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Un entretien-fleuve avec Terry Goodkind

Par Raven, le mardi 22 janvier 2008 à 10:46:56

Terry GoodkindTerry Goodkind...
Un nom légendaire, en tout cas par chez nous, et pas forcément pour de bonnes raisons ! Alors, lorsque celui-ci, au moment de la sortie du dernier tome de L'Epée de Vérité, Confessor, en profite justement pour se "confesser" en abordant aussi bien son oeuvre fleuve, que ses convictions spirituelles et politiques, en passant par la future adaptation des aventures de Richard et Kalhan produite par Sam Raimi...
Nous ne pouvions manquer cela ! Attention, c'est très long !

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Terry Goodkind prend la parole !

Pourquoi les premiers souvenirs de l'écrivain de fantasy Terry Goodkind lui racontent des histoires, pourquoi il peut parfois passer une demi-journée sur un paragraphe, l'agenda serré de son dernier livre de la série l'Epée de Vérité, et pourquoi les éléments de fantasy de ses livres ne sont ni plus ni moins importants que la romance, l'intrigue, les manœuvres politiques et la fiction historique.

Q: Dans de précédentes entrevues, vous avez dit que vous vous étiez senti “poussé à écrire” La Première Règle du Magicien. Quand avez-vous su que ce ne serait que le premier d'une série ?

Terry Goodkind : Je suis un conteur-né. Mes plus anciens souvenirs sont moi-même en train de me raconter des histoires. Je vivais avec les personnages des histoires dans ma tête. Quand j'étais petit, je me souviens d'avoir joué dans le jardin, écrivant et mettant en scène des pièces pour les autres enfants du voisinage. Juste des histoires simples d'enlèvement ou des choses comme ça. Donc, je me suis toujours raconté des histoires. Quand je dis que j'étais “poussé à écrire”, ce n'est pas comme si je m'étais senti submergé par le besoin d'écrire La Première Règle du Magicien ; j'ai toujours voulu écrire. Quand j'ai commencé à y penser, j'ai fini par voir que le temps était venu de la coucher sur le papier. Avant cela, je n'écrivais jamais les histoires. Je suis dyslexique, alors les mots écrits m'ont toujours causé quelques difficultés, et je ne m'embêtais pas avec eux. J'étais tout à fait heureux de garder les histoires dans ma tête et de me les raconter, et à ce jour, c'est exactement ce que je fais : je me raconte mes histoires. Maintenant, je les écris, bien sûr, mais cela a toujours été mon rêve d'écrire des romans, et quand j'ai décidé qu'il était temps, j'avais ce personnage à l'esprit : Kahlan. Je terminais de construire notre maison dans le Maine, et j'ai décidé que c'était le moment, et j'ai pensé à Kahlan pendant tout le temps où j'ai terminé les travaux, alors après ça, je me suis mis à écrire.


Q: C'est bon à entendre. J'essaye moi-même de faire publier plusieurs romans, et alors que je passais beaucoup de temps à y réfléchir, à penser aux personnages et à ce qu'ils allaient connaître, je ne savais pas que j'étais prêt à écrire jusqu'à ce que j'entende le réveil-matin interne se mettre à sonner.


T. G. : Je pense que c'est le point critique. Je reçois des lettres tout le temps, disant : “J'ai 13 ans et je veux écrire un livre et être publié. Quel est le secret ? Que dois-je faire ?” Vous ne pouvez pas expliquer aux gens qu'ils ne sont simplement pas intellectuellement prêts à écrire un roman. Un roman est une chose d'une incroyable complexité. Les êtres humains sont génétiquement évolués pour comprendre les indices les plus subtils de la part d'autres êtres humains. La chose la plus fascinante pour nous au monde sont les autres, et parce que nous sommes si bien connectés à la façon dont les autres se conduisent, et aux signaux de langage corporel qu'ils envoient, la signification des mots qui est différente ce qu'ils peuvent dire, et leurs humeurs... toutes ces choses rendent le fait d'écrire à propos des humains extrêmement difficile. En conséquence, ces jeunes gens pensent que les romans sont une collection d'explosions, de créatures et d'éléments magiques. Ils ne comprennent pas que ce n'est pas là-dessus qu'ils écrivent. Ils ne sont pas équipés intellectuellement pour écrire cela à cet âge. De même pour des gens de 18, 20 ans, qui pensent : “D'accord, maintenant, je vais écrire un livre.” Ils le soumettent avec régularité, tout le temps, et c'est continuellement rejeté parce que ce n'est pas au point, et ils ne le comprennent pas encore. Quand vous avez autour de 20 ans, vous pensez que vous êtes adulte, mais non. Votre cerveau n'arrête pas de se développer jusqu'à vos 24, 25 ans, dans ces eaux-là. Les aspects intellectuels indispensables aux romans de qualité ne se développent pas chez une personne si jeune.
Si j'avais tenté d'écrire un roman quand j'avais 20 ans, il aurait été un échec, comme tous ceux écrits par des gens de 20 ans qui n'arrivent pas à se faire publier. Cela demande d'avoir vécu, et par là je ne veux pas dire voyager à travers le monde, se rendre dans des endroits déchirés par la guerre et ce genre de trucs ; cela veut dire observer comment les gens bougent, parlent, pensent et se conduisent. Vous avez besoin de constituer un réservoir d'expérience en décrivant un coucher de soleil, de façon à ce que, quand il vous faut écrire une scène de crépuscule romantique, vous sachiez faire la différence avec des mots, en comparaison de, disons, la scène basique de coucher de soleil. Le soleil se couche dans les deux scènes, mais sélectionner les mots pour chaque scène qui vont faire qu'un humain va comprendre, et choisir les indices qui orientent vers la scène basique ou romantique... Ces choses demandent du vécu et de l'expérience. Je n'étais pas prêt à écrire avant d'avoir 45 ans. Quand j'ai écrit La Première Règle du Magicien, j'étais prêt. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit s'y mettre à 45 ans. Le truc est que vous devez pouvoir tirer parti d'une vie d'expérience, et quelqu'un qui a 13 ou 18 ans n'a tout simplement pas cette expérience. Quand quelqu'un me dit : “Je veux écrire un livre, mais je ne vois pas comment coucher ça sur le papier. Comment puis-je faire?”, ça me donne envie de m'arracher les cheveux. Si vous ne savez pas quoi faire, alors vous n'êtes pas un écrivain. Par défaut, si vous me demandez quoi faire, vous ne pouvez pas le faire. Je n'ai jamais demandé à personne ce que je devais faire... J'étais simplement amené à le faire. Un écrivain naît comme tel : il est né pour écrire, il a ce moteur intérieur, et il meurt d'envie de se raconter une histoire à lui-même. C'est ce qui fait un véritable écrivain : une personne qui brûle de se raconter des histoires.
Depuis le début et jusqu'à ce jour, j'adore me raconter des choses. Je savais dès le départ quelle serait la conclusion de la série. Il y a des choses épatantes qui se passent dans Confesseur que j'ai gardées pour moi pendant plus d'une décennie ; je n'en ai parlé à personne : mon agent, mon éditeur, ma femme... personne. Etant un conteur, le plus grand plaisir est de raconter à quelqu'un, et je ne veux pas le gâcher en vendant la chute. J'ai conservé des secrets incroyables sur ce qui allait se produire dans la série. Quand je les écris, c'est alors qu'ils arrivent.
J'ai toujours voulu faire ça, et j'ai décidé que j'avais besoin de m'y mettre. C'est comme quand vous décidez qu'il faut nettoyer la maison (rires). Ca ne vous tombe pas comme ça dessus, vous savez juste que cela doit être fait, et qu'il faut sérieusement vous y mettre. Dans mon esprit, c'était un processus continu. Le fait de s'asseoir et d'écrire l'histoire n'a pas été différent des autres étapes de la préparation du roman, ou de toute autre étape de ma vie.


