801
Moi en tant que simple lecteur quelquefois certains prix m'interpellent surtout quand je compare à ce que j'obtiens en retour chez différents éditeurs.

Par exemple pour 49€ chez Mnémos je me suis payé dernièrement l'intégrale de Gene Wolfe, un beau volume, cartonné de 1200 pages, le bel objet.

Chez Caurette le Kipling en version luxe à 39€, il est tellement beau le livre que même s'il avait été à 60€ je l'aurais pris.

Par contre c'est vrai que si je devais acheter deux Sanderson pour le même prix et obtenir des vieux semi-poches je l'aurais mauvaise...

Je vais citer un autre exemple, chez le Belial, la collection une heure lumière, des poches qui font même pas 200 pages à 10€ ce qui me semble également bien excessif...

Ou rivière blanche ou certains poches atteignent les 40€ (sans compter les frais de ports...) ...

Chez Bragelonne, le Hellraiser / Pinhead Edition qui vient de sortir à 39€... je l'ai feuilleté en librairie... la qualité du papier m'avait vraiment pas l'air super...

802
@Tyrion, je ne suis pas modérateur mais tu as une manière de répondre qui est plus que discourtoise. Je prends en exemple la première partie de ta réponse, où je trouve le ton très hautain et désagréable.


TyrionLannister a écrit:
Je connais bien ces définitions étant chef d'entreprise. C'est globalement juste avec quelques imprécisions :

-Valeur ajoutée=marge brute - somme des charges externes
-EBE=Valeur Ajoutée-taxe/impôts (autre que l'impôt sur les sociétés)-salaire des employés-charges sociales des employés-prélèvement des dirigeants-charges sociales des dirigeants
-résultats avant impôts ou ROC= EBE-dotations aux amortissements-frais bancaires/charges financières
-résultat net= ROC-impôt sur les sociétés

Tu peux te douter que la finance est mon métier, et qu'il n'est pas nécessaire de me donner un cours sur les différents éléments du compte de résultat. Maintenant, merci pour les précisions, effectivement j'ai simplifié et tiré à gros traits car ce qui nous intéresse ici n'est pas la construction de la liasse fiscale du Livre de Poche, mais plutôt de comprendre qu'il y a d'autres choses qui restent à payer, et que la marge brute ne finit pas purement et simplement dans la poche du patron de la maison d'édition.

Tu commences à faire un cours sur les comptes d'une entreprise alors je poursuis dans ta lignée.
Qu'est ce qui t'a touché ? J'imagine ma seconde phrase quand j'ai dit qu'il y avait quelques imprécisions dans tes définitions ?
Je m'excuse si j'ai touché ton amour-propre mais pour moi le débat ne se situe pas là et ton ton pédant m'aussi agacé. Surement ne t'attendais-tu pas à ce que j'ai des connaissances dans ce domaine. Mais je reconnais que je suis allé un peu loin, et le fait d'avoir été pris pour cible par d'autres membres du forum a émoussé ma patience.
Donc je m'excuse, je ne voulais pas t'offenser ni tes compétences de financier qui doivent être très bonnes j'imagine.

ces malheureux 3,86€

ce qui fait 22.7% du prix. Je préfère raisonner en relatif qu'en absolu. Ensuite, ces 22.7% sont pris à titre d'exemple et pour ma part, je reste convaincu que Le Livre de Poche a une marge supérieure.

Je pense que l'élément clé ici, c'est que l'ajustement se fait sur plusieurs points:
- le prix (un prix plus faible permettant potentiellement d'attirer un plus large public)
- le volume
- les dépenses promotionnelles permettant de booster la demande, mais ayant un impact sur la marge.

Vouloir vendre moins cher est donc un gros risque, car derrière il faut que les volumes compensent davantage! Ainsi, baisser ton prix de 1€ (donc à 16€ dans l'exemple précédent, soit-5.9%) te demande de vendre non pas +5.9% d'unités, mais +6.3% pour conserver ton même niveau de marge. Baisser ton prix de 2€ (-11.8%) te demande de vendre +13.4% d'unités. Tu fais certes plus d'économies d'échelle, mais c'est un jeu d'arbitrage et une prise de risque.

