Procrastination saison 8

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De retour le 15 septembre !

Lionel Davoust a écrit :
801, 15 septembre – La gestion d’une librairie indépendante, avec Éric Marcelin
802, 1e octobre – Écrire le sentiment et l’émotion
803, 15 octobre – De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments
804, 1e novembre – Faire la chronologie d’un récit
805, 15 novembre – Suite de la conversation avec Éric Marcelin, sur le métier de libraire
806, 1e décembre – Briser les codes
807, 15 décembre – Écrire la fin
808, 2 janvier – Écrire sous deadline

810 (1e février) et 815 (15 avril) – Suite de la conversation avec Éric Marcelin, sur l’édition indépendante, le choix et le retravail des manuscrits

819 (15 juin) – Suite et fin de la conversation avec Éric Marcelin, sur l’édition jeunesse et la BD

Re: Procrastination saison 8

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Un beau programme. Dans ce qui apparaît pour le moment, j’attends surtout les interventions d’Éric Marcelin. Dommage que ce qui concernera l’édition ne vienne qu’en janvier et avril (mais les problématiques liées au métier de libraire, c’est bien aussi). ;)

J’ai lu sur le blog de Lionel :
« Et cette année, nous aurons l’honneur et le plaisir de recevoir Éric Marcelin, directeur de Critic – maison d’édition indépendante majeure dans le paysage de l’imaginaire, et deux librairies spécialisées implantées à Rennes. Nous parlerons évidemment des coulisses de l’édition, mais ce sera l’occasion aussi de discuter de librairie, un domaine souvent mal connu des auteurs jeunes et moins jeunes. Mille mercis à Éric de nous avoir accordé un long entretien qui formera le fil rouge de cette saison ! »

J’en déduis que l’ensemble des interventions de monsieur Marcelin a déjà été enregistré avant la fin juillet. Nous ne connaîtrons donc pas son opinion sur la récente fermeture d’ActuSF et les difficultés qui semblent toucher de plus en plus d’acteurs de l’imaginaire.

Je ne parle même pas des auteurs en quête de lecture de leurs manuscrits, de l’étrange AT d’ActuSF (qui s’explique mieux maintenant) et donc de la nouvelle approche "thématique" adoptée par beaucoup d’éditeurs, des faux espoirs suscités par Mnémos et dont on a eu l’explication "officielle" dans les discutions entamées cet été principalement avec Tybalt et Gillossen sur le fil de la saison 7 (où il est question d’autres éditeurs dont Critic…).

Je crains qu’un avis de l'été 2023 délivré au premier ou deuxième trimestre 2024 n’apparaisse un peu "décalé" après tous les chamboulements récents.

Mais bon, rien n’interdit un petit réajustement. Quant au programme qui n’apparaît pas encore, j’espère qu’il nous réservera de belles surprises. :D

Re: Procrastination saison 8

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Bonjour à tous et merci pour ce podcast très intéressant !
J'ai une question à soumettre au forum et éventuellement à l'équipe du podcast.
J'ai commencé la rédaction d'un manuscrit plutôt ambitieux depuis plusieurs années et je suis loin d'avoir fini. J'avance à mon rythme, petit à petit, sans pression même si je serai content quand il sera au stade où il pourra être soumis à des bêta lecteurs. J'ai aussi plusieurs idées pour d'autres livres, moins ambitieux et qui pourraient donc se terminer plus vite.
Un ami, qui a déjà été publié, me conseille de partir sur ce type de projet - plus léger - pour le moment parce que c'est plus adapté à un débutant et parce qu'il a appris énormément de ses allers retours avec son éditeurs pour son premier livre. Cela lui a également permis d'avancer plus vite par la suite et d'éviter de nombreux écueils d'écriture.
Qu'en pensez-vous ?

Re: Procrastination saison 8

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Gillossen a écrit : mar. 5 sept. 2023 13:56 De retour le 15 septembre !

