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Chacun le sait, pour JRR Tolkien, fumer (la pipe) était un art où il convenait de se montrer éminent. Son SdA s'ouvre par une ode à la culture du tabac en Comté, et nombre des héros de ses livres sont fumeurs.Les films ne manquent pas de le rappeler par des scènes qui, pour certaines, ont leur place au chaud dans toute anthologie. Mais plusieurs décennies séparent l'oeuvre littéraire du cinéma venu l'adapter, et entretemps le prestige du fumeur de tabac a tourné casaque ; il est plutôt aujourd'hui perçu comme un addict.Il est donc intéressant de regarder comment les adaptations ont traité le sujet, en prenant le parti soit de la fidélité à l'oeuvre, comme dans la 'première' trilogie (LotR), soit de la distance, par responsabilité vis-à-vis des enfants dans la 'seconde' (The Hobbit).Les choix de PJ vous semblent-ils les bons ?Dans le SdA filmé, les fumeurs sont :- Les hobbits Bilbo, Merry, Pipin- Aragorn- Gandalf- SaroumaneEt dans le Hobbit : - Bilbo- Quelques Nains (Bofur...)- Gandalf- Radagast

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Ca fait trop longtemps que je ne l'ai pas revu, mais quel moment PJ montre t il Saroumane en train de fumer ? Puisque le seul intérêt d'avoir saroumane accro à la Feuille de Longoulet, c'est de remonter le lien vers ses petites affaires dans la Comté.Dans le hobbit, Saroumane n'est pas montré en train de fumer non plus.

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C'est bien à la présence des feuilles de Longoulet dans la réserve de Saroumane explorée par Merry et Pipin que je fais allusion. Les stockerait-il dans son magasin s'il n'en avait pas l'usage ?Et puis, si effectivement on ne voit pas Saroumane fumer, on l'entend dans aUJ reprocher à Radagast non pas sa consommation de champignons, mais sa consommation "excessive" de champignons, et il fait aussi allusion aux dents jaunies.Conclusion, Saroumane est probablement un fumeur honteux qui tire sa bouffée en cachette et de façon parcimonieuse car il a la hantise que ça se voie à son sourire.En tout cas c'est comme ça qu'on le devine à travers le tournage de P Jackson. Rien que pour ce genre de détails, ces films-là sont agréables à voir et revoir.Dans le Hobbit en particulier, il est émoustillant de voir de quelles façons le réalisateur tire l'échelle sous les pieds du culte du tabac.

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Milieuterrien a écrit :Conclusion, Saroumane est probablement un fumeur honteux qui tire sa bouffée en cachette et de façon parcimonieuse car il a la hantise que ça se voie à son sourire.
C'est juste. A ce moment là de sa vie, ça fait près de 100 ans que Saroumane a découvert que Gandalf fume, et s'y est mis en cachette.

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Si on veut ironiser, on peut commencer par le fait que Saroumane est un personnage de fiction censé détenir des pouvoirs magiques dans un monde imaginaire, ce qui lui donne carte blanche pour une longue liste d'extravagances...Mais mon propos se borne ici à évoquer comment, dans les films vus par des enfants, est traitée la relation des personnages avec le tabac, car ça, c'est quand même un sujet assez sérieux, vus les problèmes posés par cette addiction, qui se compare d'ailleurs à l'addiction aux sucreries de toutes marques.La trilogie du SdA voici dix ans penchait davantage côté fidélité aux visions de l'auteur, y compris sur ce sujet-là, que du côté 'responsable'. Vue sa trajectoire venue du gore, ce ne sont pas quelques allusions au folklore tabagique qui allaient faire trembler le réalisateur de 'Bad Taste', mais dans le cas présent, le hobbit est un livre indiscutablement réputé pour s'adresser à un très large public constitué pour beaucoup d'enfants, donc une fois la question du rapport au tabac soulevée... elle est soulevée : pas seulement par les fans, mais aussi par les associations familiales etc.Je ne sais plus si c'est P Boyens ou P Jackson lui-même qui ont indiqué avoir rédigé le scénario du Hobbit en adoptant le plus possible un point de vue 'parental'. C'est par exemple pour cela que le niveau de violence est downgradé par rapport au SdA.Comme Tolkien avait la tabagie chevillée à l'échelle de ses valeurs, il se trouve que c'est plutôt ses héros qu'il faisait fumer, et non pas ses créatures du mal. On ne voit pas ses orques fumer, par exemple.D'où le problème posé à l'adaptation filmée.Si PJ donne à Radagast des allures de vieillard soixante-huitard ringard quand il s'abandonne en louchant à une taffe prêtée par Gandalf, je ne crois pas que ça soit un effet du hasard. On sait que les enfants ou les ados s'identifient à des adultes d'âge ou d'apparence aragornienne plus volontiers qu'à des vieillards, qui sont pour eux surtout exotiques.Donc PJ est à la fois fidèle à Tolkien en faisant fumer des 'héros', mais suffisamment prudent pour éviter de se rendre responsable d'activer des mécanismes d'identification préjudiciables à son public. De ce point de vue-là, son Aragorn fumant à la veillée dans la CdA était un peu plus problématique.On voit aussi Bofur essayer d'allumer sa pipe sous la pluie.. mais y renoncer parce que c'est mouillé. Je trouve cette scène excellente aux premier, deuxième et troisième degrés :D