Je suis également complètement d'accord avec toi.
C'est un peu le principe de la vente dans Au Bonheur des dames de Zola.
Mais conserver ou réduire sa marge peut également entraîner un cercle vertueux et une fidélisation de la clientèle.
Chaque entreprise est libre de définir sa politique commerciale. Une autre stratégie consiste à monter sa marge sur des produits à visibilité moindre toujours dans cette perspective de fidélisation du client.

En France, il y a ici deux spécificités : 1) l'éditeur décide du prix de vente final, ce qui n'est pas le cas à l'étranger (le prix unique du livre n'étant pas en vigueur). Ainsi, la possibilité de baisser les prix en cas de mauvais positionnement initial n'existe pas, ce qui change la donne et limite les prises de risque. Il faut également que l'éditeur tienne compte des marges des différents acteurs de la chaine du livre. Au UK les commerçants sont libres de fixer le prix de vente, et tu as des aberrations totales comme ce livre-ci dont le prix a été fixé à £2.00 pendant quelques mois au mois de mai (https://www.amazon.co.uk/Last-Kingdom-B … d=&sr= , tu peux installer Keepa pour regarder les prix antérieurs sur les pages du site). Le prix de vente du livre sur le marché anglophone n'est donc pas un critère pour l'éditeur, car celui-ci se contente de déterminer le prix auquel il vend son produit aux retailers. Ce qui est plus pertinent serait le RRP, mais étant donné la concurrence âpre sur le marché anglophone, et la capacité d'Amazon a price matcher les prix de la concurrence, ce RRP est vite oublié, particulièrement sur les sites de ecommerce. La différence de prix entre le même livre chez Waterstones et Amazon est souvent assez frappante (et montre bien tout l'intérêt de la loi sur le prix unique du livre pour la survie des librairies). 2) Le marché du livre est beaucoup moins important. Tu cites le marché du livre britannique comme étant comparable, mais c'est une vision rapidement faussée car il y a beaucoup de personnes qui peuvent lire en anglais hors du UK, et un éditeur comme HarperCollins dispose de nombreux débouchés à l'étranger! Et avec Amazon / BookDepository etc, il devient de plus en plus facile d'obtenir des livres en langue étrangère à prix attractif.

Oui c'est vrai que le marché du livre britannique est plus étendu que le marché français même si la francophonie ne s'arrête pas aux frontières de la France. En revanche, même s'il y a des aberrations totales et des disparités de prix plus importantes au UK, les livres de Sanderson et en particulier Stormlight Archive ont un prix très stables avec peu de variabilités. Je n'ai jamais vu un livre de la saga Stormlight Arhive se vendre à 4-5$ au moment de sa sortie (en version papier).



Sur la différence de coûts variables entre la VO et la VF, nous sommes bien d'accord qu'il faut ajouter 1) traduction / correction 2) droits, mais il y a également 3) le surplus de papier / encre car un livre en français est systématiquement plus épais (d'où la difficulté de réunir en un seul volume certains livres, c'est agréable sur l'étagère mais des fois le confort de lecture en pâtit).

Pour ton troisième point, il est vrai que la VF implique un nombre accru de mots et donc de pages. Mais tu sais comment l'éditeur a pallier à ce surcoût ? C'est simple il a publié un format semi-poche qui n'a rien à voir avec la version grand format VO, et même la qualité du papier est meilleure en VO je trouve.


Délocaliser en Inde les relectures / corrections / maquettes serait logique et permettrait 'd'économiser' beaucoup. Une boite typiquement franco-française n'est généralement pas dans une logique d'externalisation de fonctions comme celles-ci à l'étranger. Si quelqu'un dans le milieu a des éléments à apporter je serai ravi d'en apprendre plus

Moi aussi ça m'intéresserait d'en savoir plus à ce sujet là.
Question bête du coup : qu'est ce qui empêche la France de délocaliser les fonctions elle aussi ? En Afrique de l'Ouest par exemple?

Le 'coût' d'un emploi au UK est environ 1/3 plus faible qu'en France, principalement du fait des charges salariales.

Tu parles uniquement des charges salariales, j'imagine ? Parce que les salaires sont supérieurs à ceux de la France d'environ 17-20%.

