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Concernant les dialogues, quand Lionel dit que l'on écrit pas les dialogues comme on parle, je ne suis pas si d'accord. I il y pas mal de romans, surtout américain et anglais, qui ont des dialogues bourré d'argots, bourré de langage familiers et même de mots mâchés (comme dans l'île aux pirates). J'ai quand même l'impression que c'est français le coup des dialogues souvent surécrits, peu naturels, trop recherchés. Après tout dépend des personnages, mais dans le nature writing américain/westerns traduit en fr, il y a beaucoup de passages dialogués du type dont je parle. Ca ne me choque voir même, je me figure bien plus facilement certains personnages grâce à ça (exemple un trappeur, au pif), je les trouve plus crédibles.

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Dakeyras a écrit :Concernant les dialogues, quand Lionel dit que l'on écrit pas les dialogues comme on parle, je ne suis pas si d'accord. I il y pas mal de romans, surtout américain et anglais, qui ont des dialogues bourré d'argots, bourré de langage familiers et même de mots mâchés (comme dans l'île aux pirates). J'ai quand même l'impression que c'est français le coup des dialogues souvent surécrits, peu naturels, trop recherchés. Après tout dépend des personnages, mais dans le nature writing américain/westerns traduit en fr, il y a beaucoup de passages dialogués du type dont je parle. Ca ne me choque voir même, je me figure bien plus facilement certains personnages grâce à ça (exemple un trappeur, au pif), je les trouve plus crédibles.

Je suis d'accord avec Lionel pour le coup, pas tant sur la question du registre que sur celle de la forme. Un exercice que je trouve très instructif à ce niveau, c'est de retranscrire des interviews en langue française : on s'aperçoit très vite que si on retranscrit tel quel, des passages qui étaient très clairs à l'oral deviennent illisibles. On ne peut pas s'autoriser à l'écrit autant de répétitions, d'hésitations, de structures bancales qu'à l'oral, et il y a un minimum de mise en forme nécessaire pour que ça passe.

Mais je suis d'accord sur le fait qu'en français on n'ose pas forcément aller vers des registres plus argotiques, et ça m'agace particulièrement quand je lis des traductions aux dialogues trop écrits.

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Dakeyras a écrit :Concernant les dialogues, quand Lionel dit que l'on écrit pas les dialogues comme on parle, je ne suis pas si d'accord.

Je ne pense pas que ça soit propre au français. Là par exemple je suis en train de me faire une relecture de Jack Vance. Je viens de finir l'équivalent du livre "Un Monde Magique" (6 nouvelles) de l'intégrale de la Terre Mourrante et on y retrouve cet aspect de retranscrire un dialogue différemment du langage parlé.
Bon après les nouvelles datent des années 50. Elles ont aussi un cadre particulier, donnant un côté à la fois théâtral et poétique, avec un soupçon de simplicité et de subtilité qui contribuent à nous emporter et à ne pas garder les pieds sur Terre. Et donc à ne plus être réaliste en quelque sorte.


Mélanie Fazi a écrit :Mais je suis d'accord sur le fait qu'en français on n'ose pas forcément aller vers des registres plus argotiques, et ça m'agace particulièrement quand je lis des traductions aux dialogues trop écrits.

Oui, moi aussi ça me fait rouler des yeux. Je comprends le fait d'adapter au Français les tournures étrangères (comme le "fuck" américain à toutes les sauces, qui peut du coup avoir bien des traductions dans notre langue, selon le conteste et l'endroit où il est placé dans la phrase), mais il y a un côté prude parfois chez les traducteurs. Sauf s'il s'agit de contrainte éditoriale ? Je ne sais plus s'il y avait eu ou non justement une histoire comme ça, autour de Jean Sola et sa traduction du Trône de Fer qui n'a rien à voir avec le langage utilisé par George RR Martin...

