L'Or et la toise

Tome 1 du cycle : Ceux des eaux mortes
ISBN : 978-235408104-1
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Brice Tarvel (Proposer une Biographie)

La Fagne est un pays maudit, un pays d’eaux mortes. Deux fois maudit, par la faute des alchimistes qui ont déversé des siècles durant, dans ses rivières et ses marais, les produits de leurs expériences ; par la faute du magicien Vorpil et de son terrible maléfice : lorsqu’en Fagne du Nord, tout ou presque est soumis à un sortilège de grandissement, en Fagne du Sud, c’est un rétrécissement qui frappe choses, bêtes et gens. Dans un paysage aussi lugubre, au milieu d’un grouillement de monstruosités, on peut croiser des traîne-vase à la recherche d’un trésor, une sorcière obèse, ou de jolies damoiselles frappées de la maladie des eaux souillées…

Critique

Par Belgarion, le 25/01/2011

Dans un premier temps la superbe couverture de Johann Bodin ne peut qu’attirer favorablement le regard du lecteur potentiel. Ce n’est qu’après que la comparaison entre le contenu et le contenant peut commencer.
L’Or et la toise inaugure en grande pompe le cycle Ceux des eaux mortes qui donne lieu à une quête aux airs de conte relativement sombre. En effet, le monde créé par Brice Tarvel ne respire pas la joie de vivre, et les malheureux humains qui sont condamnés à survivre dans ce monde impitoyable ont bien peu de chances d’y faire de vieux os.
L’imagination fertile de l’auteur a ainsi mis en place un monde de marécages sombres et puants, dont la moitié nord est maudite par un sortilège d’accroissement : chaque être mais aussi chaque objet est condamné à augmenter sa taille indéfiniment. A l’inverse, la partie sud est condamnée à rapetisser dans les mêmes proportions. Seule l’absorption d’une potion rare et chère, la Toiseur, objet de toutes les convoitises, permet de conserver pour un temps une taille normale. Ajoutez à ce monde de fous une faune mortelle qui a su s’adapter aux marécages pour tendre ses rets, ainsi qu’une autre malédiction qui transforme en monstres aquatiques les hommes ayant passé trop de temps dans l’eau des marais, et vous n’aurez encore qu’un aperçu de la noirceur de ce monde.
Paradoxalement, le ton par moment guilleret de la narration fait apparaître avec plus de clarté le peu de cas qui est fait de la mort. Les héros sont au diapason du caractère sombre et cynique du récit, entre une sorcière obèse et cupide, deux voleurs sans scrupules, ou encore un chasseur de dégénérés patibulaire. La princesse Candorine et sa servante Alda sont presque les seuls personnages à respirer l’innocence, et parviennent rapidement à se rendre attachantes.
Le monde de la Fagne, qui contient de nombreuses innovations originales et astucieuses, a cependant du mal à trouver une complète cohérence. Sans explications supplémentaires, le lecteur en est réduit à imaginer certains aspects de ce monde pour le rendre compréhensible. De plus, si le sortilège de rapetissement et d’agrandissement est bien trouvé, on a du mal à en fixer les limites - quid de l’origine du matériau supplémentaire nécessaire pour hausser un donjon, quid de la taille maximale des bêtes qui hantent le marais, quid de l’absence d’arbres tutoyant le ciel en Fagne Nord alors que les humains ne peuvent tailler toutes les forêts pour les empêcher de grandir, quid de la limite en terme de taille pour le sortilège de diminution… Tous ces nouveaux éléments ainsi que plusieurs passages de l’intrigue apparaissent confus et nécessitent plus de rigueur. Par ailleurs, l’emploi de termes de vieux français dans le récit donne certes un charme désuet, mais n’est pas nécessaire à chaque utilisation et apporte peu à l’intrigue.
Ce premier tome offre de belles perspectives pour la suite, notamment la remontée vers la source de ces malédictions, et regorge de bonnes idées. Néanmoins, le récit de cet auteur prometteur aura besoin dans les tomes suivants d’une plus grande rigueur et d’un cadre plus détaillé.

6.0/10

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