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Je crée donc un nouveau sujet ici, suite à l'article publié sur le site, et je remercie les rédacteurs d'Elbakin.net de mettre le thème en avant. De même que je remercie Nicolas (Littlefinger), d'avoir réagi. Il est bon que des hommes interviennent, refusent d'être complices du genre d'agissement dont témoignent ces autrices, stagiaires, employées dans l'édition. Il est bon que nous comprenions que ce genre de personnes non seulement avilissent les femmes, mais les hommes qui, volontairement ou non, à juste titre ou non, sont considérés comme complices. Comme nous tous. Et le peu de réactions sur ce site depuis quelques jours est à mon sens éloquent.
Je ne m'excepte pas de ce silence, de cette invisibilité. J'ai quarante ans. J'ai grandi avec l'idée, inconsciente alors, qu'un certain nombre de choses étaient "normales" ; je les ai subies. Aujourd'hui, j'aimerais que les jeunes femmes qui se lancent dans leurs vies professionnelles, dans leurs vies de créatrices, puissent être respectées, considérées comme des sujets et non des objets, des réceptacles aux pulsions de certains hommes incapables de les contenir, à défaut d’avoir appris à orienter leurs désirs ailleurs que vers la prédation du plus faible. Je voudrais que ma fille grandisse dans une société où elle sera regardée en tant que personne, toujours et avant tout.
Lire que des hommes considèrent encore le droit de cuissage au cœur de la culture, du livre, prêchant le féminisme et l'ouverture d'esprit tout en abusant de leur pouvoir pour obtenir les faveurs sexuelles de jeunes femmes, est encore plus choquant, sans doute. On aimerait pouvoir dire que la culture, la lecture, en prémunissent. On aimerait pouvoir dissocier l'argent, le pouvoir, la force, des abus qu'ils rendent possibles, croire que ceux qui les possèdent vivent avec le profond sentiment de ce à quoi leur position hiérarchique les oblige, d'autant plus que, dans le cas de l'édition _ et c'est un des aspects du problème _, aucun cadre légal ne vient préciser les relations entre aspirant auteur et éditeur avant que le contrat ne soit signé. Difficile de porter plainte dans ces conditions. Difficile de porter plainte, de toute façon, d'établir la contrainte, l'abus de pouvoir, d'affronter ceux qui vont vous traiter de menteuse, et plus profondément encore, de revivre la situation, de se remettre dans l'humiliante position de la victime quand on veut s'affirmer comme personne, autrice, créatrice. Le silence, l'oubli auront, après quelques années, des vertus amnestiques, espère-t-on. Mais les témoignages se multiplient, et la honte de n'avoir rien dit, fait, empêché, ressurgit.
Ces hommes ont le pouvoir, l'argent, la force. Mais nous avons la parole. Partout, depuis toujours, les tyrannies, qu'elles soient politiques, religieuses ou sexistes, s'imposent avec l'intimidation, l'invitation au silence, la peur, la servitude volontaire. Usons donc de la liberté d'expression, de la transparence, pour mettre à jour ce que ces hommes croient pouvoir encore dissimuler en achetant le silence, la complicité passive. Usons de moyens légaux pour le faire. Echangeons ensemble, dans le respect mutuel, pour dire, pour nous dire, qu'un homme et une femme ensemble, ce peut aussi être la plus belle chose au monde, qu'on peut se séduire en considérant la liberté de l'autre, son droit à être lui-même, à ne pas vouloir, à vouloir autrement que nous ; pour nous convaincre qu'hommes et femmes peuvent travailler ensemble dans l'estime mutuelle, sans préjugés, sans nier que nous avons un corps, qu'il éprouve du désir, mais qu'il peut être contenu, sublimé, exprimé en gestes, paroles et sentiments dignes de nous.
J'élargis peut-être trop le débat. Ici, il y aussi le problème de cette personne, ce directeur d'édition qui semble régulièrement dénoncé sans que rien n'ait été fait (et j'imagine que c'est ce qui paralyse la parole autour de lui, ici même aussi). Il n'est pas question de délation gratuite. Depuis "Balance ton porc", on sait comment cela peut être puni par la loi. Si cela peut éviter, cette année sur certains festivals, que des jeunes femmes soient importunées, c'est bien. Si certaines ont le courage et les moyens de porter plainte, ce sera encore mieux.