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Il y a des recherches sur les choix de Tolkien au regard de l'herbe à pipe (qui n'est pas systématiquement assimilé à notre tabac, d'autres plantes peuvent se consumer sans transformer les poumons en charbon), et si j'en ressors une partie, ça donne ceci : *le "tabac" n'a pas le même effet selon celui qui le consomme (dans le livre) *les circonstances d'usage du tabac ne sont pas les mêmes selon le personnage*la culture de l'herbe à pipe a tué plus de hobbits que n'importe quel autre peuple.Et là, je critique un des choix de PJ : l'impression que le contenu de la pipe de Gandalf est ...très corsé pour que Radagast en perde deux neurones et cinq points de tension, alors que ni Bilbo ni les nains (ou Aragorn dans la CDA) ne semblent affectés d'une telle "détente".Un deuxième point, sur le "contrôle parental", c'est d'avoir poussé sur l'alcoolisation en inventant des scènes. Alors que Merry prenait le soin de dire à Pippin qu'il fumait trop, alors qu'aucun hobbit ne semble souffrir d'emphysème ou de souffle court.

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A priori, une plante qu'on fume est toujours une plante brûlée, donc ça se termine en charbon et autre goudron quelle que soit la variété, et nos poumons ne sont pas trop équipés pour faire le recyclage. Mais à l'époque de Tolkien, on croyait encore pouvoir discuter de leurs mérites comparés, la concurrence faisant rage entre herbe à pipe, cigare ou cigarette. Si l'on jette un oeil aux affiches publicitaires de la première moitié du siècle au moins jusqu'à l'ère Marlboro ou Gitanes, on n'en revient pas du degré de promotion dont bénéficiait la consommation de tabac.La prise de conscience a été tardive : les filtres ne sont apparus au bout des Gitanes qu'en 1956.Il s'était noué au XIXème siècle une sorte d'identification collective inconsciente entre la fumée du tabac et la modernité et la puissance des industries du charbon, des machines à vapeur, usines, trains et bateaux. N'oublions pas que Tolkien était un enfant des Midlands, une région dont, à cette époque-là, l'extraction de la houille et tous ses dérivés industriels était le principal poumon... économique : le tabac n'y était pas spontanément perçu comme le principal polluant des bronches, mais plutôt comme un moyen de les réchauffer, pendant une bonne partie de l'année au moins. L'Angleterre tout entière s'honorait d'être un pays de fumeurs de pipe et d'aller chercher son herbe dans les recoins les plus exotiques de son immense empire colonial. La pipe était d'essence aristocratique et la cigarette, le tabac du pauvre.Donc si on y regarde de près, la présence des Hobbits fumeurs en Terre du Milieu a moins à voir avec l'univers médiéval réel (au Moyen-Age le tabac était inconnu en Europe) qu'avec l'univers colonial de l'ère victorienne, reflété dans le cosy bourgeois de Bag End, la difficulté étant de s'extraire de ce confort pour partir à l'aventure et rééditer les prouesses des anciens.Les choix de PJ ne sont évidemment pas incriticables. Simplement, ils s'inscrivent eux-mêmes dans leur propre époque, qui n'est plus celle de Tolkien. Les lecteurs ne sont plus les petits anglais, etc.En fait, les livres aussi bien que les films s'inscrivent dans leur environnement réel, porteur d'enjeux prépondérants. Opposer "l'authenticité" de la Terre du Milieu à la traîtrise frelatée de nos modernités n'a pas beaucoup de sens. L'environnement de la TdM n'est pas originel, mais reconstruit.Certes on ne voit pas Pippin tousser et cracher dans le livre ni dans le film, mais le fond du problème est-il vraiment la santé de Pippin ou celle de galaxie des futurs tousseurs-cracheurs ?Idem pour la composition de la pipe de Gandalf, quoique je reste prudent sur ce sujet-là car je n'ai pas entendu ce qu'en disaient P Boyens and co