Concernant les autres dépenses citées (assurances, internet, téléphonie, frais bancaires, expertise comptable) je me fie à ce que je vois au quotidien, et ce n'est selon moi pas plus cher à l'étranger qu'en France, sauf sur certains territoires très spécifiques (Luxembourg, Suisse notamment

Je ne connais pas bien le cas du Bénélux ou de la Suisse. Mais j'ai vécu en Amérique pour mes études et je te garantis que les autres frais concernant les charges externes sont bien supérieurs aux USA qu'en France.
Pour internet, je payais dans les 90€ (et en plus pour une connexion moyenne),idem pour la téléphonie, assurances, expertise comptable...)

803
Moi en tant que simple lecteur quelquefois certains prix m'interpellent surtout quand je compare à ce que j'obtiens en retour chez différents éditeurs.

Par exemple pour 49€ chez Mnémos je me suis payé dernièrement l'intégrale de Gene Wolfe, un beau volume, cartonné de 1200 pages, le bel objet.

Chez Caurette le Kipling en version luxe à 39€, il est tellement beau le livre que même s'il avait été à 60€ je l'aurais pris.

Par contre c'est vrai que si je devais acheter deux Sanderson pour le même prix et obtenir des vieux semi-poches je l'aurais mauvaise...

Je vais citer un autre exemple, chez le Belial, la collection une heure lumière, des poches qui font même pas 200 pages à 10€ ce qui me semble également bien excessif...

Ou rivière blanche ou certains poches atteignent les 40€ (sans compter les frais de ports...) ...

Chez Bragelonne, le Hellraiser / Pinhead Edition qui vient de sortir à 39€... je l'ai feuilleté en librairie... la qualité du papier m'avait vraiment pas l'air super...

Tu as parfaitement raison. La qualité de la VO est bien meilleure que les semi-poches vendus à 50€. De toute façon, je n'achète pas en VF.

804
TyrionLannister a écrit :Tu commences à faire un cours sur les comptes d'une entreprise alors je poursuis dans ta lignée.

Je n'étais pas sarcastique et pas du tout dans l'objectif de faire un cours, loin de là. C'est juste que depuis le début de ce débat tu n'utilises que le mot marge, en faisant référence à la marge brute. Je trouve que c'est un mauvais indicateur car au final, la seule 'marge' qui importe, c'est ton RN.

TyrionLannister a écrit :Qu'est ce qui t'a touché ? J'imagine ma seconde phrase quand j'ai dit qu'il y avait quelques imprécisions dans tes définitions ? Je m'excuse si j'ai touché ton amour-propre mais pour moi le débat ne se situe pas là et ton ton pédant m'aussi agacé. Surement ne t'attendais-tu pas à ce que j'ai des connaissances dans ce domaine. Mais je reconnais que je suis allé un peu loin, et le fait d'avoir été pris pour cible par d'autres membres du forum a émoussé ma patience.
Donc je m'excuse, je ne voulais pas t'offenser ni tes compétences de financier qui doivent être très bonnes j'imagine.

... Aie. Honnêtement, les passages soulignés sont pas hyper sympathiques à lire. Je pensais juste bien faire au début, en pensant qu'il y avait une confusion entre marges et profits, c'est tout. La plupart de tes réponses précédentes sont du même acabit (assez sarcastiques lorsqu'on les lit), et peuvent créer des tensions facilement évitées en tournant les réponses différemment.


TyrionLannister a écrit :Je préfère raisonner en relatif qu'en absolu.

Je ne pense pas que ce soit possible ici, car encore une fois il y a ces frais fixes derrière. Ton prix influence ta marge en %, mais potentiellement le volume également. Je partirai plutôt du montant de marge souhaité (que tu peux effectivement transcrire de manière relative, mais dans la construction de prévisionnel ça me semble préférable d'avoir un montant pour être sûr que ça couvre le reste), puis faire varier le prix pour obtenir un prix / volume cohérent avec mes objectifs et contraintes.

TyrionLannister a écrit :Ensuite, ces 22.7% sont pris à titre d'exemple et pour ma part, je reste convaincu que Le Livre de Poche a une marge supérieure.