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Ah et, concernant le mélange entre essai et fiction, en exemple britannique, il y a K.J. Parker aka Tom Holt !
Par exemple dans la première de ses anthologies, Academic Exercises.
On y retrouve deux essais, On Sieges et Cutting Edge Technology, trouvable aussi sur le site de Subterranean Press.
Après quand on connaît l'auteur, et sa trilogie Loredan, pour le public français, c'est presque naturel que ces essais se retrouvent dans son recueil. Alors même qu'ils traitent et évoquent des exemples de notre histoire.

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Mélanie Fazi a écrit :
Dakeyras a écrit :Concernant les dialogues, quand Lionel dit que l'on écrit pas les dialogues comme on parle, je ne suis pas si d'accord. I il y pas mal de romans, surtout américain et anglais, qui ont des dialogues bourré d'argots, bourré de langage familiers et même de mots mâchés (comme dans l'île aux pirates). J'ai quand même l'impression que c'est français le coup des dialogues souvent surécrits, peu naturels, trop recherchés.
Après tout dépend des personnages, mais dans le nature writing américain/westerns traduit en fr, il y a beaucoup de passages dialogués du type dont je parle. Ca ne me choque voir même, je me figure bien plus facilement certains personnages grâce à ça (exemple un trappeur, au pif), je les trouve plus crédibles.

Je suis d'accord avec Lionel pour le coup, pas tant sur la question du registre que sur celle de la forme. Un exercice que je trouve très instructif à ce niveau, c'est de retranscrire des interviews en langue française : on s'aperçoit très vite que si on retranscrit tel quel, des passages qui étaient très clairs à l'oral deviennent illisibles. On ne peut pas s'autoriser à l'écrit autant de répétitions, d'hésitations, de structures bancales qu'à l'oral, et il y a un minimum de mise en forme nécessaire pour que ça passe.

Mais je suis d'accord sur le fait qu'en français on n'ose pas forcément aller vers des registres plus argotiques, et ça m'agace particulièrement quand je lis des traductions aux dialogues trop écrits.

Dans ce cas présent, je suis d'accord. Les "euh" d'hésitation , effectivement c'est à bannir. Mais les répétitions dans un dialogue, ça peut justement donner une patte au personnage et faire partie intégrante de lui. Il se répète. Il radote.

Mais dans pas mal de livres de Stevenson, London ou autre (principalement des auteurs nature writing, récits ruraux etc..), il y a beaucoup de dialogues argotiques, et franchement c'est très lisible. On s'y croirait. Pour autant, dans" l'Île au trésor", c'est un brin abusé et effectivement, il y a un gros dialogue comme ça qui est très difficile à avaler. J'ai tenté un court texte d'une page écrit de cette façon, à la première personne, et sur 6 lecteurs, 2 ont trouvés ça incompréhensible. J'ai de la chance, 4 ont trouvés ça naturel. Un récit dans lequel le narrateur mâche 7 mots sur 10.

Si je puis me permettre, je pense aussi que ce style serap lus facilement compréhensible pour quelqu'un qui a la culture qui va avec. Je m’explique : certaines personnes vont peu à la campagne, côtoient peu de gens qui ont ce type de langage et du coup, pour eux, c'est imbitable puisqu'ils viennent et côtoient principalement des gens qui ont un langage plus relevés, presque châtiés.

En fait, ce qui me dérange souvent dans pas mal de bouquins "récents", c'est que plus personne n'ose trop les familiarités, le familier, l'argot, etc.. Le hic, c'est que quand je lis un bouquin de fantasy et que le paysan s'exprime bien, sans mâcher un seul mot, ça me dérange, je trouve que ça manque de naturel et de réalisme. Alors après, je sais qu'un écrivain doué doit pouvoir , sans familiarités, sans mots mâchés, réussir un dialogue crédible mais j'en ai rarement vu. Je trouve qu'en FR, les dialogues sonnent bien souvent surécrits.