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La trilogie du SdA voici dix ans penchait davantage côté fidélité aux visions de l'auteur, y compris sur ce sujet-là, que du côté 'responsable'.
Dans le SdA (le Retour du Roi) il y a une scène où Gandalf s'étouffe sur sa pipe et Pippin lui apporte un verre d'eau. Il me semble que Ian McKellen affirmait à l'époque qu'il aurait bien joué davantage le magicien complètement dépendant de son herbe, et qu'il avait renoncé à l'idée - seule cette scène subsiste, en somme. Ok, l'apparition d'Aragorn est moins correcte. Et les ronds de fumée du Hobbit ne m'ont pas autant frappée que dans le livre; c'est vrai qu'il semble y avoir une évolution dans les films de ce côté.Mais je ne vois pas bien où tu veux en venir. Que PJ colle mieux à notre époque que Tolkien? Qu'il a bien fait de passer de l'addiction à l'herbe à pipe à l'addiction à l'alcool? Que l'herbe à pipe est un pilier de l'histoire mais qu'on peut l'évacuer sans mal? :) Je suis juste curieuse de comprendre ton argumentaire et ta position.
L'environnement de la TdM n'est pas originel, mais reconstruit.
La Terre du Milieu, tout le monde en a une version différente dans la tête, et seul Tolkien possédait l'originale, tu sais. À moins de faire de la nécromancie et de la télépathie, on ne pourra plus jamais la susciter à l'identique. Mais nous sommes tous des adaptateurs - avec les moyens de l'esprit quand PJ y met les moyens techniques - et nous sommes forcément sensibles, d'une façon ou d'une autre, à l'oeuvre des autres adaptateurs, qu'ils soient illustrateurs ou réalisateurs...

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Ma position, c'est grosso modo que l'univers de Tolkien n'existait pas QUE dans l'imaginaire de Tolkien, au sens où l'imaginaire de Tolkien puisait à des sources extérieures, soit réelles (comme un certain nombre de lieux qu'il avait pu arpenter lui-même), soit folkloriques comme les trolls, les elfes ou les nains mineurs, qui plongent eux-mêmes leurs racines dans des réalités anciennes.Je n'ai rien contre le fait qu'un imaginaire puise en soi-même, mais comme j'ai la semelle voyageuse je préfère les sections d'imaginaire dont les ancrages sont tangibles pour aller les toucher du doigt. Par exemple je trouve excitant de randonner dans une montagne des Midlands historiquement appelée Moors au milieu d'amas rocheux appelés Tors parce qu'on ressent physiquement l'impression de visiter l'authentique Mordor, surtout quand pour y accéder il faut EFFECTIVEMENT emprunter un interminable escalier à flanc de montagne. Ou encore, se placer le long d'une rivière apparemment tranquille à l'instant T pour y voir déferler une grosse vague qui soudain paraît tout emporter sur son passage, comme ça se produit à certains équinoxes quand la marée remonte les cours d'eau en s'enflant comme dans un entonnoir : on a physiquement l'impression de vivre la vraie scène du gué de la Bruinen. Dans ces cas-là, comme d'ailleurs dans l'ensemble des livres, on a affaire à des adaptations du réel par Tolkien, et elles ne sont pas a priori moins intéressantes que les adaptations de Tolkien par un cinéaste contraint d'opérer un retour au réel en transigeant avec ce qui est matériellement filmable, comme par exemple un Balrog ou une cité souterraine grouillant de gobelins.Pour la pipe et le tabac, ces accessoires ont eu longtemps une telle importance dans le quotidien des sociétés que ce n'est pas déplaisant d'en retracer l'itinéraire, tout en gardant l'oeil sur les problèmes posés, qui sèment leur part d'interférence entre le monde réel et le monde imaginaire : par exemple Lucky Luke a bien dû troquer contre une brindille sa clope perpétuellement posée comme un papillon sur sa lèvre inférieure.Ce 'où je veux en venir', ce n'est rien d'autre que de rappeler tout le poids de réalité qui entre en jeu dans n'importe quelle fiction, nécessaire pour la rendre vraiment intéressante, car c'est aux réalités qu'on est confronté. Alors que la fiction pour la fiction, bof.