Pour le coup, c'est une pure spéculation de ta part, et je serai bien en peine de dire s'ils sont au-dessous ou en-dessous. D'autres messages ont avancé que 1) les droits de Sanderson sont considérablement plus élevés 2) la traduction conséquente entraine des frais supérieurs. Il est vrai que la séparation en deux tomes permet de mieux amortir les coûts, mais je suis loin d'être certain que la marge s'en retrouve considérablement meilleure. Il me semble que Gilles Dumay avait pris un exemple dans les pages précédentes de ce sujet.
Mais encore une fois, la marge brute n'est pas aussi pertinente que le résultat net pour voir si le prix est trop cher ou non.

TyrionLannister a écrit :Mais conserver ou réduire sa marge peut également entraîner un cercle vertueux et une fidélisation de la clientèle.
Chaque entreprise est libre de définir sa politique commerciale. Une autre stratégie consiste à monter sa marge sur des produits à visibilité moindre toujours dans cette perspective de fidélisation du client.

Intéressant la notion de fidélisation du lectorat, si des études existent sur la fidélisation d'un lecteur à une maison d'édition je suis preneur. Je pense que les éditeurs voulant proposer des choses différentes (en constituant une gamme plus ou moins éclectique) aux lecteurs, il n'y a pas forcément une grande fidélisation (à l'exception des sagas au long court). J'aurai plutôt l'impression que les lecteurs choisissent l'oeuvre parce que ça leur parle ? Je suis curieux encore une fois, si quelqu'un a des éléments ça m'intéresse, mais je n'ai jamais entendu quelqu'un me dire qu'il achetait toutes les nouveautés d'une maison spécifique.

TyrionLannister a écrit :Oui c'est vrai que le marché du livre britannique est plus étendu que le marché français même si la francophonie ne s'arrête pas aux frontières de la France. En revanche, même s'il y a des aberrations totales et des disparités de prix plus importantes au UK, les livres de Sanderson et en particulier Stormlight Archive ont un prix très stables avec peu de variabilités. Je n'ai jamais vu un livre de la saga Stormlight Arhive se vendre à 4-5$ au moment de sa sortie (en version papier).

Mais du coup, si tu compares en pourcentage du prix de vente, est-ce que tu penses que l'éditeur au UK touche une vingtaine de % de ce prix ? Tu disais 28€ il me semble, mais je ne sais ni où ni pour quel ouvrage.
Car effectivement les livres sont très bien margés chez les retailers en France, mais surtout pour les énormes enseignes (Fnac / Cultura / Amazon) du fait du prix unique du livre (hors coûts de livraison). Pour les petites structures qui n'ont pas les moyens de négocier sur les coûts d'achat (car manque de volume et pas de réseau logistique pour prendre en charge les acheminements en bulk), la marge permet d'être rentable mais c'est pas la folie non plus.
Au UK, je soupçonne que la marge des retailers est moindre, ce qui te permet d'avoir des prix aussi attractifs (avec sur le ecommerce une concurrence très forte entre Amazon, WHSmith, Tesco etc etc). Par contre, les boutiques physiques (telles que Waterstones, comparable à Fnac), sont très loin d'avoir les mêmes prix. Comme tu le mentionnais avant, ils sont libres de leur politique tarifaire, mais je suis certain qu'il y a aussi une plus grande difficulté à baisser les prix lorsqu'on a un gros réseau physique à faire tourner.

TyrionLannister a écrit :Tu parles uniquement des charges salariales, j'imagine ? Parce que les salaires sont supérieurs à ceux de la France d'environ 17-20%.

Non, du coût annuel d'un emploi sur un poste à plein temps, en incluant uniquement les avantages financiers direct. C'est particulièrement valable pour les postes types manutentionnaire (écart de près de 40%), et tend à se réduire pour les postes intermédiaires. Sur les profils cadre, difficile à dire car trop peu d'effectifs et des situations disparates (ancienneté, séniorité, ...). Les charges sont très très faibles au UK, et le salaire minimal ne diffère pas de la France.

TyrionLannister a écrit :Je ne connais pas bien le cas du Bénélux ou de la Suisse. Mais j'ai vécu en Amérique pour mes études et je te garantis que les autres frais concernant les charges externes sont bien supérieurs aux USA qu'en France.
Pour internet, je payais dans les 90€ (et en plus pour une connexion moyenne),idem pour la téléphonie, assurances, expertise comptable...)

Pour un particulier complètement d'accord. Mais on parle d'une entreprise et de ses charges, et là je suis certain qu'il n'y a pas de surcoût particulier.