Q: Suivez-vous un procédé particulier quand vous vous préparez à écrire ? Par exemple, certains auteurs ont dit que quand ils n'écrivent pas, ils aiment lire beaucoup.

T. G. : Chacun est unique. De ce que j'ai pu rassembler en matière de fonctionnement des autres auteurs, je n'opère pas du tout comme eux. Je ne peux même pas me rappeler la dernière fois où j'ai lu un roman. Je lis rarement des romans, en partie parce que je suis dyslexique ; cela me prend du temps de lire. Je suis un lecteur très lent, et j'aime faire attention aux mots. Chaque mot a son sens, et je déteste les gens qui lisent en diagonale, parce qu'ils manquent l'essence de ce que dit l'auteur, ils manquent tous les petits indices qui donnent leur humanité aux personnages.
Avec Confesseur, des gens disent déjà : “Hé, j'ai acheté le livre la nuit dernière et je l'ai déjà fini !” Mais non, vous n'avez pas fini. Vous avez feuilleté les pages, vous ne les avez pas lues. Dans Confesseur, j'ai délibérément écrit certaines choses que les gens qui feuillettent vont rater. Par exemple, la règle du magicien : si vous lisez en vitesse, vous allez la manquer. Je l'ai fait exprès, parce que cela m'agace vraiment quand des gens disent : “J'ai lu le livre en trois minutes, c'était génial !”. Ils n'ont pas lu le livre.
Chaque mot que j'écris est critique. Je vais parfois passer une demi-journée sur un paragraphe, parce que j'essaye d'obtenir les mots exacts qui vont porter les bonnes connotations sur ce que pensent ou font les humains. Chaque mot est mis sciemment à sa place, rien n'est accidentel. Lire en vitesse et juste relever quelques mots dans chaque paragraphe, c'est louper tout le travail que j'ai fait pour que les personnages aient l'air humains. Alors quand je lis, je fais pareil : je suis attentif à tous les mots, pour comprendre ce que l'auteur avait en tête. Oui, pour moi, c'est partiellement dû à la dyslexie, mais je veux aussi prêter une attention soutenue à la lecture.
Je me souviens quand j'étais dans un cours d'écriture créative au lycée. Le problème que j'avais avec la lecture à l'école, c'est qu'ils vous font lire vite. Vous êtes chronométré. Ensuite, vous devez passer un test sur ce que vous aviez lu, et j'avais horreur de ça, parce que cela n'atteignait pas l'essence de ce dont parlait l'auteur. Vous avez les faits, mais pas l'humanité. Le professeur d'écriture créative que j'avais à l'époque m'a ouvert les yeux à la possibilité que je pouvais être un écrivain. Elle m'a dit : “Je me moque du temps qu'il vous faudra pour lire ça, je veux savoir ce que vous pensez de ce que l'auteur avait à dire.” Cela a toujours été mon attitude : quand je lis, je fais attention, et cela signifie lire en profondeur, pas passer en vitesse.
Je n'ai pas le temps de lire beaucoup de livres car l'écriture est un procédé très long pour moi ; comme je l'ai dit, je peux en avoir pour des heures à mettre un paragraphe au point. J'écris 15 heures par jour, sept jours par semaine, alors je n'ai pas le temps de lire autre chose. De plus, je ne lis pas d'autres romans car je n'aime pas être distrait par la façon dont les autres procèdent. Je trouve très négatif de lire d'autres romans ; cela vous met des choses en tête sur la façon dont ils décrivent, dont ils créent une histoire, comment ils travaillent un thème, toutes sortes de choses. Je veux que mon travail soit totalement original. Je lis des choses non fictives parce que je veux toujours apprendre quelque chose de nouveau.
Il y a des gens qui aiment écrire en caleçons, d'autres qui aiment écrire en frac. Je ne pense pas que cela fasse une différence. C'est leur envie d'écrire qui fait d'eux des écrivains.

Q: Comment était-ce d'écrire Confesseur, sachant que c'est le dernier livre de la série l'Epée de Vérité ?

T. G. : Je n'ai pas eu le temps pour les émotions parce que l'agenda était extrêmement serré. Je n'avais simplement pas le temps d'y réfléchir. J'avais juste le temps d'être dans le monde, dans le livre avec les personnages, à écrire leur histoire. Confesseur est un livre que j'attendais d'écrire depuis plus d'une décennie. Il fallait que ce soit fait. Mon éditeur m'a donné un agenda pour ce livre qui se trouvait bien au-delà de la zone confortable pour moi, alors j'ai écris Confesseur sur le fil du rasoir. J'ai tapé les 80 dernières pages d'un coup. Je ne l'ai pas relu, j'ai juste tout envoyé à l'éditeur. Ce que vous lisez dans Confesseur, les 80 dernières pages, est le résultat d'une session de travail avec mon ordinateur, sans correction ni rien. C'est une décennie de planification et d'écriture. Du Goodkind brut de décoffrage (rires).

Q: Maintenant que l'Epée de Vérité est conclue, que voudriez-vous explorer ? Peut-être de nouvelles aventures dans cet univers, ou quelque chose d'entièrement nouveau ?

T. G. : Quand vous finirez Confesseur, vous comprendrez mieux ce que je vous dis, mais la série de l'Epée de Vérité est, en essence, un prélude à ce qui va venir. C'est le prologue à toutes les choses qui sont dans ma tête. Il existe des histoires qui partent de ce point dans toutes les directions. Il y a tant de choses que je voudrais écrire. Je voudrais en raconter plus sur cet univers que j'ai créé ; c'est amusant d'être là tous les jours. D'un autre côté, je deviens incroyablement frustré par les réalités du marché, quand je suis catalogué comme écrivain de fantasy ; c'est un affaiblissement de votre carrière, car tout ce que vous faites est jaugé à cette aune.
Je n'écris pas sur la fantasy. Et vous le reconnaissez ! Vous reconnaissez que je travaille sur des sujets bien plus étendus et des choses qui sont au cœur de la vie des gens. Je veux écrire pour un public qui inclurait tout le monde, et la fantasy limite cela à cause de son mécanisme : là où elle est placée dans les librairies, les couvertures, l'effet du mot “fantasy” sur un livre ; tout cela fait qu'il est plus difficile d'atteindre un public plus large. Je voudrais écrire des romans contemporains. Les histoires que j'écris ne sont pas axées sur la fantasy mais sur les personnages, et ceux sur lesquels je veux écrire pourraient être situés dans n'importe quel monde. Je voudrais vraiment m'adresser à un public plus vaste.
Cependant, j'aime aussi me plonger dans l'univers de l'Epée de Vérité, et je pourrais bien écrire beaucoup d'autres livres dans ce monde.

Q: Vous avez souvent dit que vos livres servent de chaînons manquants entre notre monde et celui du mythe. Que voulez-vous dire exactement ?