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"Miyar", comme on dit par chez moi, j'ai compris ton post du premier coup cette fois! :D Merci d'avoir répondu clairement. Mais nous savons tous qu'aucun auteur ne crée à partir du néant et que toute fiction (littérature blanche autant que fantasy) s'appuie sur le réel. La fiction pour la fiction, ça n'existe pas! Il me semble qu'il en va du tabac chez Tolkien comme chez Morris; c'est une part intrinsèque des héros de l'histoire. Dommage qu'il ne soit plus correct de le montrer aussi frontalement de nos jours.

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Allons on ne perd pas forcément au change ! Et chacun chacune a la main sur son imaginaire ! Pour Aragorn par exemple, il peut être plus sympathique d'imaginer son haleine sans tabac plutôt que celle d'un octogénaire ayant soigné durant 60 ans ses chicots à tirer des bouffées nocturnes et mâchouiller des brins d'herbe en pleurant Luthien. ;)Come on, le frontal n'a pas que du bon !Une autre scène qui m'a bien plu, avec le recul, c'est le sort réservé par l'entrée en matière de Gandalf au rond de fumée exhalé par Bilbo on se demande bien pourquoi d'ailleurs vu qu'il avait les paupières closes.Pouf dans les narines ! De quoi se mettre de bonne humeur pour engager le dialogue...Après ça, on voit le malheureux Hobbit se débattre avec cet appendice courbé pour essayer à la fois d'en placer une dans la conversation et reprendre une taffe en même temps que sa respiration.Bref ça ne marche tellement pas qu'il finit par en ouvrir sa boîte à courrier et galoper à son refuge dans un nuage de poudre d'escampette.J'avoue que j'apprécie assez la suggestivité si prosaïque de cette contre-pub pour les tuyaux d'enfumage. Trouvez-vous qu'elle suscite des choeurs de soupirs consternés ?

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Les bougies parfumées, l'encens, ce sont des fumées qui se respirent de nos jours sans que la journée sans tabac ne semble s'appliquer : Tolkien a donné des vertus et des qualités particulières à ce que fument les hobbits, et des effets différents sur les elfes (qui n'en voient pas le bénéfice) ou sur Gandalf (qui en a besoin pour se calmer les nerfs et réfléchir).(Nos petits poumons recyclent de l'air gavés de produits chimiques et de gaz carboniques et on arrivent encore à produire des centenaires).La galenas de Tolkien peut très bien, c'est la qualité d'un monde imaginé, être différente du tabac nicotinique.PJ a souvent pris la pose, pipe à la main ; s'il avait vraiment voulu limiter les scènes de ronds de fumées, au détriment de l'histoire, s'il avait vraiment voulu remplacer la bière par du lait tiède, il aurait fait ce qui s'est passé entre Iron man 2 et 3.Et poussant les conseils de santé plus avant, il aurait fallu montrer les hobbits se laver les dents après chaque repas :)La nourriture (trop gras, trop salé...), la boisson (de l'alcool alors que Pippin n'est même pas majeur !), de l'herbe à pipe (eucalyptus, menthol ? ), ajoutés à la violence et ce n'est plus le livre d'une époque révolue mais une publicité aseptisée pour la prévention maladies.Puisque tu as ouvert la discussion sur ce sujet, j'avance ce que j'en vois : le livre place le fumage dans un contexte de société de son temps, pour un hobbit, sa pipe, c'est le dernier morceau de "home sweet home" qui lui reste quand il est loin (et du reste, c'est quand il a besoin de se sentir "un peu comme à la maison" qu'il veut fumer, c'est un talisman, un gri gri.Mais Tolkien ne montre pas d'addiction à la fumée, sauf pour les magiciens qui avouent leur besoin de fumer pour se calmer .Et donc, si PJ voulait diminuer une "publicité positive", c'est raté ; et si PJ voulait parler des conséquences de la fumée/autre excès, c'est raté aussi (Pippin tu fumes trop, Gimli et le concours de boisson, Radagast et la fumée qui stone).Je ne sais pas quelle présentation PJ a voulu donner sur les addictions : il est inexact de prétendre que seuls les "gentils" fument : outre Saroumane, Bill Fougeron aussi pratique. Mais cet usage est totalement inconnu au Rohan ou au Gondor, le nombre de fumeurs est concrètement compris entre l'Ered Luin et le Mont Solitaire via la Comté et Bree, les hobbits, les nains, les gens de Bree et quelques autres voyageurs.Quelle présentation de l'alcool ? On en fait des jeux et c'est rigolo parce que ça picote le bout des doigts quand on a vraiment la classe ? PJ nous montrede possibles effets nocfis, mais il charge la barque.

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Comme il ne s'agit pas d'une adaptation du 'Seigneur des Blagues à Tabac', restons tout de même conscients que le sujet est périphérique et n'a donc pas été traité comme une campagne du Ministère de la Santé.A mon avis, il s'est plutôt agi pour les scénaristes de se mettre à l'abri des écueils, des contre-pubs et des polémiques encombrantes, en utilisant pour ça les ressources de l'humour et du clin d'oeil dès lors que le lien entre Tolkien et sa pipe était de notoriété publique fusionnel.Rien d'étonnant que Gandalf soit fumeur puisque, hormis Tom Bombadil, c'est dans son personnage que Tolkien a projeté sa plus grande part de Deus ex-machina.Si Gandalf fume et avoue son besoin de fumer pour se calmer, on peut supposer que c'est lié au fait que Tolkien éprouvait sûrement lui-même, vu l'effet habituel des phénomènes de manque, le besoin de fumer pour se calmer.D'ailleurs je pense que P Jackson a fini par percevoir cet aspect des choses en cours de route car il existe une différence assez sensible entre le PJ des années SdA, qui s'amusait innocemment à se couler dans les habits de Tolkien en prenant la pose et donc la pipe, et sa version du Hobbit qui montre Gandalf fumer de façon profondément ténébreuse et presque coupée de son entourage. Cela fait partie des scènes frappantes qui ne doivent sûrement rien au hasard : lorsque Bilbo a cet échange avec Kili et Fili à propos d'un cri d'orque dans la nuit, Gandalf est totalement absent, plongé dans sa rumination et il n'en émerge que péniblement. Cette scène fait d'ailleurs écho à celle de la CdA dans laquelle Gandalf, juste après avoir approché sa main de l'Anneau chez Bilbo, fume absorbé dans de ténébreuses pensées dont il n'émerge qu'à la façon d'un réveil.PJ nous fournit là un échantillon direct de suggestion du lien entre le fait de fumer et une relation au monde foncièrement dépressive et passive.Cet accent sur la passivité du fumeur est aussi au rendez-vous dans la scène du Hobbit où Gandalf apostrophe Bilbo sur son pas de porte en lui mouchant les narines avec la fumée de sa propre pipe. Le message, c'est clairement : "réveille-toi petit".Ce n'est certainement pas ce qu'avait à l'esprit le Tolkien en 1934, mais ça aurait pu être le cas si Tolkien avait écrit le Hobbit en 1954, puisque ses écrits démontrent qu'à cette époque-là il était devenu conscient des méfaits du tabac sur la population hobbite.A ce genre de détails-là, on voit que P Jackson a su approfondir sa réflexion sur l'oeuvre de Tolkien. En quelque sorte, il injecte du vieux Tolkien dans du jeune Tolkien.Alors qu'a contrario, son adaptation du SdA nous semblera peut-être, avec le recul, comporter certaines naïvetés, comme ce fameux picotement des doigts de Legolas... Naïvetés qui ne sont pas forcément synonymes de défauts cinématographiques, car la scène était quand même amusante, vues les réactions du public à la première vision.