Maintenant je voulais juste te poser la question, quel serait un prix correct pour toi ? En gardant à l'esprit que:
1) très peu de livres grands formats classiques (qui ne sont pas des éditions collector) dépassent les 25€,
2) Le livre de poche est une grosse maison d'édition, et a donc des frais plus important,
3) Les marges des intermédiaires doivent être suffisantes pour assurer leur rentabilité (notamment les petites librairies),
4) Tu as un sacré pavé à traduire, sur un auteur assez bancable dont les droits coûtent cher, et une traduction conséquente
5) Le livre de poche fait une nouveauté en format poche, et il n'y aura donc pas de réédition poche pour ce livre si je ne dis pas de bêtises, donc pas de partage des frais si le livre marchait bien.

Honnêtement, pour le coup ça me semble compliqué de ne pas séparer en deux tomes pour que le prix reste supportable pour les consommateurs, et les coûts doivent grimper vite avec un auteur connu comme Sanderson, et une maison d'édition assez grosse aux manettes (et donc, avec des impératifs de marges plus élevés pour supporter les charges). Si tu arrives à me faire une simulation où tout passe pour un prix beaucoup moins cher, je peux t'envoyer le prochain Sanderson (en VF ou en VO, au choix) :)

805
Je viens de lire vos messages à tous les deux TyrionLannister et Tinou, waouh :o
Je trouve ça super intéressant d'avoir les points de vue de chacun.

Quelques petits points qui m'ont fait réagir :

TyrionLannister a écrit :Mais pour moi là n'est pas le débat. Je m'explique. Quand on fixe un prix d'un objet ou d'un service, on prend déjà en compte tous ces paramètres afin de calculer un prix pour être rentable et marger. La marge brute est donc définie à ce moment là. C'est de cette manière qu'on peut établir un compte de résultat prévisionnel et calculer d'autres éléments comme le solde intermédiaire de gestion ou encore le seuil de rentabilité économique.

Gilles Dumay avait fait un retour très intéressant sur ce point sur ce sujet (ou un autre, je ne sais plus), indiquant que pour 4 000 ex. vendus, le coût du livre avec tous les frais était de 44€. Mais qu'il était impossible de le vendre ce prix, et donc que le prix de vente était fixé à 28-29euros en espérant en vendre plus pour rentrer dans ses frais (Gilles, si tu passes par là, merci de me corriger si j'ai mal compris quelque chose).
Le livre vendu à l'unité n'est donc pas rentable de base, en intégrant les frais de traduction et d'achat des droits, à moins de vendre beaucoup d'unités. C'est pour moi une spécificité au monde de l'édition, car il est généralement interdit de vendre un produit à perte.

Dans cette logique, un éditeur risque de faire des pertes sur la vente d'un ou plusieurs ouvrages, et ce sont les ventes d'autres livres "locomotives" qui vont compenser pour avoir un CR positif au global.
Sanderson est ce type de locomotive ; un auteur connu, avec une belle productivité d'ouvrages à l'année (contrairement à certains autres, qui sont à un livre par décennie. Mais je m'égare). Il est donc possible que l'éditeur "gonfle" un peu son prix par rapport à ses frais, pour que cette locomotive compense d'autres ouvrages se vendant moins bien. Et encore, en disant ça, je pense à un ou deux euros, pas plus.


Je n'avais pas envisagé l'impact de la Loi sur le Prix Unique du livre, mais il doit être vraiment présent. Et important. Fixer le prix de vente d'un ouvrage dans toutes les librairies, quelque soit leur taille, implique donc que l'éditeur doit anticiper les marges nécessaires aux libraires pour que ces derniers acceptent de vendre son livre, tout en tenant compte de ses propres frais (et de sa marge). C'est un beau tour de force, qui me donne un peu le tournis, en étant pas du milieu.

Tinou a écrit :
TyrionLannister a écrit :Mais conserver ou réduire sa marge peut également entraîner un cercle vertueux et une fidélisation de la clientèle.
Chaque entreprise est libre de définir sa politique commerciale. Une autre stratégie consiste à monter sa marge sur des produits à visibilité moindre toujours dans cette perspective de fidélisation du client.