Je pense qu'il faut essayer de trouver un juste milieu. Je suis entrain d'écrire un roman et j'ai un personnage, un seul, qui mâche uniquement les je suivi d'un verbe donc j'devrais etc..... et parfois, il fait des phrases très compréhensibles, mais à sa façon, dans un ordre typique et personnel. Ou encore des " C'que j'en dis, c'est qu'on aurait pas dû couper par la rivière" plutôt que "Ce que j'en dis, c'est que nous n'aurions pas dû" (dans ce dernier cas, qui parle comme ça ? Personne. Mais encore moins dans la bouche de certains personnages. Le premier exemple, mais ce n'est que mon avis, c'est qu'il est plus crédible, je visualise mieux le personnage, j'entends sa "voix". Clairement. L'autre exemple, non (dans le cas d'un certain type de personnages, j'insiste).

Si tous les persos d'un roman s'exprime comme le second exemple, ça va vite me lasser. Il s'opère une distance avec ma lecture et ça peut me déranger.


Sinon j'ai deux questions pour vous :

1- Comment éviter la peur de changer son style en cours d'écriture si le projet met plus de temps que prévu ? Je sais que King conseille d'écrire vite pour ne pas perdre cette vitalité, ne pas s'éparpiller etc... mais, concernant mon parcours personnel, je constate que plus je prends du temps, plus j'ai de nouvelles idées qui améliorent (je pense) le texte d'origine. Du coup, faut-il vraiment se presser ? Je ne pense pas.
Malgré tout, j'ai parfois peur que mon style change durant l'écriture puisque l'écriture s'étire, de nouvelles idées arrivent, on retravaille des bouts de texte par ci par là, les mois passent, puis parfois les années...c'est flippant. J'appréhende tous les jours qu'entre ma page 1 et ma dernière, ou entre mes écrits récents et les plus lointains, le lecteur trouve des incohérences de style. Il est vrai qu'en se pressant dans l'écriture, on évite forcément ce problème.

2- Qui rejoint un élément de la première : à quel moment devons nous décider que STOP, c'est terminé, fini de gamberger, on arrête tout ? J'ai du mal. 10 idées par jour me viennent, et même si je ne garde pas tout, le texte n'en finit jamais à cause de ça.

EDIT : j'en ai même une troisième, désolé.

3- Peut-on utiliser des régionalismes ? Il y a quelques mots que j’adore, mais dans une histoire de fantasy, est-ce que cela peut passer ? EX : le mot goûtu.

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Ah mais sur le style, on est complètement d'accord. Je ne dis pas du tout qu'on ne peut pas utiliser de répétitions, d'argot ou autre, simplement qu'il y a un minimum de travail pour rendre ça fluide à l'écrit. On ne peut pas se contenter de recopier les choses exactement comme elles sont dites à l'oral, il y a une question de dosage, de rythme, d'équilibre à trouver, sinon c'est vite illisible. J'aime énormément l'écriture de Virginie Despentes notamment, justement parce ce qu'elle sait trouver ce dosage et rendre l'illusion de l'oralité.

Pour répondre aux questions, pour la 3 je dirais oui, bien sûr, tout est possible mais encore une fois tout dépend comment c'est amené. Pour les deux autres, j'y réfléchis un peu plus avant de répondre.

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J'ai l'impression sur ce sujet des dialogues qu'il y a une confusion entre deux choses : le fait qu'un auteur travaille un dialogue en amont pour obtenir un effet de réel d'un côté, et le niveau de langue du dialogue de l'autre.

Or ce n'est pas parce qu'on écrit un dialogue familier, ou argotique, qu'on ne doit pas cogiter en amont pour qu'il sonne vrai. Au contraire, si on veut le réussir, on doit le travailler souvent plus profondément qu'un dialogue plus littéraire, pour obtenir ce fameux "effet parlé" qui donnera à chaque personnage une voix unique, et au texte un patine réaliste indéniable.

