce que tu es fan d'elle. »

Comment s'est passée la rencontre ?

Suzuki : Nous avions caché la venue de M. Miyazaki à Le Guin. Nous le lui avons présenté comme étant Miyazaki Goro, elle a rit parce qu'il était assez âgé. Je pense qu'elle avait tout de suite compris en entrant dans la pièce, nous n'en avons plus parlé, heureusement, tout s'est calmé.

Est-ce que la négociation s'est bien passée ?

Suzuki : Il y a eu beaucoup de retournements parce qu'elle espérait que M. Miyazaki « Hayao » allait réaliser ce film. D'abord, M. Miyazaki lui a parlé de l'intensité de Gedo Senki puis lui a dit « Laissez-moi juste vous dire que j'ai lu ce livre à de nombreuses reprises lorsque j'étais en difficulté ou inquiet et tout mon travail en a subit l'influence, de Nausicaa au Château Ambulant. Si ce film est réalisé, personne au monde ne pourra m'en exclure. »

Et que s'est-il passé ?

Suzuki : Tout de suite après, il a ajouté « Cependant, tout cela remonte à plus de 20 ans, je suis déjà un ancêtre. Mon fils et l'équipe ont exprimé leur envie de réaliser ce film et je pense que c'est une bonne chose qu'ils en extraient un nouveau charme. J'assume l'entière responsabilité concernant le script, si je le lis et qu'il ne va pas, je le fais stopper immédiatement. »

Quelle a été la réaction de Le Guin ?

Suzuki : Elle était calme. C'est la différence entre les Japonais et les Américains, ils sont très raisonnables, elle a dit « Il y a trois questions. »

Premièrement, j'ai entendu que vous vouliez adapter le tome 3. Gedo Senki a déjà bien vieilli, est-ce approprié pour vous aujourd'hui ?

Deuxièmement, vous dites assumer l'entière responsabilité du travail qu'a fait Goro, qu'entendez-vous par-là ?

Troisièmement, qu'est-ce que ça veut dire de tout arrêter si ça ne va pas ? N'êtes-vous pas venu ici pour avoir la permission de faire le film ?

M. Miyazaki s'est tourné vers moi, l'air embarrassé et m'a dit « Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ? »

Que lui avez-vous répondu ?

Suzuki : Je lui ai répondu qu'elle demandait s'il voulait être producteur et prendre toutes les responsabilités. Puis, soudainement, M. Miyazaki a parlé à haute voix devant Le Guin. Ne plaisantez pas. Je ne veux pas avoir honte que le nom du père et du fils soit associé au film. Il est franc.

La discussion s'était compliquée.

Suzuki : Les Américains l'ignorent. J'ai pensé à la manière dont ça avait évolué. Teo, le fils de Le Guin, a pris la parole pour proposer que nous allions manger pour l'instant. Il était venu au Japon avant pour des pourparlers avec Goro et moi et était devenu notre allié. C'est ce que je pense égoïstement. Il est facile de se comprendre entre personnes qui ont des parents géniaux.

Comment cela s'est-il passé après ?

Suzuki : Elle l'avait reconnu avant le dîner.

Et après ?

Suzuki : C'est chaotique maintenant. Ils ne parlent pas du tout. M. Miyazaki avait fait le court-métrage pour le musée sur la même base jusqu'à récemment. Même s'ils s'entendent, ils n'ont aucun point commun. Ils s'évitent lorsqu'ils sont dans la même pièce.

Que faites-vous du crédit de M. Hayao ?

Suzuki : Je suis inquiet. En désespoir de cause, nous avons pensé à les nommer avec des noms spéciaux, par exemple, Father : Hayao Miyazaki. (rires)

RdI : Ca m'a rappelé Porco Rosso en entendant l'histoire. Porco refuse que Fio répare. Elle a demandé si l'important était l'expérience ou l'inspiration. Porco répond « C'est une inspiration ».

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