Intéressant la notion de fidélisation du lectorat, si des études existent sur la fidélisation d'un lecteur à une maison d'édition je suis preneur. Je pense que les éditeurs voulant proposer des choses différentes (en constituant une gamme plus ou moins éclectique) aux lecteurs, il n'y a pas forcément une grande fidélisation (à l'exception des sagas au long court). J'aurai plutôt l'impression que les lecteurs choisissent l'oeuvre parce que ça leur parle ? Je suis curieux encore une fois, si quelqu'un a des éléments ça m'intéresse, mais je n'ai jamais entendu quelqu'un me dire qu'il achetait toutes les nouveautés d'une maison spécifique.

Là je me sens un peu à part :P Sans acheter toutes les nouveautés d'une maison d'édition en particulier, je vais regarder plus spécifiquement ce qui sort chez un ou deux ME, dont le catalogue me plait particulièrement, ou dont j'apprécie le travail (AMI, Leha, Mnemos principalement). Je pars avec un à-priori très positif ce les ouvrages qu'ils proposent, et j'aurais tendance à acheter en cas d'hésitation.
Au contraire, je n'achète plus aucun Bragelonne... Le scandale de milieu d'année n'a pas aidé, mais surtout je n'apprécie pas le type de livre qu'ils proposent. Quasi aucun ne m'attire maintenant :(

La fidélisation ne vient pour moi pas du prix d'un ouvrage. Je suis prête à mettre un peu plus lorsqu'il s'agit d'une traduction complexe (comme Anatem) ou d'une série attendue depuis très longtemps en France (coucou le Livre des Martyrs). Ce qui peut être freinant, ce sera plutôt les découpes à excès d'une œuvre qui ne le nécessite pas. Je pense ici au découpage des livres de Robin Hobb par exemple. La VO va primer.
"Libre à vous d'aller lire autre chose de plus franc du collier" La Cité de soie et d'Acier, de Mike, Louise et Linda Carey

"Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents" La Horde du contrevent, Alain Damasio

806
C'est une bonne idée que chacun s'interroge :
Pour 10€, je m'attends à avoir quel type de livre.
Idem pour 15, 20, 25, 30, 40 et 50€.
En volume, qualité de papier et d'encres, illustrations, travail sur le texte, rapidité, exclusivité...

807
Merci pour ces échanges très intéressants !

Tinou a écrit :Maintenant je voulais juste te poser la question, quel serait un prix correct pour toi ? En gardant à l'esprit que:
1) très peu de livres grands formats classiques (qui ne sont pas des éditions collector) dépassent les 25€,
2) Le livre de poche est une grosse maison d'édition, et a donc des frais plus important,
3) Les marges des intermédiaires doivent être suffisantes pour assurer leur rentabilité (notamment les petites librairies),
4) Tu as un sacré pavé à traduire, sur un auteur assez bancable dont les droits coûtent cher, et une traduction conséquente
5) Le livre de poche fait une nouveauté en format poche, et il n'y aura donc pas de réédition poche pour ce livre si je ne dis pas de bêtises, donc pas de partage des frais si le livre marchait bien.

Je voulais rajouter un élément par rapport à la question du choix du prix. Tout le monde au Livre de Poche sait très bien que les livres de Sanderson sont très attendus, et la série de Roshar en particulier. On sait aussi très bien qu'il y a un risque que les lecteurs se reportent sur la VO s'ils attendent trop longtemps ou s'ils sont insatisfaits de la VF, ce qui n'est dans l'intérêt de personne. C'est un facteur qu'on prend toujours en compte au moment de fixer le délai de traduction : trouver le meilleur équilibre pour sortir les livres le plus tôt possible sans pour autant bâcler le travail. Je ne peux que supposer que la même réflexion est à l'œuvre au moment de fixer les prix. Les livres de Sanderson ne sont vraiment pas traités par-dessus la jambe au Livre de Poche, tout est très réfléchi, et ils sont parfaitement conscients qu'un prix trop élevé risque de faire fuir des lecteurs. Donc, si le prix est élevé, il y a forcément des raisons derrière autres que la simple volonté de s'en mettre plein les poches.

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Ajoutons à ça l'érosion des ventes, un phénomène systématique sur les séries (et très documenté sur les mangas, notamment). Chaque tome vend moins que son précédent, que ton public soit fidèle ou non, c'est mécanique. La seule question, c'est quel sera ton pourcentage d'érosion des ventes.