Lionel Davoust a écrit :
801, 15 septembre – La gestion d’une librairie indépendante, avec Éric Marcelin
802, 1e octobre – Écrire le sentiment et l’émotion
803, 15 octobre – De beaux sentiments sans tomber dans les bons sentiments
804, 1e novembre – Faire la chronologie d’un récit
805, 15 novembre – Suite de la conversation avec Éric Marcelin, sur le métier de libraire
806, 1e décembre – Briser les codes
807, 15 décembre – Écrire la fin
808, 2 janvier – Écrire sous deadline

810 (1e février) et 815 (15 avril) – Suite de la conversation avec Éric Marcelin, sur l’édition indépendante, le choix et le retravail des manuscrits

819 (15 juin) – Suite et fin de la conversation avec Éric Marcelin, sur l’édition jeunesse et la BD
Bonjour, j'ai suivi la grande majorité des podcasts (que je viens de découvrir avec bonheur), mais je n'ai rien entendu sur le thème des recherches documentaires. Où aller chercher ses sources ? Merci pour tout. PatG

Re: Procrastination saison 8

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Salut tout le monde et merci de continuer l'aventure avec nous encore 😃

Réponses en mode rapide fire :

@Kik – le but de Procrastination a toujours été de proposer des épisodes de fond pouvant tenir au maximum dans la durée, donc assez peu liés à l'actualité (même si tout vieillit, mes chers amis, sauf moi, ou alors seulement en bien). Cependant, je pense que tu trouveras dans ces épisodes des éléments de réponse, car Éric parle des défis et contraintes structurelles de ses métiers.

@Get – hélas, c'est impossible de d'être prescriptif sur ce genre question, la décision est éminemment personnelle, dépendant de ton aisance et de tes projets. Je te recommande dans un premier temps de jeter une oreille à l'épisode 719 (avoir une stratégie d'auteur) qui pourrait nourrir ta réflexion !

@PatG – là aussi, le sujet est très vaste. Des sources sur quoi, comment… Cela concerne davantage la discipline de la recherche documentaire que l'écriture, en fait. Mais on pourrait peut-être avoir deux ou trois choses à dire sur le sujet, je le note dans un coin. Cependant, ne vous attendez pas, je crois, à une méthode clé en main là-dessus.

Re: Procrastination saison 8

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Épisode fort intéressant (comme le précédent d’ailleurs). Oui, je pense qu’on peut encore présenter des personnages intègres sans qu’ils se fassent systématiquement dézinguer aux trois quarts de l’histoire. :lol: Et qu’on peut montrer des sentiments positifs, voire nobles au milieu d’un contexte difficile. Vous avez tous trois insisté sur la notion de contraste. C’est exactement cela. Avec une large palette de personnages, c’est aussi plus facile que dans un roman intimiste.

Re: Procrastination saison 8

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Merci pour cet épisode, empli d'idées pour penser la narration hors des sentiers battus.
Quelques pistes de réflexion en vrac.

N'y a-t-il pas un vrai obstacle intellectuel dans notre culture à penser dans la fiction des relations entre personnages basées sur des sentiments positifs ? Le conflit est considéré dans la narration canonique comme le moteur de l'intrigue.
Je le vois dans la pratique du théâtre d'improvisation où les comédiens débutants projettent spontanément leur manière d'envisager une histoire,. Il est très difficile de les amener vers une narration sans relation de domination entre personnages. Ils ont peur "qu'il ne se passe rien". Pourtant j'ai pu jouer récemment une scène sans conflit entre protagonistes, l'un se contentant de prendre conscience du désespoir de l'autre et de l'amener délicatement, par petites touches, à s'ouvrir et entamer une renaissance. L'intrigue fonctionnait car il y avait un véritable enjeu - une guérison - et que les personnages prenaient le risque de grandir l'un par l'autre.