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Milieuterrien a écrit :Ce n'est certainement pas ce qu'avait à l'esprit le Tolkien en 1934, mais ça aurait pu être le cas si Tolkien avait écrit le Hobbit en 1954, puisque ses écrits démontrent qu'à cette époque-là il était devenu conscient des méfaits du tabac sur la population hobbite.
Il y a un malentendu : aucun hobbit n'est mort de fumer ; quand je parle de morts en comté à cause du tabagisme de Gandalf, c'est à développer.
Alors qu'a contrario, son adaptation du SdA nous semblera peut-être, avec le recul, comporter certaines naïvetés, comme ce fameux picotement des doigts de Legolas... Naïvetés qui ne sont pas forcément synonymes de défauts cinématographiques, car la scène était quand même amusante, vues les réactions du public à la première vision.
Ce fameux humour tarte à la crème tellement approprié avec ce chouia de décalage chronologique qui permet de faire la grosse fiesta alors qu'on est en plein milieu de guerre et que la rapidité est -normalement- requise pour regrouper les troupes.Chacun aura son idée de ce qui est un défaut cinématographique, je persiste à dire que c'était trop.Et l'herbe à pipe appartient fondamentalement au monde d'Arda, l'historique de la plante est connu, je reviendrais plus tard sur la mortalité spécifique des hobbits suite au conseil blanc de 2851.

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Foradan a écrit :Ce fameux humour tarte à la crème tellement approprié avec ce chouia de décalage chronologique qui permet de faire la grosse fiesta alors qu'on est en plein milieu de guerre et que la rapidité est -normalement- requise pour regrouper les troupes.
C'est cette fiesta après la victoire sur les Uruk-Hai à Helm qui est censée nous indisposer ?Voyons voir... Malgré leurs pertes, les Rohirrims échappent à un massacre général, les Uruks n'ont pas pénétré les cavernes scintillantes ni trucidé leurs femmes et enfants, la victoire est due aux retrouvailles avec Eomer, perdu de vue jusque-là, et avec ses cavaliers, Helm a finalement tenu et en prime toutes ces brutes d'Uruks ont eu la bonne idée de se faire hacher menu par une forêt furieuse, et il n'y aurait rien à fêter ?Encore une fois, si l'on veut bien ne pas se rendre à la salle obscure avec un livre posé sur les genoux, loupiotte en main en quête de passages discordants, je trouve que cette fiesta-là passe bien. Si la victoire a quelque chose de rassurant, et c'était bien le cas de celle-là, certains contextes de conflit peuvent occasionner des fêtes spontanées entre survivants : plus d'une guerre a vu des villes en liesse, ignorantes que le pire était à venir.D'ailleurs PJ montre bien qu'il ne s'agit que d'un répit : en pleine fête, Gandalf et Aragorn se préoccupent déjà de la suite des opérations tandis que Theoden refroidit la joie d'Eowyn.Gimli plastronne, tout à sa fierté d'avoir surpassé un elfe hache au poing, et il compte sur sa tenue de l'alcool pour démontrer davantage encore sa supériorité sur l'insolence elfe, tandis que Legolas, qui en a vu d'autres, se livre de bonne grâce à ce baroud gagné d'avance.Cette fête est aussi l'occasion de glisser un caméo réjouissant avec toute l'équipe de production du film, alors que le Pelennor au contraire sera plutôt l'occasion de parcourir toute la tristesse des champs de bataille.Franchement, je trouve que les moments festifs avaient bien été répartis sur l'ensemble de la trilogie n°1.Idem pour le hobbit : on ne voit pas les nains se hasarder pas à faire la fête au bivouac, mais quand ils en ont l'occasion rare, chez un hobbit ou chez des elfes, ils ne se privent pas de prendre une bouffée de bon temps.On est plutôt dans le registre des bosquets d'ivresse que dans les plaines de l'alcoolisme.____________PS - La trilogie aurait-elle dû parler davantage de l'herbe à pipe qu'elle ne l'a fait ?

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Pour la dernière phrase : oui, mais c'était beaucoup plus difficile sans montrer l'invasion de la Comté par Saroumane, on aurait vu le loisir typique des hobbits capturé par l'économie de marché et comment leur monopole a attiré sur eux l'attention des méchants (après que Saruman ait vu Gandalf fumer à un conseil blanc)

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Intéressant...Déjà, cela contribue à expliquer pourquoi le SdA-livre s'est ouvert sur l'herbe-à-pipe, et s'est clos sur le sac de la Comté. En suivant le fil wikipedia, on découvre parmi les appendices qu'au moment où le Conseil Blanc débat de l'assaut sur Dol Gultur une altercation survient entre Saroumane et Gandalf, le premier reprochant au second d'être trop absorbé dans ses vapeurs de fumée et le Gris lui répliquant que ça lui ouvre l'esprit... Très très très politiquement incorrect tout ça de nos jours : on se demande comment PJ le traitera dans DoS, mais on a déjà un éclairage sur le partage de taffes entre Gandalf et Radagast. ... Sans oublier les liens avec la tolkiénophilie galopante à l'époque de la contre-culture et de son culte du chanvre.N'oublions pas non plus que Tolkien fut un enfant nourri par le récit des guerres de l'opium.Comme quoi, ce sujet sur des volutes..

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Milieuterrien a écrit :N'oublions pas non plus que Tolkien fut un enfant nourri par le récit des guerres de l'opium.
Je demande une source.

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Pour ça Druss, tu peux te référer au lien Wikipedia et puis te plonger dans l'histoire avec sa grande hache. Tolkien est né en 1892, il avait 8 ans lorsque survint la guerre des Boxers à l'occasion de laquelle une coalition militaire internationale écrasa une insurrection des chinois baptisés 'boxers', révoltés par l'emprise occidentale croissante dans l'Empire du Milieu, et qui assiégèrent durant 55 jours à Pékin une légation occidentale, en étant soutenus à ce moment-là par l'impératrice Ci-Xi.De nombreux chinois christianisés furent massacrés par les Boxers, mais une fois Ci-Xi chassée du trône par les troupes internationales, la répression contre les Boxers fut encore plus féroce.L'opium joue un rôle dans tout ça car durant le demi-siècle qui avait précédé, il avait été le cheval de Troie de la pénétration du commerce européen en Chine, qui vivait jusque-là en autarcie. Pour dire les choses assez vite, l'opium cultivé par les britanniques dans leurs possessions indiennes était utilisé par eux comme une monnaie d'échange très fructueuse auprès des chinois captifs de son addiction, en dépit des efforts des autorités chinoises pour en interdire la consommation et le commerce, selon un processus qui n'est pas sans rappeler les ventes d'alcool aux indiens d'amérique. Les confiscations d'opium effectuées par le gouvernement chinois pour lutter contre le trafic avaient été interprétées comme des outrages par les occidentaux qui avaient lancé en rétorsion leurs navires de guerre et infligé des défaites cuisantes aux troupes impériales sous-équipées.Evidemment le jeune Tolkien n'avait pas connaissance des tenants et aboutissants de ces conflits, mais il en avait entendu parler du fait de l'actualité. Devenu plus tard à la fois fumeur et érudit, il avait forcément appris à connaître l'existence des liens pouvant exister entre la production d'une herbe psychotrope et des ressorts de guerre.A la différence du tabac, l'opium se fumait à l'aide de très longues pipes, mais ce n'est pas une 'herbe' comme le cannabis. A mon avis toutes ces analogies sont donc à mélanger pour interpréter ce que Tolkien intitulait 'herbe à pipe', qui n'est à proprement parler ni du tabac, ni du cannabis ni de l'opium mais sans doute un peu tout ça à la fois....Ce qui correspond bien aux partis-pris de l'écrivain, qui semblait apprécier tout autant d'évoquer d'assez près les sujets concrets ayant de l'importance, que de se montrer nébuleux à leur sujet afin d'éviter les interprétations trop directes.Ainsi cette opposition entre Gandalf qui fume et assume, et Saroumane qui fait mine d'ignorer et prohiber mais en réalité trafique, peut être interprétée comme un assez savoureux défi aux prises de parti.Perso, je ne fume pas, et je ne trafique pas davantage :p

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Druss a écrit :
Milieuterrien a écrit :N'oublions pas non plus que Tolkien fut un enfant nourri par le récit des guerres de l'opium.
Je demande une source.
Milieuterrien a écrit :Tolkien est né en 1892, il avait 8 ans lorsque survint la guerre des Boxers[...]Evidemment le jeune Tolkien n'avait pas connaissance des tenants et aboutissants de ces conflits, mais il en avait entendu parler du fait de l'actualité. Devenu plus tard à la fois fumeur et érudit, il avait forcément appris à connaître l'existence des liens pouvant exister entre la production d'une herbe psychotrope et des ressorts de guerre.
C'est de la source de premier ordre ça :lol:En tous cas Milieuterrien est une source inépuisable (mais de quoi exactement ?), ça c'est sûr :D