Pour autant, je doute que le prix des droits décroisse au fur et à mesure des volumes (ou alors des négociations compliquées entrent en jeu, comme avec certaines séries mangas qui se retrouvent ensuite en hiatus pour plusieurs années). Encore un paramètre à prendre en compte quand on fixe un prix.

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EdenA a écrit :Pour autant, je doute que le prix des droits décroisse au fur et à mesure des volumes (ou alors des négociations compliquées entrent en jeu, comme avec certaines séries mangas qui se retrouvent ensuite en hiatus pour plusieurs années). Encore un paramètre à prendre en compte quand on fixe un prix.

Il avait aussi une pratique des maisons d'éditions Japonaise à vendre les droits par paquet, ce qui revenait surtout à "obliger" un éditeur Français à acheter les droits de plusieurs séries en plus de celle qui l'intéresse vraiment. Tonkam avait été obligé de faire cela dans les années 90's/2000's.

C'est comme cela que j'ai compris pourquoi certaine série avaient été proposés et pas super suivi en terme de re-édtion comme Stratège.

Je sais plus si c'est toujours le cas mais je suspecte la pratique vu la gueule de certain line-up.

810
S'ren a écrit :Je viens de lire vos messages à tous les deux TyrionLannister et Tinou, waouh :o

En effet, je suis dépassé niveau économie. Mais c'est très intéressant. Pour le cas de Sanderson, en effet, la non-revente possible en poche doit surement jouer dans le prix plus élevé des Archives de Roshar. Mais comme je le disais plus haut, n'ayant pas tous les éléments précis en main, impossible de dire si l'éditeur vend trop cher ou pas.

Après, perso, j'achète peu (je lis bcp des livres de la médiathèque, forcément, c'est mon travail) et uniquement des coups de cœur, des auteurs que j'aime mais oui, au-delà de 25 euros, je commence à tiquer un peu.
Ma dernière folie remonte aux derniers feux du soleil de Kay : 27,90 € pour là aussi un format semi-poche est pas une grosse couverture rigide, c'est vraiment parce que je voulais un Kay dans ma biblio et que l'illustration était absolument à tomber.

En général, je reste sur des bouquins à moins de 25 euros ou des éditions intégrales "qui valent le coup (ou le coût)". Ou le poche. Par exemple, Rois du Monde de Jaworski, j'ai pris les poches, je préfère attendre un peu mais pouvoir acheter plus de bouquins. Je pense que je ferais pareil avec les Sentiers des Astres si je les achète.
Mon prochain cas de conscience, c'est la Roue du temps. Deux poches ou un grand format ? Pour une différence de prix pas si énorme ? Sachant qu'en plus, je préfère les couvs poche. J’hésite quand même...
Expert ès calamités
"Nous adorons tous les histoires. Nous vivons pour elles" Comme un diamant dans ma mémoire GG Kay

811
pour la roue du temps, sur le cycle de base de Bragelonne, certains Tomes tu monte à 30€.
Mais généralement, se sont des pavés de 1000 pages, donc ça ne me choque pas.

Mais c'est vrai que si tu achètes tout en grand format, ça fait vite un budget conséquent.

812
Quand on parlait du prix du papier qui continue de monter...
Ce ne sont clairement pas les seuls du côté de L'Homme sans nom, évidemment.