Peut-être que le conflit le plus intéressant est le conflit interne, celui qui confronte le personnage à ses propres manques, à la nécessité d'exprimer ses sentiments, d'accepter de renoncer à un comportement malsain.
Dans le roman d'Harper Lee évoqué par Mélanie Fazi, Atticus Finch paraît progressiste, animé de bons sentiments - et il l'est objectivement et sans mièvrerie - mais l'art de l'auteur est aussi de marquer, par petites touches, ses aveuglements, en l'occurrence un mépris de classe à l'égard des petits blancs. Ce n'est pas un saint mais un homme qui s'efforce d'être juste,

Pourquoi éviter les bons sentiments ? Une oeuvre peut aussi porter un message moral. L'essentiel est d'éviter le didactisme et de laisser de la place à l'exposition de la pluralité des points de vue, de marquer des ambiguïtés morales. La littérature nous permet aussi, par l'empathie, de faire un chemin moral avec les personnages. Rien de pire peut-être que certains ouvrages contemporains qui délivrent une vérité sans laisser le lecteur suivre son propre travail de réflexion.

Dans le roman de Guy Gavriel Kay "Les lions d'Al-Rassan" les deux personnages principaux sont deux incarnations de la noblesse morale, qui se portent une admiration mutuelle, mais pris dans la mécanique de l'histoire. Nous partageons les valeurs de ces personnages. La tragédie naît du fait que chacun, pour de justes motifs, s'engagera dans un inévitable conflit avec son ami, qui ne pourra aboutir qu'à une douloureuse perte. C'est le coeur d'une tragédie : deux légitimités aussi fortes qui s'affrontent, des bons sentiments inconciliables.

Re: Procrastination saison 8

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Je partage tout à fait ces méditations sur le rôle central du conflit dans la narration et ce que ça reflète, peut-être, des curiosités de l'espèce humaine. Je n'ai pas de réponse intelligente à apporter, à part qu'on donne trop souvent une définition réductrice du conflit (qui est un frottement au sens large davantage qu'un affrontement). Mais c'est quand même un peu esquiver la question qu'agrandir la réponse, j'en ai tout à fait conscience.

Sur le conflit intérieur, c'est à mon sens un énorme piège: c'est un moteur d'intrigue, mais pas une dramatisation. Trop souvent à mon sens, le conflit intérieur donne lieu à des pages d'intériorisation déracinées de toute narration, ce qui, à moins d'être spécialement génial ou de vivre au XIXe siècle, n'est plus satisfaisant pour le lectorat actuel, parce que… heu… on s'écoute écrire et le lecteur s'impatiente, "parce qu'il ne se passe rien".

Les conflits intérieurs ne sont jamais aussi efficaces (et peuvent alors exprimer tout leur potentiel dramatique) que quand ils sont mis en scène. Jean-Eudes a le vertige, ce qui est un conflit intérieur, mais ça ne génère rien. En revanche, s'il doit concourir dans un championnat de deltaplane pour sauver sa fille détenue par un gang de pilotes d'ULM, alors là, oui*. En règle générale, le conflit intérieur ne présente de capacité d'actualisation (de réalisation dramatique) que lorsqu'il se confronte au monde du récit ; pas en lui-même, ex nihilo. My two cents.

* Ce pitch digne du Nobel vous est librement offert, vous pouvez l'intituler Fast and Curious

Re: Procrastination saison 8

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Merci pour ces considérations.

On pourrait définir, il me semble, le conflit comme une inadéquation de valeurs - si l'on exclut par exemple le conflit avec la nature, même si on le ramène à une opposition entre la volonté de survie du protagoniste et l'indifférence de la nature - ne serait-ce pas très lovecraftien ?
C'est la divergence dans l'appréciation - au sens du prix donné - à des biens ou des relations qui crée le conflit.
Dès lors le conflit intérieur n'est plus réductible à une réflexion intérieure - un ruminement - mais à une dissonance cognitive chez le personnage : doit-il donner la priorité à ses sentiments amoureux ou à son ascension sociale ? doit-il renoncer à la solidarité avec sa communauté pour répondre à son impératif moral de justice envers l'étranger ?
Il y a une distinction que je trouve très stimulante entre désir et besoin : je veux devenir le chef de mon organisation; j'ai besoin d'être reconnu pour ma valeur. Mon désir peut occulter mon besoin profond.
Pour reprendre l'exemple de Jean-Eudes : il peut vouloir faire du deltaplane pour vaincre sa phobie mais son besoin profond pourrait être de redorer son image auprès de sa fille. S'il décide de relever le défi du gang malgré son vertige, il peut le faire par bravade et amour-propre ou bien parce que son amour pour sa fille est plus important que ses propres angoisses. Si on ajoute une touche de pathos - Jean-Eudes a le vertige car son père l'a laissé dans un arbre toute une nuit quand il était petit - ce pitch dumbesque devrait pouvoir prétendre à la distinction du Nobel.

Je pense même que si le conflit est plus intime, on peut le métaphoriser en l'incarnant extérieurement : le monstre est la représentation des angoisses du personnage. Il peut l'affronter physiquement mais pour le vaincre il devra mettre au clair ses propres failles.

Re: Procrastination saison 8

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Il faut déterminer ce qu'on veut faire de la notion de conflit : on peut la voir de bien des manières, mais si, ici, on veut la définir pour s'en servir dans la narration (et personnellement, ce qui m'intéresse avant toute chose, c'est comment écrire mieux), ma définition est la suivante : un frottement entre la volonté du protagoniste considéré et une résistance (plus ou moins marquée, et pas forcément incarnée, comme le peut l'être la nature). Évidemment, ces résistances en réalité des myriades, par leurs expressions, leurs thèmes, leurs causes psychologiques, etc. (J'en cause énormément dans Comment écrire de la fiction ? – pouvoir enfin parler de conflit en détail et de manière opérante était la motivation principale de ce bouquin.)

C'est du traitement de cette résistance que naît la dramatisation (donc l'histoire) et je pense de plus en plus que c'est avant tout là que se situe l'originalité d'une œuvre. Si l'on prend cette acception, le conflit est l'histoire ; inversement, une histoire n'existe pas sans conflit, puisqu'elle en est l'expression.

Re: Procrastination saison 8

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Merci pour les éclaircissements.

Effectivement la définition de la notion de conflit est essentielle - et je l'entendais bien dans le cadre de la narration.

J'aime beaucoup ta définition comme un frottement entre la volonté du protagoniste et une résistance, surtout la partie frottement - qui laisse à disposition un nuancier depuis le choc frontal jusqu'à la caresse - qui peut être celle du bourreau.

Mes interrogations sur le rapport "narration - conflit" sont venues à l'occasion de l'écriture théâtrale - qui est une formidable école du donner à voir et à éprouver. Dans ce type d'écriture le texte est dialogue mais aussi projection dans des corps qui s'exposeront au regard. Il est vital pour ce texte de créer un rapport entre des personnages tout en laissant de la liberté à l'interprétation des comédiens et un espace d'imagination aux spectateurs. Comment faire naître le conflit ? En exposant ce qui ne fonctionne pas, ce qui fait obstacle, laisser de la place au silence, aux mots retenus, aux corps contrariés. La dramatisation et donc l'histoire naît de ce qui est empêché - une histoire d'amour entre Roméo et Juliette ou la culpabilité pour Macbeth. Ce qui peut rejoindre ton identification entre conflit et histoire même si j'ai conscience que les codes ne sont pas identiques au théâtre et en littérature.

J'ajouterai simplement que, parfois, ce qui est moteur ce n'est pas la volonté du protagoniste mais son absence de volonté, son refus de se frotter au réel : une sorte de volonté de ne pas avoir de volonté. Dans une recension du livre "Les Portes de la Maison des Morts" d'Erikson, je donnais l'exemple du personnage de Félisine pour illustrer ce type de refus d'être "protagoniste". C'est d'ailleurs un personnage que de nombreux lecteurs ont apparemment détesté - ce qui était, à mon avis, l'épreuve qu'Erikson faisait passer à son lectorat.

Merci pour la référence bibliographique - que je note pour une future lecture.

Bon je ne t'embête pas plus longtemps avec mes réflexions et te laisse te livrer au coeur de ton activité : nous donner du plaisir de lecture.