Un dialogue argotique pose en effet beaucoup de questions en soi : quel(s) argot(s) utiliser ? Pourquoi ? Que vont dire ces argots des personnages, du monde dans lequel ils évoluent ?
Un exemple hyper simple : le Québec utilise beaucoup plus de jurons à connotations religieuses que la France, ça dit quelque chose forcément d'une culture.
Comment faire pour utiliser des argots ou des langages familiers pas forcément connus de tous, et quand même rester accessible au lecteur ? Avec le Dictionnaire de l'argot des voleurs de Vidocq ( facile à trouver si le sujet vous intéresse), je peux m'amuser à écrire un dialogue très " bas-fond de Paris au XIXe siècle". Vu les gens qui m'entourent, je peux aussi vous écrire un vrai dialogue d'adolescents de banlieue parisienne. Si je reprends quelques-uns de mes vieux courts de fac, je peux me lancer dans l'ancien français... sauf que... si je me limite à vouloir reproduire fidèlement tel ou tel langage, argotique ou autre d'ailleurs, ce sera juste un exercice stylistique un peu vain.
Bref, en voulant faire moins littéraire, on fera plus désincarné, plus factice au final.

C'est assez facile, avec quelques références, d'écrire du langage argotique (et de faire des répétitions, et de destructurer les phrases...) C'est beaucoup plus difficile de faire du langage argotique ou juste du langage parlé qui sonne vrai, qui incarne quelque chose, qui nourrisse des personnages, qui raconte une histoire (et c'est aussi un sujet qui me tient à cœur, dans pas mal de trucs que j'écris).

Enfin il ne faut pas oublier qu'un dialogue écrit est perçu différemment par le public qu'une conversation ordinaire.
A l'écrit, les répétitions se font davantage sentir, par exemple. Donc si on met autant de répétitions dans un texte écrit que dans une conversation courante, le lecteur aura l'impression d'en "entendre" davantage ( je n'ai rien contre les répétitions dans un roman par ailleurs, il faut juste être conscient de l'effet qu'elles produisent quand on les utilise en tant qu'auteur).

Pour résumer, je suis tout à fait d'accord avec Lionel aussi, on n'écrit pas les dialogues comme on parle, et j'ajouterai : a fortiori quand on veut écrire des dialogues argotiques ou familiers.

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Par ailleurs, il y a toute une très intéressante tradition du langage familier utilisé de plein de façons différentes en littérature française. Quelques jalons rapidement : Les Mystères de Paris d'Eugène Sue, bien sûr Hugo et Les Misérables ( Hugo a pas mal réfléchi sur le sujet en règle générale, et il y a eu au dix-neuvième siècle de vrais discussions à ce propos), Céline à sa manière, Jean Genet et l'incroyable Notre Dame des Fleurs, toute une tradition du polar avec entre autres Léo Mallet et Manchette, du côté des campagnes on a bien sûr la tradition du roman rustique ou paysan dont Georges Sand (avec sa défense du Berrichon) est une des premières grandes figures... En Imaginaire francophone plus récent je conseille par exemple Rainbow Warriors d'Ayerdhal ou encore Wastburg de Cédric Ferrand...
Mélanie a déjà cité Virginie Despente, aussi :)
( désolée pour l'aspect absolument pas chronologique de cette liste !)

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Merci de vos réponses, vraiment. Car je me doute que c'est du temps d'écriture ne moins pour vous ! Merci des conseils de lecture en tout cas.

Pour revenir aux régionalismes, je pensais aussi à des mots comme rimaye, névé, sérac etc... C'est assez spécifique aux Alpes, à la Savoir, mais les termes se sont élargis à l'alpinisme tout court.

Je viens d'utiliser le mot goûtu dans un texte, à mon sens ça passe, mais je ne suis pas encore sûr.