Nous avons une bonne et une mauvaise nouvelle. Parce que la proximité fait partie de notre ADN de maison d’édition indépendante, nous voulons être honnêtes avec vous.
Comme vous le savez peut-être, le prix du papier a augmenté de + de 30 % cette année. Avec lui, le coût de la vie en général a explosé. Malgré ça, nous continuons de vous proposer des romans exigeants, avec une fabrication et un travail éditorial hautement qualitatifs.
Dernièrement nous avons lancé Le Chant des géants de David Bry en format prestige, relié, avec un signet en tissu, ou encore Journal intime d’un Dieu omniscient d'Adrien Mangold en broché avec un travail sur la maquette dont nous sommes particulièrement fiers, et ce avec des niveaux de prix très abordables. Mais pour garder la maison à flots, nous sommes obligés d’augmenter nos prix. Il ne s’agit pas de nous en mettre plein les poches, mais de garantir l’équilibre de notre structure et la bonne rémunération de notre équipe.
Le prix du livre n’a quasiment pas bougé en vingt ans, et ce malgré une inflation de 67.6% entre 1995 et 2022 dans la zone euro. Cela signifie qu’un livre vendu à 20€ en 1995 (en francs reportés en euros) devrait aujourd’hui se vendre à plus de 33€ ! (source : https://www.inflationtool.com/).
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Que nos prix vont augmenter pour certains titres. Pas sur nos nouveautés, ne vous en faites pas, mais à partir du 1er juillet, hors reliés qui resteront à 24.90€, la plupart des romans de notre catalogue vont connaître une hausse des prix et passer à 21.90€, sur notre site, comme en librairie. Nous aimerions qu’il en soit autrement, mais c’est notre seule option pour pouvoir continuer à vous proposer des romans avec ce niveau de qualité.
La bonne nouvelle dans tout ça ? Plutôt qu’attendre tranquillement la hausse des prix, nous préférons vous prévenir que vous avez 10 jours pour profiter de nos prix actuels avant la revue de nos tarifs. Si jamais vous aviez des romans HSN dans votre wishlist, c’est le moment de vous faire plaisir ! ????
Nous espérons que vous comprendrez notre démarche et vous remercions pour tout le soutien que vous êtes nombreux et nombreuses à nous témoigner depuis maintenant 12 ans !
L’équipe HSN.

813
Logique (c'est même pire pour la presse : "La tonne de papier journal, qui s’achetait 503 € en juillet 2021, atteint aujourd’hui plus de 800 €, selon les estimations de l’Alliance de la presse d’information générale" https://c.leprogres.fr/economie/2022/06/23/pq-mouchoirs-journaux-fournitures-scolaires-pourquoi-le-prix-du-papier-flambe).
Je pense que c'est que le début que ça soit côté presse ou édition. Et avec l'augmentation du prix des carburants (donc de tout), la tendance va s'accentuer.
Il y a des éditeurs de mangas qui ont déjà augmenté leurs tarifs je croix...
Expert ès calamités
"Nous adorons tous les histoires. Nous vivons pour elles" Comme un diamant dans ma mémoire GG Kay

814
J'étais en réunion budget 2023 ce lundi et il en ressort que le prix unitaire de chaque livre va être augmenté de 2 euros environ.
En ce qui me concerne, ça veut dire qu'au-dessus de 400 pages, ça va devenir très très compliqué de trouver un prix de vente acceptable (moins de 25 euros).
Une des solutions que j'avais envisagées c'était d'augmenter la qualité de fabrication des livres : reliés, etc. Mais les devis sont délirants tout comme les délais de fabrication (6 mois). Et il faudrait que je vende ces reliés dans les 36 euros.

We are living interesting times...

815
Très intéressant ce topic, je suis étonné que personne n'es parlé de l'impression à l'étranger face à l'impression en France.
Quand j'ouvre les livres sur un stand, je regarde toujours ou il a été imprimé.
Imprimer à l'étranger permet à certain éditeur de proposer des reliés au prix que d'autre éditeurs font pour du broché imprimé en France.

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L'impression à l'étranger (en Chine notamment) est peut-être moins cher, mais c'est sans compter l'augmentation du prix des containers en provenance d'Asie qui a été multiplié par 4 en 2021.
La crise du papier est la même partout, et les délais d'impression sont tout aussi hallucinants (6 mois selon la période + temps de trajet - info qui date de décembre dernier donc à réactualiser, sans doute), voire plus car tout le monde cherche des solutions de traverse.

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Intéressant lien, Goldberry. Le fait que le papier soit essentiellement importé et non produit en France indique en tout cas une bonne raison d'imprimer à l'étranger, près des zones de production dudit papier, étant donné que cette matière est légère et qu'une tonne de papier est volumineuse, et donc d'autant plus coûteuse, à transporter.

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papier, étant donné que cette matière est légère et qu'une tonne de papier est volumineuse, et donc d'autant plus coûteuse, à transporter.

:D
Tu n'as pas du demménager souvent et te charger des cartons de livres ou aller chercher des cartons de ramettes pour la photocopieuse :sifflote: