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Joe Abercrombie s’exprime sur son dernier tome

Par Nerwen, le mardi 22 avril 2008 à 22:30:31

Last Argument of KingsAlors que le dernier tome de sa trilogie de La Première loi paraissait il y a tout juste un mois, Joe Abercrombie, l'un des petits "nouveaux" de ces dernières années, répondait à une interview de UK SF Book News. L'occasion donc de revenir sur les points qui l'ont rendus le chouchou du public ainsi que sur ces futurs projets.

L'interview traduite

La Première loi a été acclamé dans des milieux variés, d'une part comme étant une des meilleures nouvelles série fantasy depuis plusieurs années, et d'autre part on a aussi dit qu'elle était grossière et déviante. Quel est votre sentiment à propos de ces avis très divergents d'amour et de haine, et quel est votre meilleur exemple de réaction jusqu'à maintenant ?
Dans l'ensemble les réponses ont été très bonnes, mais bien sûr il y en a toujours qui sont quelques peu tristes, des petits idiots amers qui n'ont juste pas compris.
Je plaisante bien sûr. En quelque sorte. Évidemment je préférerais que tout le monde m'aime, mais en tant qu'écrivain vous ne pouvez pas avoir ce but, et vous ne pouvez pas prendre cela trop au sérieux quand les gens ne le font pas. A la fin, les seules opinions que vous pouvez vraiment écouter sont celles de votre éditeurs et la vôtre.
Donc je passe du soulagement et à une rage profonde quand quelqu'un dit quelque chose de négatif, vers une indifférence résignée et à un gloussement désabusé. Je pense qu'une réponse polarisée peut être un signe que vous avez un impact. Je donnerais beaucoup, beaucoup plus pour être un peu aimé et détesté plutôt que d'être ignoré.
Grossier ? Je plaide coupable. Déviant ? J'aime penser que je danse autour de clichés avant de les frapper au coeur, mais la réinterprétation d'un homme est la même rengaine que celle d'un autre homme.
Cela peut sembler évident de dire qu'il ne faut pas répondre dans les livres, il n'y a rien d'objectivement bon dans le fait d'écrire seulement des opinions, mais cela est toujours surprenant quand une personne déteste un personnage qu'un autre aime, ou vous ridiculise pour toutes les choses que les autres apprécient.
Vous ne pouvez pas anticiper les goûts des gens, vraiment. Vous devez juste écrire le genre de livre que vous aimeriez lire, et espérer que quelques lecteurs l'aiment aussi.
Comme nous l'avions déjà évoqué avant, une des plus grande force dans votre écriture est la caractérisation des personnages ; une autre est le naturel, la fluidité des dialogues entre vos personnages. Avec quelle facilité ces deux éléments viennent à vous - comparé à, disons, les descriptions ou l'exposé de l'intrigue, ou le rythme - et dans quelle mesure diriez vous que ces deux sont interconnectés ?
Pour moi, les dialogues sont l'aspect le plus important d'un livre. De bons dialogues donnent de bons personnages. De mauvais dialogues donnent de mauvais personnages. C'est aussi simple que ça. C'est vital que la conversation sonne vraie, et reflète l'essence de ce que les gens disent, sinon la chose entière devient immédiatement absurde.
J'essaie plutôt d'avoir l'histoire racontée au travers des dialogues plutôt que par une autre méthode lorsque cela est possible, et j'essaie habituellement de me limiter à ce qui est juste dit, avec aussi peu de commentaires que possible.
Les dialogues sont définitivement une des choses qui me viennent le plus facilement et le plus rapidement pour moi, quoi qu'il en soit. Je commence habituellement par construire une scène autour du dialogue, les pensées et les sentiments du personnage dont j'utilise le point de vue (ce qui est seulement une autre sorte de dialogue d'une certaine manière), et je rempli ensuite plus tard les éléments descriptifs et petit à petit je joins les différentes parties du dialogues ensemble, ce qui est un processus beaucoup plus laborieux.
Je commence avec un langage relativement neutre, ensuite pendant que je le révise (ce que je répète encore et encore), j'essaie et j'injecte plus de langue et de style du point de vue du personnage dans toute sa prose.
L'intrigue et le rythme sont des éléments légèrement différents, que je tends vraiment à planifier en avance - je sais grosso modo quelles scènes je veux faire, de quel point de vue, et ce que je dois faire pour cela en terme d'intrigue et de personnages. Ensuite peut-être que retravailler dessus est nécessaire une fois que tout est sur brouillon. Donc l'intrigue tend à être faite avant et après l'essentiel de l'écriture.
En dépit de votre fuite d'un world-building excessif, votre milieu est un des plus politiquement, économiquement et socialement astucieux que j'ai lu depuis un moment. Avez-vous passé du temps à développer l'aspect social (en opposition, par exemple, à la géographie) de votre cadre, ou bien est-ce quelque chose qui s'est fait naturellement dans les processus de développement de vos personnages et de l'intrigue ?
Je sais que j'ai la réputation d'un mec anti-worldbuiding, mais vous ne pouvez pas écrire de la world fiction secondaire sans avoir au préalable travaillé. Votre contexte nécessite d'être consistant et efficace, avec un peu d'espoir intéressant. Je crois juste fermement que cela devrait rester où je pense que cela appartient - en arrière- plan, et compléter plus que distraire des personnages et des évènements.
Cela dit, il y avait certaines choses que je voulais faire avec le monde car je pense qu'elles sont parfois négligées dans la fantasy épique. Je voulais que cela soit vrai, qu'il y ait un sens de l'histoire et un changement en cours. Je voulais de petits personnages pris dans de grands évènements, et de ce point de vue les facteurs politique, sociaux, et spécialement économiques sont beaucoup plus importants que les éléments géographiques.