T. G. : Jusqu'à ce que vous ayez lu Confesseur, vous ne saurez pas de quoi je parle avec cette citation. Les histoires sont quelque chose qui a toujours été au cœur des êtres humains. Quand les hommes des cavernes s'asseyaient autour d'un feu, je suis sûr qu'ils racontaient des histoires. Les récits ont toujours été le moyen pour les gens de transmettre leur savoir et leur culture à d'autres personnes. C'est la façon dont ils décrivent leur compréhension du monde et leur existence. Les histoires sont au centre de l'expérience humaine et nous aident à comprendre comment nous nous intégrons au monde. En même temps, une histoire est une représentation des valeurs de l'auteur. Quand vous partagez ces valeurs, vous les voyez placées dans un récit, alors qu'elles peuvent être difficiles à comprendre dans la vie de tous les jours, parce qu'elles s'observent sur la durée. Quand un lecteur voit ces valeurs mises en scène dans une histoire, cela lui donne l'énergie de croire en lui et de comprendre que oui, il peut être meilleur, il peut parvenir à ses fins et triompher de la difficulté. Le lecteur voit quelqu'un d'autre faire ces choses dans un récit et cela lui donne de l'espoir, du courage, la force de continuer à lutter. Les parties d'histoire qui contiennent un mythe m'ont toujours fasciné. Comment le mythe est-il entré dans la tradition du conte ? La série de l'Epée de Vérité est mon explication d'une façon dont le mythe est devenu une partie de notre monde. Quand vous lirez Confesseur, vous comprendrez d'où vient le mythe. C'est un concept époustouflant, et je pense que c'est la chose la plus “cool” qui soit. Je ne sais pas si quelqu'un a jamais fait quelque chose de ce genre avant. Avec Confesseur, vous comprenez la signification profonde de ce que j'ai fait. Comme je l'ai dit, je ne parle jamais à personne de ce que je mijote, je continue juste à travailler et à me raconter des histoires. Des faits qui se sont produits tout au long de la série ont mené vers le dernier livre, la conclusion de Confesseur. C'est un peu comme un présage : vous ne le réalisez pas avant un moment, mais tout est là pour une bonne raison. Quand vous arrivez à la conclusion, tous ces éléments qui se trouvaient dans un coin de votre esprit sont soudain amenés au premier plan, et vous réalisez que Confesseur est la clef de voûte de toute la série. Et vous la voyez sous un jour nouveau. Tous les livres que vous avez aimés avant, vous réalisez la part qu'ils ont prise dans un contexte plus large, pas seulement la vie de Richard et sa lutte contre l'Ordre Impérial, mais son monde complet, et le nôtre, et la façon dont ils s'accordent. Je pense vraiment que c'est formidable. C'est une expérience à vous laissez bouche bée de voir ce qui arriver, et je crois que cela va être un vrai plaisir pour les lecteurs.
Dans ce sens, je suppose que je peux comprendre pourquoi les gens lisent en diagonale, parce que certaines histoires sont si excitantes que vous devez savoir ce qui se passe ensuite, vous ne pouvez pas attendre de savoir, et vous devez aller aussi vite que possible. Je pense que Confesseur est un livre que les gens vont avoir envie de relire, parce qu'après qu'ils ont satisfait leur ambition dévorante, brûlante, de connaître le dénouement, ils vont vouloir y revenir et ré-expérimenter tous les détails. C'est vraiment une partie de plaisir.

Q: Un aspect de votre série qui est au centre de Confesseur est le jeu de Ja'la. Quelle a été votre inspiration dans la création de ce sport brutal ?

T. G. : Eh bien, voilà une question très délicate, à cause du mot inspiration. Ce n'est pas la façon dont j'écris. Je pars de concepts et je mets au point une histoire qui colle au concept que je tente d'illustrer. Par exemple, si vous voulez illustrer le concept de liberté individuelle, il est trop vaste pour dire simplement “La liberté, c'est bien, l'esclavage, c'est mal.” Cela n'a aucun impact émotionnel. Vous devez raconter une histoire qui inspire l'émotion. C'était le but de “Faith of the Fallen”. C'était une histoire conçue pour illustrer ce thème.
Ja'La a été une façon très consciente et délibérée de ma part de montrer certaines choses au sujet des personnages. Je voulais illustrer comment, dans une société répressive et inculte, qui met la médiocrité au-dessus de tout, qui fait que personne ne peut exceller en rien, une égalité forcée où personne n'est autorisé à faire mieux que les autres, ni à faire de son mieux... Je voulais montrer comment les gens trouvent des exutoires pour leur désir d'excellence. Ja'La est cette porte de sortie pour les gens, voir quelqu'un se lever et faire mieux. C'est fait dans un contexte contrôlé, de façon à donner une bouffée d'air qui détourne l'attention des gens de leur propre vie, de leurs propres désirs de se dresser et de faire mieux. C'est comme une valve de pression sur une cocotte-minute qui empêche la société d'exploser.
Au même moment, l'empereur Jagang a son propre ego investi dans ce jeu, et les relations entre toutes ces choses est ce que je voulais montrer. Quand quelqu'un débarque en ne voulant pas jouer suivant les règles, en laissant la légalité de côté même s'il est un prisonnier et ne dispose pas de sa propre liberté, la liberté lui vient par la façon dont il se conduit. Je voulais démontrer que même dans ce type de situation, un individu peut accomplir quelque chose de lui-même, même s'il est restreint sur de nombreux points. Les jeux de Ja'La ont servi beaucoup d'objectifs différents.

Q: Est-ce que Ja'La reflète des vues personnelles sur le sport en général ?

T. G. : Les êtres humains sont poussés au succès. Les sports sont, dans un sens, une histoire très simplifiée d'obstacles à surmonter pour atteindre un but. Par exemple, les jeunes gens ont besoin de pouvoir pratiquer la vie, ils ont besoin de pratiquer des défis et d'accomplir des choses, et comment surmonter les difficultés. Dans une société de chasseurs, ils auraient pu apprendre comment tirer à l'arc, et apprendre à chasser par le biais de cette activité. S'asseoir autour d'un feu de camp et faire circuler des histoires de grandes chasses était une façon de transmettre son expérience.
Dans la société que nous avons maintenant, les histoires aident les gens en assurant une partie de cette fonction. A cause de la détérioration de la littérature moderne, de même que des choses comme la télé et les films, ces valeurs sont reléguées à la poubelle. La destruction des valeurs laissent les jeunes gens sans solution pour apprendre la vie et surmonter des défis. En conséquence, ils se détournent de la lecture car elle ne répond pas à ce besoin humain de base. Ils se tournent vers les jeux vidéo. Dans ces jeux, vous créez votre propre histoire. Vous êtes le jeune chasseur, ou peut-être partez-vous pour une quête, et vous franchissez des obstacles pour obtenir le succès. La société a dépouillé la vie de tant de ses défis. Tout le monde reçoit de l'estime de soi de façon forcée et vous ne pouvez pas donner ça aux gens sur un plateau ; l'estime de soi se mérite. Dans les histoires, et les films, à l'école, à la télé, on vous file de l'estime. Ils enseignent qu'en tant qu’être humain, c'est votre droit d'avoir de l'estime. En conséquence, les gens ne savent pas ce que c'est que de l'obtenir, alors ils jouent à des jeux vidéo pour apprendre l'accomplissement de surmonter les difficultés et de connaître le succès. Les jeux sont du même ordre. Regarder des jeux vous permet de participer au partage d'un défi mental : quel est le prochain mouvement ? Comment allons-nous passer ces types pour marquer un point ?
Ca fait partir de la vie. Il s'agit d'apprendre la stratégie, à analyser, pour comprendre et percevoir le plan, la cause et l'effet. Tant de ces choses ont disparu de la vie que les gens se tournent vers le sport. C'est comme le Vieux Monde dans la série l'Epée de Vérité. Il n'y a aucune façon pour les gens d'expérimenter ces sensations sauf par le sport. Dans des sociétés dépouillées de leurs valeurs, on se tourne vers le sport parce que c'est le seul endroit où l'on peut voir des valeurs mises en pratique, même si elles sont simplistes.

Q: Les dessins de couverture de la plupart de vos romans sont extraordinaires. Comment en êtes-vous venu à travailler avec Keith Parkinson ?

T. G. : J'ai pris Keith Parkinson parce que j'étais si dégoûté, en colère et même furieux à cause de la couverture originale de La Première Règle du Magicien que j'ai failli abandonner l'écriture pour le public. J'étais vraiment en rage. La couverture ne représentait en aucune façon ce sur quoi j'écrivais. C'était une vision juvénile et immature qui ne reflétait rien du livre. C'était une complète tromperie de la part de l'éditeur, qui essayait de faire gober aux gens que j'écrivais pour des adolescents. J'étais en colère et sur le point de déchirer mon contrat et de dire : “C'est bon, j'arrête d'écrire des livres.” Mon éditeur a dit : “Si vous n'aimez pas ça, alors vous aimez qui ?”. J'ai répondu : “Keith Parkinson”.
Keith a fait la couverture de “Pierre des Larmes”, mais il n'a pas pu faire celle de “Blood of the Fold”, alors nous sommes revenus aux couvertures ineptes. Après ça, Keith a fait toutes les autres. Tout au long de la série, mon but a été d'éloigner les dessins des schémas traditionnels de la fantasy, parce que je ne suis pas un auteur de fantasy. Je suis accidentellement publié par un éditeur de fantasy alors je suis catalogué dans ce genre, mais mes livres ne sont pas plus de la fantasy qu'un roman policier est une “histoire de flingues”. Ce qui me rend dingue à propos du genre fantasy est que, contrairement à d'autres, les gens y deviennent obsédés et concentrés sur des détails sans importance. Par exemple, dans un roman policier, si un détective a un Snub Nose 38, personne ne lui demande “Pouvons-nous en savoir plus sur le Snub Nose 38 ?” ou “Avez-vous déjà songé à faire un genre d'histoire spéciale juste sur le Snub Nose 38 ?” C'est une distraction.
Pour moi, la fantasy n'est pas plus importante que la romance, l'intrigue, les manœuvres politiques, les éléments de fiction historique... J'aime ces éléments et j'apprécie de les écrire, mais ce sont juste des éléments dans une histoire humaine. Je ne crois pas que la fantasy soit valide à moins qu'elle ne serve à illustrer d'autres thèmes importants. La magie en et pour elle-même n'est pas plus intéressante qu'un caillou sur le bord de la route.
La couverture de fantasy art tend à illustrer les thèmes des auteurs écrivant ces bouquins. Je ne suis pas l'un d'entre eux, et je ne veux pas être vu comme l'un d'entre eux. Depuis le début, le but est de tirer l'art de la couverture loin de ces images représentatives. Keith est devenu un bon ami, et il faisait les couvertures avant même que je me mette à écrire les livres. Je lui décrivais ce à quoi une couverture devait ressembler, et ensuite, en tant qu'artiste, je pouvais faire passer très exactement ce que je voulais qu'il peigne. Lui et moi nous sommes très bien entendus et avons passé de bons moments à dessiner des couvertures. Mon objectif était de tirer de Keith quelque chose de plus noble que le dragon rouge habituel.
Par exemple, avec “Faith of the Fallen”, j'avais besoin d'une peinture illustrant la noblesse de l'esprit humain. Et il me dit “Oh là, ne me donne rien de trop compliqué, Terry !” (rires). Mon but a toujours été d'écrire au-delà de ce genre d'art représentatif. Même une couverture comme “Le Temple des Vents”, où vous voyez un gars tenant une épée ; cela, pour moi, est une belle oeuvre d'art, je l'aime bien, mais comme couverture, je n'aime pas, parce que cela fait fuir beaucoup de lecteurs. Vous disqualifiez automatiquement le livre dans la considération du public. Et ce sont des gens qui aiment ce genre de livre, mais le dessin ne leur donne pas envie.
J'ai eu la plupart de mes lecteurs par le bouche à oreille. Mon lecteur typique, probablement de 80 à 90% de mes lecteurs, ne lit pas de fantasy. Je suis le seul auteur de “fantasy” qu'ils lisent, sinon c'est de la fiction en général. Ils reconnaissent que les livres ne sont pas de la fantasy, que ce sont des livres sur les gens, axés sur les personnages. Mon but a toujours été de changer l'art de couverture d'une façon qui représente l'esprit de ce dont parle le livre. Avec Chainfire, Phantom et Confesseur, nous avons les premiers livres qui sont vraiment ma vision de ce qu'une couverture doit être. J'ai enfin obtenu le type de couverture que je veux, qui vous donne un aperçu du mystère, de la romance, de l'intrigue, et même un petit bout des éléments de fantasy du livre, mais en même temps, elle illustre comment les livres ont été conçus pour tout le monde.
Après le Temps des Vents, j'ai eu le contrôle de la couverture par contrat. Keith et moi avons dessiné le modèle de ces trois livres. Quand vous voyez Chainfire, Phantom, et Confesseur, vous voyez ma vision à l'état pur, pas dénaturée par ce que quelqu'un d'autre pense qu'elle devrait être. Keith et moi avons mis au point jusqu'au plus petit détail.

Q: Aussi populaires que soient vos livres, vous n'avez jamais gagné aucun prix, bien que vous ayez été nominé à plusieurs reprises. Comment le ressentez-vous ? J'ai l'impression que vous ne vous souciez pas vraiment des prix.

T. G. : C'est la première fois que j'entends dire que j'ai été nominé pour un prix quelconque. Je ne sais pas pour lequel, je... je n'en ai aucune idée ! J'ai entendu parler du Prix Hugo... Je n'en connais pas d'autre. Je me moque pas mal des prix. Mon prix est un lecteur qui ouvre son porte-monnaie et donne un peu de son argent durement gagné pour lire mes histoires, et plus que cela, qui donne de son temps. Comme je l'ai dit, le temps est la plus grande valeur de l'humanité. C'est la seule chose que vous avez vraiment. Quand un lecteur donne une partie de sa vie pour m'autoriser à lui raconter une histoire, il me donne quelque chose de très précieux. C'est ma récompense. Faire de mon mieux pour que je sois satisfait, et aussi mes lecteurs. C'est la seule récompense dont je me soucie.

Q: Que pensez-vous du fait que Sam Raimi va faire une série télé de La Première Règle du Magicien ?

T. G. : Sam Raimi est une personne qui croit aux héros. Ses films de Spider-Man sont à l'évidence centrés sur une personne héroïque qui répond à des défis. Sam a été capital pour que ce film soit centré sur une personne réelle. Il a compris que le personnage est un individu réel qui a dû affronter des défis et devenir un héros. Il croit profondément au côté sacré des héros pour chacun d'entre nous, pour les enfants comme pour les adultes. C'est quelque chose qui l'a vraiment attiré dans la Première Règle du Magicien : il aime les personnages et les aspects héroïques de l'histoire. La raison pour laquelle il veut en faire une série télé est qu'il pense que s'il devait en faire un film de deux heures, cela ruinerait totalement l'histoire. Il a tant de respect pour ce récit que la dernière chose qu'il souhaite est de le gâcher ; c'est pour ça qu'il veut faire un format télé.
Pour le moment, il cherche pour quel public cela va être fait, et dans quel format, si cela va être une mini-série d'une heure chaque semaine. Il se trouve dans les premiers stades de la planification et il veut que je sois impliqué de très près dans tous les aspects de l'affaire... plus que je n'en ai le temps ! Il m'a dit qu'il voulait que ce soit fidèle à ma vision, parce que si j'aime, mes fans vont aimer, et si mes lecteurs aiment, le public en général va aimer. Il pense que mon implication dans le projet est capital pour son succès, et il veut que je sois là pour chacune de ses étapes... et j'en ai bien l'intention. C'est une des personnes les plus aimables que j'ai rencontrées, et je suis excité d'avoir l'occasion de travailler avec lui. C'est la première personne pour qui j'ai eu beaucoup de respect, et dont j'ai pensé qu'il pouvait faire le travail.

Q: Est-ce que votre opération en 2006 a affecté votre écriture ?

T. G. : La réponse courte est non. J'avais un défaut dans une grosse artère qui envoie le sang à mon cœur et cela m'aurait tué en deux semaines. Ils ont dû contourner ce défaut, qui était comme un nœud dans un tuyau d'arrosage. Ils ont utilisé une artère de ma poitrine, et ça a marché. Ils m'ont dit que je n'avais aucune maladie cardiaque ou autre, et en fait, le chirurgien a dit que c'était un plaisir d'opérer quelqu'un qui était en bonne santé, pour changer (rires). C'est une de ces choses qui, si je n'avais pas été en bonne santé, m'aurait envoyé six pieds sous terre. Le défaut était dans ce qu'ils appellent l'artère veuve. C'est celle qui, quand vous avez une crise cardiaque, fait que vous ne pouvez pas vous en tirer. J'ai eu de la chance qu'ils me la réparent à temps. L'opération à cœur ouvert n'a rien de plaisant mais tout ce que ça a fait a été de renforcer tout ce en quoi je crois.
Ma femme est ce qu'il y a de plus important pour moi, et elle a été mon ange gardien. Je savais qu'elle était là, debout à côté de moi, surveillant tout, et donc je savais que je pouvais être endormi et qu'elle prendrait soin de tout, et serait là pour moi. Quand vous ouvrez les yeux et que les gens que vous aimez sont là pour sourire et dire “Salut”, c'est tout ce qui compte. Le reste, c'est très amusant, mais l'important sont les valeurs que je décris. Cela n'a pas changé mes valeurs, cela a juste prouvé que ces choses simples telles que les gens que vous aimez, et qui vous aiment, autour de vous... c'est tout ce qui importe. C'est la joie dans votre vie.

Q: C'est une chose si rare et si belle d'avoir cela, de partager une véritable connexion avec un autre être humain.


T. G. : Ouais, et c'est une des choses qui ont été tellement importantes pour moi tout au long de la série : écrire à propos d'une relation pleine d'attention dans laquelle les personnages sont très réels. Ils sont réalistes l'un par rapport à l'autre, dans la manière dont ils se fâchent à propos de quelque chose, mais cela ne signifie pas qu'ils ne s'aiment pas. Même quand ils sont en colère, ils maintiennent le respect qu'ils se portent. Ils peuvent être énervés par la situation, par ce que quelqu'un a fait, mais ils ne haïssent pas l'autre personne. L'amour est encore la base de leur relation. Je voulais montrer à quel point cette connexion peut être belle. Il y a tant de gens qui pensent : “Je vais être avec cette personne pendant un certain temps, et si nous ne nous apprécions pas, nous nous séparerons.” et ils confondent un plaisir temporaire avec le bonheur humain. En faisant cela, ils font un échange dans lequel ils finissent perdants. Ils sacrifient une part de leur vie qu'ils ne récupèreront jamais pour une expérience qui en fin de compte n'en vaut pas la peine.

Q: Je voudrais discuter de votre philosophie personnelle : l'objectivisme. Qu'est-ce qui vous a conduit à devenir un objectiviste ?

T. G. : Ayn Rand est l'inventeur de la philosophie objectiviste. Je la considère comme le plus grand penseur depuis Aristote. Elle a fait des avancées dans le monde de la philosophie que personne depuis Aristote n'avait faites. Sa pensée sur la formation du concept est réellement époustouflante et explique beaucoup au sujet de la philosophie qui n'avait jamais été expliqué avant. Je suis bien plus fasciné par ses écrits non-objectifs que par sa fiction. Cette fiction est une sorte de moyen pour populariser ses idées, de les mettre sous une forme de récit, comme je l'ai dit, comme de s'asseoir autour du feu de camp et de transmettre la pensée de sa tribu aux jeunes générations.
Ses livres comme Introduction à l'Epistémologie Objectiviste sont des travaux incroyablement profonds sur la compréhension du fonctionnement de l'esprit humain. L'objectivisme est sa philosophie, et cela a toujours été la mienne aussi, mais quand j'ai découvert Ayn Rand, elle était capable de mettre des choses derrière les concepts qui les rendait plus faciles à intégrer dans ma propre pensée. Ayn Rand a dit : “Ma philosophie, en essence, est le concept de l'Homme en tant qu'être héroïque, avec son propre bonheur comme but de sa vie, avec le succès productif comme sa plus noble activité, et la raison comme son unique absolu.” La réalité, A=A, est nécessaire à la poursuite de la vie. Quand vous concevez un avion, vous devez utiliser les faits réels pour faire le faire voler. Vous ne pouvez pas décider : “Je souhaite que si je dessine une aile d'une autre façon, cela conserve l'avion en l'air.” Vos souhaits ne vont pas être exaucés et la réalité va vous revenir dans la figure quand vous allez essayer de faire voler l'avion. Donc, pour obtenir le bonheur dans votre vie, vous atteindre vos buts, vous devez employer la vraie nature de la réalité. C'est Francis Bacon qui a dit : “Pour être commandée, la Nature doit d'abord être obéie.” Vous devez pouvoir utiliser la vérité pour atteindre votre but. Vous n'arriverez jamais à rien en espérant que le succès va tomber tout cuit ; vous avez besoin de vous appuyer sur la réalité.
Je suis un objectiviste, et je développe une vaste pensée objectiviste par Richard Rhal. Je ne tente pas d'enseigner l'objectivisme dans les livres ; ce sont juste des histoires plaisantes.
Les principaux personnages sont Richard et Kahlan. Ils pensent comme moi parce que ce sont mes héros. Ce sont des gens que j'admire et qui sont des modèles, et je leur fait tenir le genre de réflexion qui, pour moi, est la pensée héroïque. Aussi, tandis que j'utilise les principes objectivistes dans mes histoires, ce n'est pas mon but. Le souci est de raconter une bonne histoire, pas d'être un professeur de philo.

Q: En fait, ce sont vos vues exprimées à travers Richard, Kahlan et Nicci qui m'ont persuadé de fouiller plus profondément dans la philosophie de l'objectivisme.

T. G. : Je suis heureux d'entendre ça. Vous ne pouvez pas séparer la philosophie de l'art. Chaque coup de brosse, chaque mot, chaque morceau d'argile que vous sculptez est conduit par votre philosophie. Si votre pensée voit l'humanité comme décrépite et mauvaise, vous obtenez l'art médiéval, où vous montrez l'humanité comme une créature vile et inepte. Quand vous voyez l'humanité comme noble et héroïque, vous avez atteint l'art avec un grand A. La philosophie d'une culture dans son entier inspire l'art, et chaque artiste individuellement inspire ce qu'il produit.
Si vous croyez aux individus héroïques, vous écrivez sur des individus héroïques. Si vous pensez que la vie n'a ni but ni sens, vous écrivez des histoires comme ça, et vous livres sont sans but, sans signification et pauvres. C'est le problème : trop d'auteurs qui sont sélectionnés pour être publiés croient que la vie ne vaut rien, et nous avons trop de formes de distractions minables et vides de sens ici-bas. C'est pourquoi les gens se détournent de la lecture et se tournent à la place vers des choses où ils n'ont pas à endurer ce genre de misère : les sports et les jeux vidéo. (rires)

Q: Bien que j'apprécie les jeux vidéo, cela m'a toujours attristé que l'arrivée d'un nouveau jeu, ou d'un nouveau film, ou tout autre forme de loisirs à la mode provoque des files de consommateurs autour des pâtés de maisons dans l'anticipation de la sortie, mais la littérature n'a plus ce genre d'effet, en tout cas pas en comparaison d'autres média.

T. G. : Absolument, je suis tout à fait d'accord. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, et je ne pense pas non plus que cela en vaille la peine, j'essaye juste d'expliquer que ce sont les derniers vestiges de victoire ou de défaite dans lesquelles les gens sont autorisés à s'engager. Dans la vie, on tente de tout convertir en un match nul, comme jouer au football, où un rien peut être l'enjeu de la partie, ou peut-être un jeu où personne n'est autorisé à gagner parce quelqu'un d'autre se trouverait lésé. C'est vraiment moche que les gens soient amenés à ça, qu'ils ne puissent rencontrer la victoire ailleurs ; ils sont conduits aux films, à la télé et aux sports.

Q: Au sujet de l'objectivisme, j'ai toujours eu quelque difficulté à le comprendre totalement, parce qu'il me semble pétri de contradictions, ce que je ne crois pas pouvoir exister. L'objectivisme affirme que j'ai le droit de rechercher mon propre bonheur, mais pas aux dépens de celui de quelqu'un d'autre ; cela marche aussi dans l'autre sens. Pourtant, il semble que dans tout scénario, le bonheur de quelqu'un va toujours être sacrifié pour celui d'une autre personne.

T. G. : Vous n'avez pas droit à la vie d'un autre. Donc, vous n'avez pas le droit, par exemple, de voler quelqu'un. C'est sa vie, vous n'avez pas le droit de le tuer. Si vous choisissez de vous sacrifier, si vous voyez quelqu'un se noyer dans une rivière et que vous décidez de vous jeter à l'eau et de tenter de sauver cette personne au risque de votre vie, c'est très bien... mais on ne devrait pas vous demander de vous sacrifier. “Sacrifice requis” est un autre mot pour “esclavage”. Quand on vous demande de vous sacrifier pour les autres, cela veut dire que votre vie n'a aucune valeur, sauf de servir les autres. Qui décide quelle vie vaut plus que la vôtre ? C'est l'Etat, ou la religion, et ils disent que vous n'avez aucune valeur en tant qu'individu ; votre seule valeur est de vous sacrifier pour le bien commun.

Q : Donc, si je vous vois vous noyer dans une rivière, je peux choisir de sauter à l’eau et tenter de vous sauver, mais je ne suis pas oblige de le faire ?


T. G. : Oui, exactement.

Q: Mais c'est là que cela devient confus. Si je choisis de ne pas vous sauver, est-ce que je sacrifie pas votre bonheur au mien ?

T. G. : Eh bien, la personne n'a aucune obligation de sacrifier ou de risquer sa vie pour sauver quelqu'un. Ce n'est pas sa responsabilité de vous sauver. Si vous êtes volontaire pour une opération de recherche et de sauvetage, et que c'est votre travail, alors vous avez pris cette responsabilité. Mais en tant qu'individu qui ne fait que passer, vous pourriez perdre la vie en sautant dans la rivière. Vous n'avez pas à prendre ce risque pour sauver une autre vie. Mais ces expérimentations de la pensée sont des questions propres à vous distraire. Ces situations n'arriveront jamais dans votre vie. Ce que l'Etat et la religion tente de faire, c'est de prendre ces exemples et de dire “Vous devriez aider les autres”, et ensuite, ils appliquent ça à ce qu'ils désirent vraiment : que vous mettiez votre vie entre parenthèses pour les autres, parfois d'une autre façon qu'en la perdant. Par exemple, certains veulent que vous donniez votre revenu pour d'autres personnes qui n'ont pas la possibilité ou le désir de le faire, et l'application réelle et pratique, c'est le collectivisme. Avec une mentalité de type collectiviste... je ne crois pas à ça.

Q: Mais est-ce considéré comme le sacrifice du bonheur d'un autre si je lui permets de mourir ?

T. G. : Vous ne sacrifiez pas son bonheur s'il se noie puisque vous ne l'avez pas jeté dans la rivière. Si c'est vous qui l'avez balancé dedans, alors oui. Des gens meurent partout dans le monde, tous les jours, tout le temps. Ce n'est pas votre travail de les sauver. En ne sautant pas dans la rivière, vous ne causez pas leur mort.
Vous devez juger de vos propres capacités. Si vous pouvez sauter et que vous êtes un très bon nageur, alors vous vous sentirez une obligation plus forte de venir à son secours. Mais si vous avez peur de l'eau, cela va être un véritable risque pour vous... pourquoi devriez-vous perdre la vie pour sauver cette personne ? Vous ne l'avez pas jetée à l'eau. Vous n'êtes pas obligé.

Q: Donc, cela revient uniquement au choix. Même si je suis un excellent nageur, mais que je ne veux pas risquer de mourir, c'est bon ?

T. G. : Oui. Vous voyez, vous entrez dans des zones vraiment ésotériques de la philosophie, et le problème est que les collectivistes utilisent ces arguments pour vous prendre à revers. Ils utilisent des exemples extrêmes qui ne vont jamais arriver dans votre vie pour vous obliger quotidiennement à sacrifier votre propre bonheur, votre futur, à cause d'un exemple qu'ils ont concocté. La vraie question est : êtes-vous prêt, quotidiennement, à bazarder votre bonheur et votre existence pour d'autres ? Et pourquoi ces gens sont-ils plus importants que vous ? C'est la seule et unique vie que vous allez avoir. Chaque moment qui s'en va, vous ne l'aurez plus jamais. Quand vous sacrifiez une partie de votre vie, vous l'échangez contre quelque chose. Par exemple, si vous donnez de votre temps à vos enfants, c'est parce qu'ils ont de la valeur à vos yeux. Vous avez choisi de donner ce temps pour quelque chose qui ajoute de la valeur à votre vie, qui apporte une récompense à votre existence. Si vous aimez la crème glacée et que vous décidez de prendre du temps pour aller à une boutique qui en vend, c'est parce que la valeur de la crème glacée est importante pour vous. Vous avez fait du troc : un peu de votre temps contre quelque chose qui a de la valeur pour vous. Le succès dans la recherche de valeurs est essentiel à la continuation de la vie. Dans votre vie, les valeurs que vous voulez atteindre vous permettent de continuer à exister. La valeur d'un travail qui vous donne de l'argent pour acheter un logement, des vêtements, de la nourriture... c'est nécessaire à votre survie. Si quelqu'un dit : “Nous prenons l'argent que vous avez gagné pour le donner à un autre”, il vous prend une valeur, ce qui menace votre survie, parce que cet argent est ce pour quoi vous avez donné une partie de votre vie, dans le but de la continuer. On n'a pas le droit de dire “Nous allons vous sacrifier de façon à ce que cette autre personne puisse vivre.” Pourquoi la vie de cette personne est-elle plus valable que la vôtre ? Qui sont-ils pour décider ce qu'il va advenir de votre vie ?
Le “bien commun” n'existe pas. Cela n'a rien de “commun”, cela concerne les individus. Chaque action est imposée au nom d'autres individus. Vous n'avez pas le droit d'exiger qu'une autre personne sacrifie son existence. Quand allez-vous fixer la ligne à ne pas franchir ? Une fois que vous avez laissé l'autorité sur votre vie à une église ou un gouvernement, vous leur avez donné les moyens de démolir votre vie. Ils peuvent dire “Il peut se permettre de donner dix pour cent de ce qu'il gagne pour aider les autres.” Si vous le voulez, d'accord, mais pourquoi cela devrait-il vous être imposé ? N'oubliez pas, cette personne peut décider demain de dire : “La continuation de votre existence se fait au détriment de celles d'autres personnes. Vous endommagez l'environnement, vous utilisez trop de ressources... nous allons vous faire exécuter.” Rien ni personne n'a le droit de prendre votre vie. La propriété intellectuelle est aussi une partie de la valeur que vous avez créée. Tous les efforts que vous avez fournis pour la création d'une vie vous appartiennent ; ils ne sont à personne d'autre, et il n'y a rien qui puisse changer cela. C'est un problème : certains sont menés par la haine de l'humanité. Les humains sont la seule espèce qui peut haïr sa propre existence. Il existe des gens qui sont menés par la haine. Cela vient de l'endoctrinement sous la forme d'une religion qui peut vous ordonner de vous faire exploser de façon à pouvoir tuer d'autres gens, cela vient de l'incompréhension du but de votre propre existence. Ce qui arrive, c'est que la philosophie est peu à peu corrompue par des gens qui la traitent comme un étal. Ils disent “Eh bien, je crois cette partie, mais je crois aussi cela.” Vous ne pouvez pas aller dans un étal philosophique et choisir ce que vous voulez ; la réalité est ce qu'elle est.
Ce que font les gens est d'assigner une valeur aux choses. Un arbre a de la valeur pour les humains pour de nombreuses raisons : parce qu'il génère de l'oxygène, parce que vous pouvez en faire un piano, parce que vous pouvez le brûler dans la cheminée pour vous tenir chaud. Donc un arbre a de la valeur pour les humains, mais il n'a pas de valeur intrinsèque, en l'absence d'êtres humains. Vous ne pouvez pas assigner une valeur à des choses non-humaines. Vous ne pouvez pas dire qu'un rocher, de lui-même, sans humains autour, a de la valeur. De la valeur pour quoi ? Il en a si un humain en a besoin pour construire les fondations de sa maison, mais il ne peut avoir de valeur indépendante de l'humanité. La nature ne peut non plus avoir de valeur indépendamment de l'humanité, et ce que le mouvement environnemental est devenu, c'est une religion. Ils ont assigné une valeur à la nature, sans l'humanité. Et ce qui arrive, c'est que quoi que vous fassiez qui cause du tort à la nature, les gens disent : “Vous avez fait du mal à cette chose merveilleuse, cela fait que l'humanité est mauvaise.” Ils utilisent cette forme de philosophie pour haïr l'humanité, parce que l'humanité se crée au détriment de la nature. Ils ont transformé la nature en religion, en faisant quelque chose de saint, mais sans réalité. Si la nature a de la valeur, c'est dans la façon dont l'humanité peut s'en servir. Il incombe aux êtres humains de respecter la nature pour leur propre intérêt, de façon rationnelle. Par exemple, polluer une rivière est mal, non parce que cela fait du mal à la nature, puisque la nature n'a pas de valeur en soi, mais parce que cela est dangereux pour l'humanité. Vous empoisonnez la rivière et des gens sont malades, et donc vous agissez sur leur droit à exister. Vous voulez de l'air pur parce que vous en avez besoin pour respirer, pour vivre plus longtemps. Le respect de l'environnement devrait être fondé sur les besoins de l'humanité. C'est en partie ce que j'écris dans la série : la lutte entre des humains qui sont menés par l'amour de la vie et ceux qui sont menés par la haine de la vie.
Bon, il y a des mauvaises choses dans la vie, mais c'est le but de la lutte : changer ces choses et les rendre meilleures. C'est ce que j'ai tenté de montrer à travers les livres : vous pouvez être meilleur, vous pouvez vous dresser et mener votre vie, mais il existe des gens qui sont dévoués de façon abrutie à la haine, à la destruction de la vie, et qui utilisent n'importe quelle excuse pour justifier leur propre haine et c'est tout ce c'est : haine de leur existence, de leur incapacité à vivre leur propre vie. Les choses qu'ils inventent, comme se sacrifier pour le bien commun, sont juste des façons de rabaisser le standard de la vie des autres.

Q: En plus de l'objectivisme, la foi est un autre thème de vos livres. L'Ordre Impérial utilise la foi comme un excuse au viol, au pillage et au meurtre. Ils se fichent de se qui arrive dans le monde mortel parce que, selon eux, des récompenses éternelles les attendent dans l'autre vie. Voyez-vous la foi comme l'antithèse de la raison ? Parce qu'il existe des gens religieux qui emploient leur foi pour faire le bien, et d'autres qui envoient des avions dans des bâtiments.


T. G. : La foi est juste une excuse à la force. La foi ne peut être soutenue par la réalité, elle doit être soutenue par la force. La foi est le précurseur de la force. Vous commencez avec une belle histoire, et quand les gens n'y croient pas, vous finissez par devoir les tuer. Vous assassinez les gens qui refusent de croire de façon à pouvoir assurer la continuation de la foi. Si quelqu'un croit que chaque étoile qu'il voit dans le ciel nocturne est l'âme de quelque saint, il peut avoir foi en ça, et ne pas être obligé d'aller tuer quelqu'un pour l'obliger à croire. Mais si vous voulez forcer d'autres personnes à croire en cela, vous pouvez tenter d'user de coercition pour les faire croire. Si votre foi est assez forte et que vous pensez que votre crédibilité repose sur le fait de forcer les gens à partager votre foi, alors vous finissez ave l'Inquisition de masse. Cela dépend du besoin d'un individu de croire dans cette foi. Plus il a besoin que cette foi soit réelle pour lui, plus il a besoin que les autres y croient. Par exemple, prenez le besoin de certaines personnes d'aider les autres, de contribuer par une partie de leurs revenues à améliorer le bien-être d'autres Américains. C'est leur foi, alors il créent le système d'impôts sur le revenu. Si vous ne voulez pas jouer le jeu de leur foi pour le bien commun, alors ils débarquent avec des armes et vous mettent en prison. Ils sont prêts à utiliser la violence pour renforcer cette foi. Donc les Américains, en essence, sacrifient une partie de leur vie dans un esclavage au profit des autres. Cette foi est renforcée par les armes et la prison. Nous ne donnons pas volontairement une partie de notre revenu ; les gens n'aiment pas payer des taxes, et c'est normal, puisqu'ils abandonnent une partie de leur vie à d'autres. C'est ce concept de sacrifice pour le bien commun, et cette foi est maintenue par un gouvernement qui a la force pour lui. Vous pouvez payer vos impôts avec le sourire et dire “Il n'y a pas de violence impliquée là-dedans, je paye mes impôts.” Mais vous feriez mieux de vous mettre en tête que si vous ne le faites pas, ils seront heureux de venir et de prendre l'argent.

Q: Donc vous considérez cela comme payer une dîme à l'église d'être, par exemple, conduit à donner un certain pourcentage de ses revenus ?


T. G. : Exact, et si vous ne le faites pas, vous êtes pressé de le faire, soit par des sermons, soit en voyant les gens se détourner de vous et vous regarder comme si vous étiez radin, et avoir les gens qui parlent dans votre dos, comme quoi vous ne faites pas votre part du marché. Il y a tant de façons subtiles – ou pas – de renforcer la foi. L'église qui croit que vous devriez payer la dîme pourra ne jamais venir pour de bon pour vous prendre ce qu'elle veut les armes à la main comme le ferait le gouvernement, mais ils ont leurs propres moyens de renforcer leur foi, comme de vous assurer que vous allez griller en enfer (rires).

Q: Etant donné vos vues philosophiques, quelle est votre opinion sur la guerre contre le terrorisme ?


T. G. : La guerre contre le terrorisme n'existe pas. Ceci est un autre exemple de philosophie corrompant l'action. Vous ne pouvez pas nommer une guerre. Le “crime de haine” en est un autre exemple. Soit c'est un crime, point, soit ce n'en est pas un. Soit quelqu'un fait quelque chose de mauvais, soit non. Nous ne faisons pas la guerre au terrorisme, nous faisons la guerre au fondamentalisme islamique. Nous avons peur de nommer l'ennemi et par cette peur nous lui donnons de la force. Quand nous ne pouvez nommer l'ennemi, vous avez déjà perdu. Quand vous avez peur de voir qui vous combattez, vous avez déjà perdu. Prenez par exemple ce que nous faisons en Irak. A la base, ce que nous tentons de faire, c'est de renforcer la démocratie. La démocratie est un concept flottant. Il n'y a pas de bien inhérent à la démocratie. Une tournante est de la démocratie en action. Pourquoi devrions-nous renforcer la démocratie ? Pourquoi devrions-nous laisser des Américains mourir pour que l'Irak puisse élire un gouvernement qui veut notre peau ? C'est une connerie. La force devrait être employée par un gouvernement de la même façon qu'elle devrait être employée par un individu : pour prévenir un autre de tout mal. C'est le seul but valide, moral, éthique, de la force : protéger votre vie. Nous laissons des Américains mourir là-bas pour renforcer la démocratie pour que l'Irak puisse voter pour nous tirer dans les pattes. C'est absurde. Il n'y a rien de saint dans la démocratie. L'effet secondaire d'adopter des slogans comme “rendre le monde sûr pour la démocratie”... c'est un concept flottant. Il n'y a rien de bon de façon inhérente dans la démocratie. Elle peut être bonne si elle est soutenue par d'autres valeurs éthiques : la justice, par exemple, et non en blessant d'autres gens. Mais nous ne soutenons pas une forme morale de la démocratie ; nous soutenons juste l'idée de démocratie en général, et il n'y a rien de plus là-dedans, de façon intrinsèque. La guerre contre le terrorisme est tout juste un effet de manche pour convaincre les Américains que l'on fait quelque chose. Tout ce que vous avez à faire est d'aller dans un aéroport pour voir comment la philosophie a causé une chute d'efficacité dans l'action. La sécurité des aéroports, c'est du pur théâtre pour faire croire que quelque chose est accompli, et elle ignore la réalité de la nature de la menace. Nous avons des agents qui recherchent des non-menaces évidentes parce qu'ils ne veulent pas qu'on les soupçonne de faire du profilage. Quand vous cherchez un cambrioleur et qu'il fait une certaine taille et que vous faites passer un avis de recherche, ce n'est pas du profilage, c'est une description du sujet. Les autorités devraient savoir qui elles combattent. Quand vous dites que vous combattez le terrorisme, le terrorisme en tant qu'ennemi matériel n'existe pas. Vous parlez de viol en réunion sur des grands-mères parce que vous avez la frousse de dire que l'ennemi sont des gens originaires du Moyen Orient. Cette distraction, cette histoire d'égalité forcée, c'est ignorer la réalité. La philosophie est la cause de tout cela parce qu'elle ignore la réalité de façon à adapter des principes vides de sens. La philosophie va tous nous faire tuer. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il n'y a pas eu de morts américains dus à une insurrection, et la raison en est que l'Amérique, à cette époque, a eu la courage d'écraser tous ceux qui appuyaient des idées maléfiques. Nous avons pu avoir à tuer beaucoup de gens, mais c'était la seule façon d'écraser ces idées mauvaises. Et parce que nous avons écrasé ces idées, toute une culture au Japon a grandi pour créer un peuple noble et libre qui est devenu un moteur pour la liberté et un moteur pour l'économie dans le monde. Soit vous écrasez le mal, soit non. Si vous permettez au mal de coexister avec vous, il va grandir. Nous autorisons le mal à grandir. Nous sommes trop timides pour attaquer le mal, et ne vous trompez pas : le monde islamique veut nous tuer et tôt ou tard, une bombe atomique va tomber sur les Etats-Unis parce que nous n'avons même pas le courage de nommer l'ennemi.

Q: Vous marquez un point. J'ai toujours cru que nous attaquions un mot, une phrase, plus qu'autre chose.

T. G. : Oui, exactement. C'est cette philosophie qu'ils ont adaptée d'un dérivé de la philo kantienne, et c'est ce qui est enseigné dans beaucoup de nos universités. La base en est que nous ne pouvons pas connaître la réalité, parce que chaque personne voit le monde à travers ses yeux et qu'ils sont mal équipés pour discerner la réalité. Ce que vous voyez est différent de ce que je vois, et nos yeux sont ce qui nous dit ce qui est réel. Parce que nous voyons tous des choses différentes, aucun d'entre nous ne peut savoir ce qu'est la réalité et si c'est le cas, cela veut dire que nous ne pouvons pas distinguer le bien du mal, et cela veut dire qu'aucun d'entre nous ne peut juger ce qui est bien ou mal.
De là, toutes les cultures sont moralement équivalentes, parce que nous ne sommes pas équipés pour juger le bien et le mal. L'équivalence morale est la racine des types qui se tiennent à l'entrée des aéroports et qui s'en prennent aux plus faibles. Aucune culture n'est pire ou meilleure qu'une autre, toutes les croyances sont égales et ce n'est pas vrai. C'est un échec dans la reconnaissance de la nature de la réalité. Nous avons réalisé que les nazis et les Japonais étaient dévoués à des idées diaboliques visant à la destruction de l'humanité, et nous avons écrasé ces idées de façon à ce qu'elles ne viennent pas nous tuer.
Aujourd'hui, nous refusons d'écraser ces gens qui veulent nous tuer et en utilisant des formules comme “guerre contre le terrorisme”, c'est notre façon de dire “Eh bien nous ne pouvons pas nommer l'ennemi parce que toutes les cultures sont égales”, et nous ne pouvons pas dire que “C'est le fondamentalisme islamique qui veut nous éliminer”, parce que toutes les cultures sont moralement équivalentes. C'est ce dérivé de philosophie kantienne qui fait que les gens ont ce type de croyance et elles vont finalement mener à notre destruction. Les gens ne peuvent pas survivre s'ils ne peuvent pas reconnaître le mal. Si nous ne pouvons pas nommer l'ennemi, comment allons-nous le combattre ? Nous finissons par froisser des gens dans les aéroports et manquer la vraie menace, parce que tout ça n'est qu'un spectacle pour le peuple américain pour qu'il croie qu'on fait quelque chose. Pendant ce temps, les vrai terroristes savent comment contourner ces choses ; ils savent comment se faire embaucher comme bagagistes, monter à bord des avions et installer des bombes, et tout ça. Ce qu'on fait, c'est criminaliser les individus plutôt que de nommer la philosophie responsable de ces croyances.
D'une certaine façon, l'Epée de Vérité a été ma manière de lutter contre la stupidité du monde. Dans le courant de l'Histoire, l'humanité oscille entre la noblesse et les ténèbres. Vous voyez la noblesse dans la civilisation grecque, la Renaissance, ces périodes où une grande motivation est employée à l'amélioration de l'humanité. Et puis vous voyez d'autres moments, comment le Moyen Age, où l'humanité sombre dans une pensée perverse. Je vois le monde dans ces grandes périodes historiques, et le mouvement de ce balancier entre la noblesse et les ténèbres, et je vois le monde aujourd'hui su le déclin vers le ténèbres. Je crois que nous sommes à l'orée d'un nouvel Age des Ténèbres. L'Epée de Vérité est un appel pour que les gens fassent attention à ce qui se passe. Je ne sais pas si ce mouvement peut être arrêté. Je pense que la guerre contre le terrorisme est juste une indication mineure des très nombreuses pensées corrompues qui nous mènent à un nouvel Age des Ténèbres.

Q: Mr. Goodkind, merci beaucoup pour cette entrevue. Vous m'inspirez vraiment, à la fois comme auteur et comme être humain. J'apprécie que vous ayez pris le temps de parler avec moi aujourd'hui.

T. G.: Merci. J'ai toujours senti que, pour moi, écrire des romans est ma plus noble ambition, c'est ce que j'ai toujours voulu faire. C'est une chose très plaisante de raconter des histoires qui inspirent les gens à différents niveaux. Chaque livre a un thème et dans l'Epée de Vérité, c'est : votre vie est à vous, levez-vous et vivez-la. Que j'inspire les gens à le faire est très gratifiant parce que je touche le cœur des gens. C'est la valeur des récits : vous touchez des vies, vous créez des connexions, et... quel boulot formidable, de pouvoir réveiller les gens et avec un peu de chance, de les aider à rendre leur vie plus heureuse. Qu'est-ce qui peut être meilleur que ça ?

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