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J'approuve ce qui a été dit plus haut et je tiens à remercier également Elbakin de mettre en lumière ne serait-ce que dans un billet les affres du sexisme dans l'édition. Le sexisme touche tout les aspects de la société et plus il sera repéré, moins il aura d'emprise.
Je m'éloigne un peu du sujet mais je suis contente de retrouver dans la fantasy de maintenant des héroïnes fières fortes et indépendantes. Puissent-elles inspirer celles qui se battent dans la vie réelle.

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Je suis moi aussi heureux que le sujet émerge enfin, parce que, n'étant pas beaucoup dans les festivals et conventions, je n'avais jamais entendu parler de pareilles pratiques en France. J'avais simplement remarqué quelques comportements misogynes d'écrivains dans un colloque sur la fantasy et cela m'avait mis mal à l'aise (en est-on encore là ? Mais c'était bien avant MeeToo).

Littlefinger a écrit :En même temps, le gros éditeur de l'imaginaire, depuis Metoo aux States, son nom a circulé et pas mal de monde le sait.

C'est quand même daté du 12 février 2018 : http://www.theyakitten.net/2018/02/12/a-comprehensive-list-of-the-recent-kidlit-sexual-harassment-allegations/

Merci pour le lien, je n'étais pas au courant de ce témoignage à propos de Stéphane Marsan. C'est dommage que la parole ait mis si longtemps à circuler. Anna a entièrement raison : c'est en parlant qu'on peut faire changer la honte de camp et faire sentir aux gens qui se permettent ce genre d'abus que ce n'est pas eux qui ont le pouvoir. C'est aussi comme ça qu'on donne aux victimes la force et un sentiment de leur bon droit suffisant pour lancer des poursuites en justice le cas échéant.

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Taraise a écrit :J'approuve ce qui a été dit plus haut et je tiens à remercier également Elbakin de mettre en lumière ne serait-ce que dans un billet les affres du sexisme dans l'édition.

On aimerait faire plus.
Je rebondis juste sur le manque de réactions dans l'autre sujet : à la base, même si cette rubrique - les interviews d'éditeurs - est réclamée chaque année, bon, souvent, il n'y a que deux ou trois réactions par éditeur. Alors en plus sur un sujet qui n'est pas celui d'origine du fuseau... Je ne pense pas - j'espère que non - que c'est par peur de réagir. :)

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Déjà, j’ose espérer que nos autrices écrivant en Français n'ont pas dû subir ça.

Non pas que les autrices anglophones valent moins. C'est juste pour tenter de comprendre ce qui passe par la tête de certains boss. Est-ce qu'ils se disent que c'est plus "safe" avec des américaines désirant être publiées en France ? Du genre "c'est 'normal" là-bas, donc à Rome fais comme les romains" ?

Ou bien ne font-ils absolument aucune discrimination et n'auront aucun scrupule à user de leur position, pour obtenir des faveurs sexuelles, ou une emprise psychologique, sur la frêle nouvelle plume de la littérature fantasy (ou autre) ?

L'un des problèmes, c'est aussi qu'on peut avoir tendance à minimiser le nombre de cas.
Moi en premier, j'ai encore du mal à me dire qu'il y a beaucoup de cas de sexisme dans le monde du travail. Je me dis bêtement que la plupart des gens ont été bien éduqués ou sont un minimum éclairés pour savoir se tenir. Une part de moi veut que les cas où un homme avec du "pouvoir" abuse de femmes (ou d'autres personnes, mais là on va rester sur la gent féminine), bah j'aimerai que ça soit des exceptions très rare, et pas une norme, ou une grosse minorité.

