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Plus grands sont les héros
Titre VO: How Are the Mighty Fallen
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Thomas Burnett Swann
Ceci est l’histoire d’une reine de Judée qui était plus qu’humaine, de son fils qui devint une légende etde leur ennemi cyclopéen dont le nom devint synonyme de colossal.
Ceci est l’histoire des combats, des amours et des loyautés qui fixèrent pour toujours les fondations de la société humaine.
Des cyclopes et des sirènes, des semi-humains et des demi-dieux, des héros et de simples hommes, l’amour de David et Jonathan, la lutte contre Goliath…
Critique
Par Nicolas Winter, le 10/10/2014
Les Israélites ont un nouveau roi. Désigné par Samuel, Saül, un simple paysan, mène une armée de plusieurs milliers d’hommes contre les Philistins. Son fils, Jonathan, et sa reine, Achinoam, sont perçus avec un immense respect par son peuple. Originaires de Caphtor, on murmure qu’ils sont bien davantage que de simples mortels et qu’ils cachent leurs pouvoirs craignant la colère de Saül et de son Dieu, Yahvé. Alors que le champion des Philistins, Goliath, réapparaît parmi leurs rangs, un jeune berger nommé David vient rejoindre le camp des Israélites et s’attire l’attention du roi lui-même par son talent à la harpe. Mais une question se pose, qui pourra vaincre Goliath le cyclope ?
Immense auteur de fantasy, l’américain Thomas Burnett Swann n’est pourtant guère connu en France par le public. A l’origine d’une fantasy plus mythologique, l’auteur est surtout réputé pour sa Trilogie du Minotaure, déjà parue aux Éditions du Bélial il y a quelques années. Aujourd’hui, Les Moutons électriques ont décidé de traduire un des textes inédits de Burnett Swann directement dans le format poche de la collection Hélios. Plus Grands sont les héros renoue avec la veine mythologique des autres œuvres de l’américain mais en s’intéressant cette fois à un récit Biblique de l’Ancien Testament, extrêmement célèbre au demeurant puisqu’il s’agit de l’histoire de David et Goliath. Loin de se borner à raconter cet affrontement épique, Thomas Burnett Swann s’échine à dresser le portrait de Saül, David et Jonathan ainsi que du royaume d’Israël en guerre contre les Philistins.
Plutôt court, Plus Grands sont les héros se déguste lentement. Thomas Burnett Swann déploie pour l’occasion un style très poétique et lyrique (rappelons qu’il a lui-même commencé par écrire des poèmes) qui s’apprécie pas à pas, de par sa richesse lexicale d’une part, mais aussi par son symbolisme omniprésent d’autre part. Vous l’aurez compris, le roman de l’américain n’est pas forcément une lecture de divertissement et demande même un peu d’investissement à son lecteur. Heureusement, le jeu en vaut la chandelle. Il nous plonge dans les temps de l’Ancien Testament mais sans jamais assommer comme aurait pu le faire le texte original, et surtout en y intriquant une mythologie d’inspiration hellénique du plus bel effet. Oubliez rapidement l’affrontement simpliste entre l’homme gigantesque et le petit adversaire insignifiant, la rencontre entre David et Goliath s’avère bien plus complexe chez Burnett Swann. En effet, Goliath appartient à la race des cyclopes et Achinoam ainsi que Jonathan, l’épouse et le fils du roi Saül, font partie des Sirènes. Et pas forcément l’image de la sirène typique popularisée par Disney, loin de là. Il n’est définitivement pas question pour l’auteur d’accoucher d’un récit classique, et c’est tant mieux.
Son but avoué, c’est surtout de nous conter la vie d’un trio de personnages, David, Jonathan et Achinoam, autour de l’ombre décatie d’un Saül vieillissant. Le portrait de ses héros, bourré de poésie, de légendes et parfois de grandiloquence, arrive à rendre extrêmement modernes et attachants des archétypes bibliques que tout poussait à rendre désuets. Achinoam, par exemple, est une magnifique relecture de la reine du roi des Israélites, à mi-chemin entre mélancolie des Dieux et héroïsme d’une simple mère mortelle. Ce qui surprend d’ailleurs le plus dans Plus Grands sont les héros, c’est la vision de l’auteur concernant les liens qui unissent David et Jonathan. Il prend le parti de certains historiens et dépeint une tragique, mais splendide, relation homosexuelle qui, dans sa confrontation entre la loi de Yahvé et celle de la Déesse Astarte, prend une tournure résolument moderne. Ce choix radical évite de plus tous les clichés et permet de questionner la foi elle-même. Burnett Swann oppose à Yahvé le sévère une déesse fantasmée pour qui tout n’est qu’amour. Pour de vrai cette fois, pas simplement pour certaines catégories de personnes. Audacieux pour un récit écrit en 1974 !
Enfin, dernière chose, et non des moindres, Thomas Burnett Swann ne se contente pas de dépoussiérer l’Ancien Testament, il le rend bien plus héroïque, bien plus tragique. Avec sa galerie de personnages charismatiques mais également – et c’est paradoxal pour ces êtres surnaturels – plus humains. La relation mère-fils ou la lente et inévitable déchéance de Saül donne une tonalité poignante à l’ensemble de son histoire. Dès lors, on n’a plus l’impression de suivre des protagonistes tirés tout droit de la Bible, mais bien des héros issus de l’Antiquité, emplis de ce charisme et de cette magie que l’on n’attendait pas forcément, et qui font toute la force du récit que l’on suit au cours de ces 220 pages. Malgré la richesse du style de l’américain qui force parfois le lecteur à s’accrocher, l’adéquation de cette plume acérée avec la vision toute personnelle déployée par Burnett Swann au sujet de cette époque archi-connue gratifie son lecteur de quantité de visions d’une rare puissance évocatrice. On citera rapidement le récit d’Achinoam sur la jeunesse de Jonathan, ou les premiers émois amoureux des deux amants Israélites, et, évidemment, cette superbe rencontre avec Alecto, l’autre Sirène du roman.
Plus grands sont les héros explose le cadre traditionnel des récits fantasy et continue de livrer cette vision tout à fait singulière de Thomas Burnett Swann au sujet des mythes antiques et, cette fois, bibliques. Porté par un style sublime, bourré de poésie et pétri d’intelligence, le roman offre en plus des personnages somptueux.
De quoi motiver les amateurs de mythes et légendes… comme les autres d’ailleurs.
8.0/10
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