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Merci :)

Pour en revenir à votre question, en tant que lectrice j'aime bien trouver du vocabulaire un peu spécifique dans un texte, je trouve que ça enrichit l'univers, et ça ajoute à l'immersion dans un monde. Et puis, des mots comme "névé" ou "sérac", ça me fait rêver davantage que la vingtième répétition de "neige" ou de "glacier" ;)

Après, pour ne pas perdre votre lecteur, deux pistes :
1 ) ne pas abuser de mots spécifiques (encore une fois, tout est dans le dosage).
2) la première fois qu'un mot spécifique apparaît, le mettre dans un contexte qui permette d'en déduire le sens.
Exemple très simple : je voulais vraiment garder "névé", que j'aime beaucoup, dans un de mes romans jeunesse.
Je l'ai donc présenté ainsi : "Elle lui désigne du doigt un point loin devant eux, au-delà de la forêt, dans les névés, les neiges éternelles."

Là c'est une histoire à lire à partir de 7 ans, pour un public adulte on peut être beaucoup moins direct, mais c'est pour vous donner une idée...

Bonne écriture !

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Il me semble que la réponse revient toujours à un équilibre fondamental : l'illusion de réalité Vs. l'accessibilité. Suis-je réaliste, vraisemblable ? (cf le paysan qui ne devrait effectivement pas avoir le même niveau de langage que le roi) Mais aussi : suis-je lisible, accessible, compréhensible ? Est-ce que mon lecteur va pouvoir rentrer dans mon récit ? N'oublions pas deux choses :
- La fiction a avant tout une fonction de divertissement, ce qui exige une certaine facilité de lecture, donc l'auteur doit parfois savoir laisser tomber certaines exigences ultra-pointues de forme ou de structure qui n'amusent que lui et que personne ne verra (c'est du vécu). Dans le doute, je crois résolument qu'il faut errer du côté du plaisir ;
- Il n'existe aucune forme platonique absolue de ce qu'est le "divertissement", la "facilité", le "plaisir"… ni d'où il faut placer le curseur entre réalité et accessibilité, sinon ça serait trop simple.

Pour savoir où se placer, la boussole revient toujours pour moi à s'interroger sur ses intentions, sur les intentions du projet, sur l'effet à susciter, sur ce que *veut être* le projet dont on parle. (Et c'est souvent à l'étape des relectures que l'on a suffisamment de recul pour le comprendre.)

Quoi qu'il en soit, je maintiens fermement ma position : un bon dialogue, qui sonne vrai, ne sera *presque jamais*, malgré tout, prononcé dans la vie réelle de la sorte. (cf l'expérience de Mélanie sur les entretiens ; et pour avoir produit maintenant 70 épisodes de Procrastination, je peux vous dire qu'un rythme de parole réel, c'est très particulier. Surtout le mien. Peux-tu aller au bout d'une idée clairement sans me forcer à tout remonter dans l'ordre, Davoust ? Bref.) Il *donne* cette impression (et c'est ce qu'on lui demande). Si on a vraiment de la chance, il donnera encore cette impression avec plusieurs décennies d'écart, ce qui est un encore plus grand exploit.

EDIT : Bien vu les questions, ça donnera probablement à des épisodes à part entière (ce n'est pas la première fois que des questions sur ces domaines apparaissent). Merci ! :)

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L'actualité m'y fait penser, même si j'aurai préféré éviter, mais j'ai un sujet pour nos auteurs.

On sait que chaque sport a ses maux (le tennis elbow, les ligaments croisés), les musiciens aussi (la tendinite du violoniste, les métacarpes du pianiste) ou leurs fragilités (activités qui peuvent se faire assis quand on est immobilisés, ou qu'on ne peut plus faire, comme...nager avec un plâtre ?).

Pour nous ce serait, quels sont les maux des auteurs, dans quels cas peuvent-ils continuer, même au ralenti, et qu'est-ce qui est bloquant ? Stephen Hawking a écrit des livres même sans tenir un crayon, mais j'imagine qu'il y a des bobos plus contraignants que d'autres (genre une migraine qui empêche de se concentrer, pire qu'une entorse au genou) ?

Et prompt rétablissement !

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Foradan a écrit :L'actualité m'y fait penser, même si j'aurai préféré éviter, mais j'ai un sujet pour nos auteurs.

On sait que chaque sport a ses maux (le tennis elbow, les ligaments croisés), les musiciens aussi (la tendinite du violoniste, les métacarpes du pianiste) ou leurs fragilités (activités qui peuvent se faire assis quand on est immobilisés, ou qu'on ne peut plus faire, comme...nager avec un plâtre ?).

Pour nous ce serait, quels sont les maux des auteurs, dans quels cas peuvent-ils continuer, même au ralenti, et qu'est-ce qui est bloquant ? Stephen Hawking a écrit des livres même sans tenir un crayon, mais j'imagine qu'il y a des bobos plus contraignants que d'autres (genre une migraine qui empêche de se concentrer, pire qu'une entorse au genou) ?

Et prompt rétablissement !

Question assez originale que je n'avais jamais croisée, merci de l'avoir suggérée !

Pour les maux spécifiques, je peux citer notamment les douleurs musculaires ou autres suscitées par une mauvaise position prolongée devant l'écran (j'ai testé). Les maux qui empêchent ou non de poursuivre, c'est un autre vaste sujet.

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J'ai encore des questions, plus rien ne m'arrête :D :

1- Est-ce que d'autres formes d'arts ont pu à un moment ou un autre influencer vos choix d'écriture ?
Ex; la BD peut apprendre les dialogues, idem pour le théâtre ou le cinéma, on peut aussi y apprendre la concision. La peinture peut suggérer des "scènes" (mais aussi l'illustration, le cinéma et la bd). En somme, imaginez-vous vos histoires sous formes de mots directement ou bien sous d'images (il me semble que la plupart des écrivains diront "image" mais je crois avoir lu que certains voyaient d'abord des mots, de phrases plus que des images.

2- on lit souvent de la part de pas mal d'écrivains "écrivez simple, il faut faire simple". En gros.Je ne dis pas fluide car à mon sens c'est autre chose. Mais ce conseil de faire simple est-il bien pertinent ? Ce que je veux dire, c'est oui, ce conseil est valable quand on veut vendre, quand on veut en vivre, mais quand on aime aussi les belles phrases, les mots archaïques, l'argot et j'en passe, que devons-nous faire ? Car "simple" ne veut pas dire bien. Et je constate tout de même que plus je lis de romans avec une écriture simple plus j'ai la sensation de lire quelque chose de fade et impersonnel. On ne demandait pas à Kubrick de faire simple, on ne demande pas à Malick de faire simple, et en littérature , Lovecraft n'a jamais été si simle à lire, encore moins Clark ashton smith. Et pour citer d'autres auteurs qui ont des styles que certains trouvent lourds, je citerais Mccarthy par exemple. Ce que je veux dire, c'est que si tous les écrivains appliquaient ce type de conseils, on y perdrait beaucoup.

Ces personnes là n'ont jamais, même dans leurs débuts, pondus des textes très abordables car je pense que leur but n'est pas forcément de vendre (Mccarthy peut passer 10 ans sans sortir un roman). Du coup, je me demande parfois si ce conseil de faire simple n'est pas surtout destiné à ceux qui veulent vraiment en faire leur métier (et là oui clairement, un style lourd et des histoires peu divertissantes vendront beaucoup moins).

En fait, quand je lis "simple" je ne sais pas si cela concerne le style, les mots, l'histoire, la psychologie des personnages etc... car honnêtement si on parle du style, j'ai déjà lu des romans très simples, faciles à lire, mais totalement imbitables dans leurs narrations et constructions ou même leurs propos.

Je sais que pas mal d'écrivains (dont Bordage dans une interview) parlent de " s'effacer derrière leurs histoires, donc styles simples, phrases simples"mais je pense que , bien que ce soit un bon conseil, ce genre d'idées peut cloitrer, cloisonner et formater les futurs écrivains. De nos jours, on a des (je ne vise personne ici je tiens vraiment à le souligner) cours d'écriture de partout, des pseudos profs d'écriture qui vendent des programmes comme quoi écrire un livre ça s'apprend (je n'en doute pas, mais qu'on le veuille ou non, il n'y avait pas cours d'écriture il y a 100-200-300 ans et ça n'a pas empêché une foule de génies d'exister tout comme de nos jours, pleins d'écrivains réputés -aussi bien en terme de ventes que d'éloges critiques- n'ont jamais appris à écrire un roman) et... Alors oui ok, admettons, ceci dit je vois tout de même un peu les mêmes conseils partout, et je trouve que pas mal d'entre eux, pas tous, formatent énormément l'écriture. De tous les bouquins que j'ai lu, j'en vois 2 qui sont très ouverts à l'idée d'écrire ce qu'on veut, comme on le veut : le livre de Vonarburg et celui d'Orson Scott Card. Mais les conseils de Werber sur son site par exemple, je ne les trouve pertinent que pour un amateur dont l'ambition est d'en vivre.

Si faire simple, c'est écrire en s'empêchant pleins de choses juste pour être lu facilement , sans que les lecteurs aient à gamberger un peu, sortir le dico de temps ou temps ou ouvrir Wiki, je trouve cela dommage. Je parle en tant que lecteur, et sil 'y a bien une chose que j'adore, c'est qu'un auteur m'apprendre des choses quitte à me faire allumer mon pc, et à me faire cogiter. J'adore aussi les auteurs qui ont un style bien à eux et qui me captent par des phrases intéressantes, que je peux citer, sur lesquelles je rêvasse 10 min avant de poursuivre. Des choses parfois complexes (pas forcément d'ailleurs), des images ou comparaisons saisissantes etc... Je n'affirme rien, ce sont de vraies interrogations. Je ne parle pas ici d'une bonne écriture d'un coté et une mauvaise de l'autre.
Seulement , il y a du "simple" imbitable et du complexe finalement très simple dans le propos et l'intrigue.

Trop long tout ça. Donc question : 3- qu'est qu'écrire simple ? A quoi cela mène t-il ?

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@Dakeyras : Je ne sais pas si tu es arrivé jusque-là, mais j'ai l'impression qu'on a un peu traité des sujets dont tu parles:
- 301 - S'inspirer des autres médias
- Pour la simplicité : 118 – Less is more
Cependant cette question rejoint (à mon sens) l'équilibre entre accessibilité et exigence que j'évoquais plus haut. C'est un sujet qu'il me paraît de plus en plus urgent de traiter, je vais le soumettre aux camarades !

Concernant le fait qu'il y ait eu des génies avant les cours d'écriture… Rappelons-nous toujours que dans un phénomène culturel, on voit *ce qui a survécu*. L'intérêt des cours, de l'étude de la technique, consiste à donner ou comprendre les outils plus vite de manière à faire fleurir un mode d'expression.
En d'autres termes, l'existence de Giotto n'invalide pas le bien-fondé des cursus contemporains des Beaux-arts.

@Foradan : Good point. Même si, pour vraiment traiter ça bien, j'aimerais qu'on puisse mettre la main (lolz) sur un spécialiste de l'accessibilité et/ou de l'ergonomie. C'est noté en tout cas ! Et merci. :)

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Effectivement, je crois qu'on a déjà en partie traité ces sujets. Pour ce qui est de "faire simple", mon conseil serait de toujours se méfier des conseils qui commencent par "il faut". ;) Pas de règles absolues, tout ça.

Plutôt qu'en termes de simplicité, j'ai tendance à penser en termes de clarté, mais surtout je pense que la question est de savoir quel est le projet : qu'est-ce que je cherche à transmettre, et comment le transmettre au mieux. Pour moi la question est plutôt là. Et si on souhaite tendre vers un style plus "orné", toujours se demander ce qui est lisible ou non, se méfier de l'esbroufe gratuite qui produit parfois des choses illisibles. Sauf si le projet est précisément de jouer sur le flou, l'obscurité et de perdre volontairement le lecteur. Mais pour moi la quesstion fondamentale, avant de se dire qu'il faut écrire de telle ou telle manière, c'est de se demander ce qu'on cherche à faire et comment y parvenir.