Pour le moment effectivement, la meilleurs façon de lutter c'est d'en parler. Comme tout combat, il va y avoir des "martyrs" qui verront leur nom trainé dans la boue, persona non grata auprès des autres "potes" de tel ou tel big boss dans l'édition, le cinéma, etc.
Mais bon, c'est une guerre d'usure, donc ça va prendre du temps !

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Bonjour, je voudrais quand même faire remarquer quelque chose : je ne connais aucun métier où les femmes ont autant le pouvoir que dans l'édition. Regardez le CAC40, il n'y a plus aucune femme dirigeante d'entreprise. Dans l'édition, les femmes qui possèdent des maisons d'édition, comme Véra Michalski, les femmes qui dirigent des maisons d'édition, comme Véronique Cardi (peut-être celle qui a le parcours de réussite, récent, le plus emblématique), sont nombreuses.
Prenons le poche : Le Livre de poche est dirigé par Béatrice Duval (ancienne directrice générale de Denoël), Pocket est dirigé par Charlotte Lefèvre, Folio est dirigé par Anne Assous depuis 2014, J'ai Lu est dirigé par Anna Pawlowitch.
Les maisons d'édition dirigées par des femmes sont nombreuses.
Je vous invite à lire cet article de Paris Match qui donne beaucoup la parole à ces femmes, justement.
J'ai travaillé dans plusieurs secteurs d'activité avant de travailler dans l'édition, j'ai travaillé deux ans à la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens. De tous les secteurs d'activité où j'ai travaillés / que j'ai côtoyés, l'édition me semble de loin celui qui est le plus "épargné" par les violences faites aux femmes (le harcèlement est une forme de violence). Notez bien que je ne dis pas qu'il ne s'y passe rien et qu'il n'y a rien à faire en plus.

Quand aux éditeurs qui proposeraient de publier une jeune femme en échange de faveurs sexuelles, ça existe sans doute, tout existe, mais ça me semble statistiquement beaucoup plus près du fantasme que de la réalité. Pour ma part, je ne l'ai jamais "observé". De nos jours, il y a sans doute plus d'éditrices que d'éditeurs (j'avoue ignorer si une étude a été faite). Beaucoup de ces éditrices sont très engagées. Une autrice qui n'a aucune envie de se faire importuner, de prendre le risque d'avoir des relations professionnelles désagréables, déplacées, ambiguës ou que sais-je a l'embarras du choix pour envoyer son manuscrit dans une maison d'édition dirigée par une femme, et ce dans tous les genres qui existent.

Après, entre un éditeur et un auteur (quel que soit le genre de l'un ou de l'autre), il y a souvent un rapport de séduction qui s'observe / s'installe. Le métier veut ça, un éditeur doit porter quand même un minimum de "rêve de réussite / de reconnaissance" et l'auteur doit aussi porter le potentiel d'un ouvrage à succès. Le succès étant chose tout à fait relative dans l'édition. Maintenant quand on vend plus de 600 ex de quoi que ce soit, c'est un succès et passé 3000 un succès retentissant.

GD

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Navym a écrit :Déjà, j’ose espérer que nos autrices écrivant en Français n'ont pas dû subir ça.

En tout cas, tous les témoignages recueillis par France info sont bien des témoignages d'autrices de chez nous. :/ Et il suffisait d'un petit tour sur Twitter l'autre jour pour être témoin de cette colère.

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Quand aux éditeurs qui proposeraient de publier une jeune femme en échange de faveurs sexuelles, ça existe sans doute, tout existe, mais ça me semble statistiquement beaucoup plus près du fantasme que de la réalité.

Que cela représente 20%, 10%, 5% ou même 1%, c'est une honte sans nom. Cela existe dans tous les métiers mais il faut dire que la précarité inhérente au métier d'auteur(e) ne doit pas aider à libérer la parole.