Sans souhaiter tout dévoiler, quelque chose que vous explorez dans Last Argument of Kings est le concept des conséquences, ce qui semble être quelque chose que beaucoup d'écrivains de fantasy répugnent à faire ou tout simplement évitent en stoppant la narration au moment du triomphe. Était-ce quelque chose que vous vouliez spécifiquement examiner, ou était-ce juste une question de vouloir en quelque sorte clore des points en suspens, pendant que vous préparez le terrain pour le quatrième livre ?
La fantasy épique traditionnelle est très axée sur le combat entre le bien et le mal, entre les héros et les méchants, et je voulais vraiment m'éloigner de ça (non pas que je sois par quelque moyens le premier à essayer à faire cela) et examiner plus en profondeur les zones grises.
D'une certaine façon, ce ne sont pas les actions en elles-mêmes qui m'intéressent tellement, mais tout autant les raisons et les conséquences. Si vous arrêtez de regarder la guerre en Irak, disons, au moment de la « victoire », et ne considérez pas les retombées, vous ratez alors probablement le but.
A travers La Première loi, vous avez pris un plaisir délibéré en renversant subtilement les conventions établies en fantasy. Étant donné ce que vous avez librement confessé la dernière fois que vous nous avez parlé, de faire ça exprès, admettrez-vous aussi avoir augmenté le niveau de satire dans le volume final, ou est-ce que le « trope bashing » a été conservé à son minimum cette fois ?
Le « trope-bashing » est certainement toujours là, plus que jamais d'une certaine manière, depuis le moment où la trilogie est une seule histoire et il diverge peut-être de plus en plus de ce que le lecteur attend depuis que l'on se dirige vers la fin. La fantasy épique est pleine de clichés, donc vous ne pouvez pas vraiment écrire sans réagir à cela d'une certaine manière - soit vous les embrassez, les rejetez consciencieusement, ou essayez de les briser dans vos sombres buts.
Mais vous savez, avec tous les essais pour faire quelque chose de surprenant et retravailler les formules et tout cela, j'espère que ce que j'ai d'abord délivré est un conte fantasy en rupture. Je cible pour cela plus Unforgiven que Blazing Saddles, si vous avoulez. Un réexamen des formes classiques, peut être un propre commentaire à propos de cela, peut être, mais aussi un solide exemple de la forme. Je ne me prends pas trop au sérieux (en dépit des apparences), mais ne me dévalorise pas non plus.
Enfin pas trop quand même.
Vous dirigez un blog très actif sur votre site internet. Diriez vous que cela à directement contribué à votre exposition publique et à votre profil ? En conséquence, est-ce que le fait de tenir un blog régulièrement mis à jour est une chose que vous recommanderiez à d'autres auteurs et éditeurs ?
Je blogue plus parce que j'aime me vanter et parce que j'aime le contact avec les lecteurs plutôt que parce que je pense que ça va vraiment booster mes ventes de façon phénoménale. Je ne pense pas qu'il puisse blesser, et je suis sûr que ceux qui aiment les livres apprécient le fait d'être informés et avoir un contact avec l'auteur (peut être).
C'est certain que bloguer augmente le fait d'être vu sur internet - mais c'est facile d'oublier si vous traînez dans des chats et des sites que beaucoup de cette foule qui fréquente ces endroits sont seulement un petit segment du marché. Un segment intéressant et qui fait entendre sa voix, bien sûr, mais je ne pense pas que vous puissiez faire d'un livre un grand succès seulement en vous basant sur cela.
Vous avez laissé sur votre blog des indices sur le nouveau livre que vous écrivez, Best Served Cold, avec certains des personnages secondaires de La Première loi qui apparaissent dans des rôles d'invités. Avez vous toujours essayé d'écrire des romans qui se passent dans le même milieu, ou bien est-ce que la réponse des fans aux deux premiers livres ont aidé à vous tenir dans cette direction ?
J'ai toujours planifié d'écrire plus de livres dans le même monde, évidemment en fournissant aux lecteurs et éditeurs qui en voulaient plus. Nouveaux personnages, nouvelles histoires, différentes longueurs d'intrigues, bien sûr, mais à moins qu'il n'y ait une raison spécifique pour basculer dans un monde nouveau : une magie ou des races différentes, ou une géographie inédite que vous voulez essayer pour un but donné, je ne suis pas sûr de voir l'intérêt de détruire vos décors pour en faire de nouveaux.
Et je ne suis pas quelqu'un qui soit particulièrement intéressé par cela. J'imagine qu'aussi longtemps que j'écrirais de la fantasy, j'écrirais dans le monde que j'ai. Les mondes sont vastes, mon gars, il y a des milliers de possibilités.
Combien d'autres histoires qui se dérouleraient dans le même monde pensez-vous qu'il vous reste à raconter ? (c'était 53 dans la dernière estimation, n'est-ce pas?) Pensez- vous à des projets au-delà du contrat de deux livres, et si c'est le cas, pouvez-vous nous confier quelques unes de vos pensées sur cela ?
Combien d'histoires, qui sait ? La planète Terre semble assez grande pour accueillir un certain nombre d'histoires. Pour moi, un livre c'est l'histoire des gens qui vivent dedans, et il y a toujours plus dehors. Le temps pourrait venir où je serais à court d'idées et où je voudrais me diriger vers quelque chose de radicalement différent, mais pour le moment présent j'ai encore quelques idées dans le monde de La Première loi que je veux essayer.

L'interview originelle


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