De nos jours, il y a sans doute plus d'éditrices que d'éditeurs (j'avoue ignorer si une étude a été faite). Beaucoup de ces éditrices sont très engagées.

Je ne sais pas si tu as lu l'article mais le fait que ce soit des femmes à la tête des "grandes" maisons d'édition ne change pas le problème. Souvent les pressions sont faites sur les femmes en dessous de la hiérarchie. Certains grands auteurs n'hésitant, apparemment, pas à en jouer connaissant le poids qu'ils ont dans la maison par le nombre des ventes.

Après, entre un éditeur et un auteur (quel que soit le genre de l'un ou de l'autre), il y a souvent un rapport de séduction qui s'observe / s'installe. Le métier veut ça, un éditeur doit porter quand même un minimum de "rêve de réussite / de reconnaissance" et l'auteur doit aussi porter le potentiel d'un ouvrage à succès.

Là encore, je trouve les propos assez déplacés... Je suis dans un métier où il y a une forme de "séduction" et cela ne me viendrait jamais à l'esprit dans surjouer pour en profiter alors que j'ai déjà dû faire face à des propositions inappropriés par certaines candidates dans l'espoir de décrocher le poste...
La façon dont tu tournes ta phrase viendrait à légitimer les abus, j'extrapole peut-être mais c'est vraiment le sentiment que cela me donne à la lecture.

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Aerendhyl a écrit :
Après, entre un éditeur et un auteur (quel que soit le genre de l'un ou de l'autre), il y a souvent un rapport de séduction qui s'observe / s'installe. Le métier veut ça, un éditeur doit porter quand même un minimum de "rêve de réussite / de reconnaissance" et l'auteur doit aussi porter le potentiel d'un ouvrage à succès.

Là encore, je trouve les propos assez déplacés... Je suis dans un métier où il y a une forme de "séduction" et cela ne me viendrait jamais à l'esprit dans surjouer pour en profiter alors que j'ai déjà dû faire face à des propositions inappropriés par certaines candidates dans l'espoir de décrocher le poste...
La façon dont tu tournes ta phrase viendrait à légitimer les abus, j'extrapole peut-être mais c'est vraiment le sentiment que cela me donne à la lecture.

Je ne légitime aucun abus, je dis juste qu'il y a beaucoup de jeux de séduction dans ce métier, de tous les genres vers tous les genres. Que le métier "implique" cette forme de séduction qui a la base est désexualisée, puisque c'est un auteur ou un texte qui convainc un éditeur de le défendre ou inversement un éditeur qui séduit par un auteur fait des pieds et des mains pour le récupérer et récupérer ces prochains textes. Certains le regrettent, certains en jouent, certains en profitent, certains ne jouent pas à ce jeu, etc. Une fois encore, tout les cas de figure existent.

De mon point de vue, de mon petit poste d'observation, j'ai la nette impression qu'il y a moins de comportements déplacés aujourd'hui que quand je suis arrivé dans le métier, fin des années 90.
Mais mon expérience du milieu littéraire est assez limitée, je travaille principalement à domicile et j'essaye d'éviter les cocktails, les événements, les mondanités et les foules autant que faire se peut.

GD

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Il est bien que des voix s'élèvent enfin pour montrer que les abus existent dans tous les milieux - et que le monde de l'édition n'est malheureusement pas épargné. Bien sûr qu'on ne met pas tous les éditeurs ou acteurs de la chaine du livre dans le même panier, mais comme le dit Aerendhyl, quelque ce soit le pourcentage que cela représente, c'est toujours beaucoup trop.

Gilles, je peux comprendre ce que tu dis sur la "séduction", mais comme tu le fais remarquer, cette séduction devrait être désexualisée - et apparemment certains éditeurs ne comprennent pas ce concept.

HS : en tant que vendeuse et libraire, j'ai déjà eu des propositions de clients qui pensaient dur comme fer que les sourires et plaisanteries que je leur adressais montrait un intérêt autre que "commercial"... Alors non et non ! C'est toujours une situation compliquée, et qui m'exaspère de plus en plus au fil des ans.
Memento mori

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Merci pour ces témoignages et réactions. Je trouve assez agréable de lire ces avis et réactions posés et intelligents.

Je ne suis pas trop d'accord non plus avec "l'excuse / la justification / choisir le mot approprié" de la séduction. L'emploi du terme est d'ailleurs révélateur. On devrait parler plutôt de conviction : on tente de convaincre l'autre de travailler avec nous. Par des arguments professionnels, de bonnes propositions de travail etc... Comme un vendeur qui doit convaincre par la qualité et l'adaptation au client de son produit.

A mon sens, avoir quelques femmes à des postes de pouvoir n'est pas un sujet de réjouissance, c'est normal. Dans bien des milieux on s'en sert comme étendard du progressisme en ne voyant pas, comme le souligne Aerendhyl, toutes celles en dessous qui subissent des pressions.
Je ne suis pas sure que l'édition, soit un milieu plus épargné que les autres. Ce serait assez étonnant. Par contre l'image de la culture fait qu'on y pense peut être moins. Les témoignages des autrices de BD sur le site mentionné par l'article sont édifiants. Et il n'est pas si facile, je pense, de se retourner vers un autre éditeur quand on connait le système de réseau de l'édition.

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Kaellis a écrit :Gilles, je peux comprendre ce que tu dis sur la "séduction", mais comme tu le fais remarquer, cette séduction devrait être désexualisée - et apparemment certains éditeurs ne comprennent pas ce concept.

C'est vrai, mais j'ai aussi observé le comportement ambiguë (voire franchement déplacé) de certaines autrices, notamment en salon.
A mon sens, le milieu de l'édition fait beaucoup rêver/fantasmer (et j'utilise ce mot à dessein) comme le milieu du cinéma, et le fait que ce soit un milieu "artistique" et non purement industriel, disons, a tendance à créer beaucoup de porosité / flou dans les comportements.
Des auteurs (tous sexes confondus) et des éditeurs (tous sexes confondus) qui flirtent, j'ai vu toute ma vie professionnelle. Mais moins ces dernières années, il est vrai.

GD

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Sciezka a écrit :Je ne suis pas trop d'accord non plus avec "l'excuse / la justification / choisir le mot approprié" de la séduction. L'emploi du terme est d'ailleurs révélateur. On devrait parler plutôt de conviction : on tente de convaincre l'autre de travailler avec nous. Par des arguments professionnels, de bonnes propositions de travail etc... Comme un vendeur qui doit convaincre par la qualité et l'adaptation au client de son produit.

Dans un monde idéal ça devrait peut-être fonctionner comme ça, mais dans mon monde j'ai ou pas un "coup de coeur" pour un texte, ou un corpus plus vaste comme ça a été le cas avec Christopher Priest. Ça n'a rien de mécanique. Et après ce "coup de cœur" une relation s'installe (ou pas) avec une autrice ou avec un auteur. J'ai l'habitude de dire que c'est une relation de couple le sexe en moins, je l'ai déjà dit ailleurs, et je ne le renie pas. Travailler sur un texte, aider un auteur à arriver au bout de son projet, c'est une forme d'engagement très particulier. En tout cas chez moi, ça l'est. Et il y a des auteurs avec qui j'ai travaillé une fois et pas deux car "le courant n'est pas passé, "le lien s'est pas créé", "on ne regardait pas dans la même direction" je ne saurais pas trop l'expliquer. J'ai beaucoup publié / défendu Christopher Priest, Robert Holdstock, Ian McDonald et Robert Charles Wilson et nous avons développé des liens amicaux très fort en dehors du travail. L'inverse est aussi vrai, il y a des auteurs que je ne publie pas/plus pour rester ami avec eux ;-)

GD

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Gilles Dumay a écrit :J'ai travaillé dans plusieurs secteurs d'activité avant de travailler dans l'édition, j'ai travaillé deux ans à la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens. De tous les secteurs d'activité où j'ai travaillés / que j'ai côtoyés, l'édition me semble de loin celui qui est le plus "épargné" par les violences faites aux femmes (le harcèlement est une forme de violence). Notez bien que je ne dis pas qu'il ne s'y passe rien et qu'il n'y a rien à faire en plus.

Un bon moyen de masquer un problème c'est de le minimiser et d'espérer être au dessus.

Sincèrement, pour un système donné avec sa hiérarchie et ses systèmes de relation, la question est de savoir si lorsque des mauvais comportements adressés aux femmes existent: sont-ils valorisés ou normalisés.
Que se soit du côté des agresseurs, des victimes ou des témoins. Il suffit d'écouter les féministes, elles sont les premières à l'expliquer, l'exposer.

Et lorsque des barrières communes à toutes les cultures/milieux sociaux sont franchises (contact physique non consenti, menace lié au statut professionnel, etc...) la réponse commune est-elle rapide ?
La problématique est-elle prise en charge de manière claire par un contre-pouvoir, en prenant les mesures les plus saines pour tout le monde, etc...

Une autrice qui a subi des comportements inacceptables, de savoir que dans un autre lieu/temps/endroit les "mâles" pourraient être pires ou meilleurs, je vois pas ce que cela lui apporte comme solutions ou perspectives de progrès.

Et les hommes, même s'ils ne sont pas du côté des victimes ou des bourreaux, ne peuvent pas être se réfugier dans une neutralité passive, voire complaisante et auto-évaluée.

Sachant que je m'estime pas mieux qu'un autre homme par "essence" ou "éducation" sur ce forum ou dans la vie :|

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Benedick a écrit :Un bon moyen de masquer un problème c'est de le minimiser et d'espérer être au dessus.

La seule fois où je suis intervenu dans le cadre de mon travail pour un problème de harcèlement, il n'était pas d'ordre sexuel mais moral. J'ai conseillé à la victime de signaler les faits à une déléguée du personnel, il y a eu ensuite un RDV à la médecine du travail, puis à la DRH. Plus quelques lignes dans le compte-rendu mensuel du comité social et économique où était signalé le problème et les réponses qui y avaient été apportées.
La personne qui a entamé tous ces démarches a fait preuve d'un grand courage. Chapeau.
En dehors de ça, j'ai jamais été témoin de quoi que ce soit dans mon service, que ça soit chez Denoël ou Albin Michel. Après, chez Denoël par exemple, j'étais quasiment le seul personnel masculin de l'entreprise les dernières années, le seul si on ne compte pas les stagiaires et apprentis. Chez Albin, je suis le seul homme à l'étage où j'ai mon bureau, sur une vingtaine de bureaux environ.
S'il y a un "monstre" à cet étage-là, c'est donc forcément moi.

GD

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Benedick a écrit :Et les hommes, même s'ils ne sont pas du côté des victimes ou des bourreaux, ne peuvent pas être se réfugier dans une neutralité passive, voire complaisante et auto-évaluée.

Sachant que je m'estime pas mieux qu'un autre homme par "essence" ou "éducation" sur ce forum ou dans la vie :|

Il y a aussi la question d'être témoin ou non.
Je suppose que ceux qui perpétuent certaines formes d'agression à l'égard d'autrices ne le font plus en plein jour, mais seulement quand ils ne sont que deux, non ?

Je vois ce que veut dire Gilles, dans le terme "séduction," même s'il est vrai qu'il ne sonne pas pareil à l'oreille de tous.
Le problème c'est surtout la longueur d'onde de l'auteur/trice et l'éditeur/trice. C'est la frontière compliquée qui fait que certains voient du flirt là où il n'y en a pas (comme l'exemple de Kaellis).
Ayant passé mon adolescence à filer des coups de main à mon père commerçant, j'ai inconsciemment acquis cette forme de "séduction" quand je discutais avec les clients. Et c'est resté ancré en moi car j'ai souvent une façon de parler "séductrice" on va dire. Mais pas du tout sexuelle. Et je fais pareil avec ami(e)s, comme inconnu(e)s. Donc homme comme femme, je les traite pareille. Et il m'est arrivé du coup de devoir clarifier la chose : non je ne cherchais pas à vous séduire, madame, pareil monsieur, vous êtes charmant mais ce n'était pas mon intention.
Plus que de la séduction, c'est juste du plaisir d'échanger avec quelqu'un. Là peut être peut on parler de conviction, comme en parle Kaellis ?

Mais bon, si ça en reste là, avec l'un des deux qui mets les choses au clair, ça peut aller, j'ai envie de dire. Oui c'est clairement lourd pour la personne, mais au moins le malentendu est levé. Le problème vient de ceux qui n'en ont strictement rien à faire de ce que pense l'autre. Qui vont insister malgré la clarification, qui vont vouloir montrer qu'ils font ce qu'ils veulent du destin de la victime.

Après oui, je me doute aussi qu'il existe aussi des femmes qui vont jouer de ça pour séduire un éditeur. Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir. Tous les éditeurs mâle ne sont pas tous de gros porcs et toutes les autrices ne sont pas des parangons de vertue. En ce sens les interventions de Gilles Dumay sont intéressantes, pour avoir une autre perspective.
Après il nous faudrait les intervention de quelqu'un d'autre qui, lui/elle, participe aux soirée cocktails et cie pour témoigner :p

Quant à l'inaction de certains témoins de scènes, la nature humaine est compliquée tant qu'on est pas confronté en directe à ça. Un peu comme lorsqu'on est témoin d'une agression en pleine rue. Parfois on peut penser qu'on va intervenir, mais une fois devant le fait, on fuit ou ignore la scène. Parfois c'est l'inverse : on pense que ce n'est pas nos affaires, on ne veut pas s'impliquer et, la seconde d'après, on se retrouve en plein coeur de la scène à séparer agresseur d'agressé ou autre.
On réagis pas tous de la même manière. Certains vont naturellement se révolter et agir, d'autres vont se révolter mais ruminer ça dans leur tête car ils ne savent pas comment sortir ça. Certains seront dans le déni. C'est vraiment compliqué de pointer du doigt les voix silencieuses. Oui on peut leur faire des reproche, les sensibiliser pour apprendre à agir à sa manière.
Certains peuvent ne pas s'opposer/dénoncer l'homme de pouvoir qui clairement fait preuve de sexisme auprès d'une consoeur/collègue. Mais peut-être que s'ils le faisaient ça les briserait psychologiquement ? Tout le monde n'est pas naturellement prompt à s'opposer face à des supérieurs hiérarchique ou des personnes de pouvoir. En ce cas, plutôt que de leur reprocher leur état d'esprit, peut être faut-il les pousser à au moins montrer leur soutient à la victime ? En étant juste là pour l'écouter, ou lui dire que l'on a été témoin. Et de cet échange peut être le témoin aura la force de témoigner, peut être la victime aura la force de tenir le coup et de préparer des poursuites ou de dénoncer plus ouvertement l'agresseur.

Bref, il y a mille et une façon d'agir aussi ^^

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Navym a écrit :Il y a aussi la question d'être témoin ou non.
Je suppose que ceux qui perpétuent certaines formes d'agression à l'égard d'autrices ne le font plus en plein jour, mais seulement quand ils ne sont que deux, non ?

Pas toujours. Parfois c'est "de l'humour" parfois un comportement n'est même pas perçu comme une agression par l'agresseur, voire les potentiels témoins.

Je pense que l'une des meilleures façon d'agir, pour tous, à l'heure actuelle, c'est de faire ce qu'on fait sur ce fil : en parler et ne surtout pas minimiser, excuser, les choses, comme le dit Benedick.