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L'Épée d'argent
Titre VO: The Lightstone
Partie 2 de "The Lightstone"
ISBN : 978-226507893-2
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : David Zindell
Valashu Elahad, le fils du roi de Mesh, poursuit sa quête de la Pierre de Lumière sur les terres de Morjin, l’ennemi de ses ancêtres et de tous les peuples des Neuf Royaumes. Or les pouvoirs de Morjin sont immenses car celui-ci peut apparaître sous la forme qu’il aura choisie. L’épée magique Alkaladur et le don d’empathie du jeune Valashu seront-ils suffisants pour affronter un tel sorcier ? Au cœur des Montagnes Blanches, le prince et ses compagnons vont découvrir un monde de ténèbres auquel rien ne les préparait.
Critique
Par Gillossen, le 08/07/2007
Le chef d’œuvre… Voilà bien une notion galvaudée ! A écouter les critiques de toutes sortes, on pourrait en compter une bonne dizaine par an au bas mot, quel que soit le domaine artistique. Mais qui se souvient d’eux ? Et qui s’en souviendra au bout de cinq, dix, ou vingt ans, pour ne pas aller plus loin ? La plupart auront déjà rejoint les rangs du commun, révélant ainsi leur véritable valeur à l’épreuve du temps…
La Fantasy connaît bien évidemment également ce phénomène. Tel roman est immédiatement comparé aux cycles les plus reconnus, tel écrivain se retrouve propulsé l’égal ou l’héritier d’un Tolkien… Ne nous leurrons pas, la promotion joue un rôle certain dans cette politique de surenchère de superlatifs. Comme tout marché concurrentiel, il faut s’imposer face aux voisins qui visent la même cible que vous, allécher le lecteur, d’une référence bien sentie ou d’un bordereau criard s’étendant sur la moitié de la couverture… C’est de bonne guerre, et cela nous rassure, nous, clients, sur la valeur de nos achats.
Cependant, pour une fois, juste une fois, tâchons d’oublier toutes ces considérations. Souvenons-nous des raisons qui font que l’on aime un livre : une histoire, des personnages, leurs actes, leurs vies en somme… Bref, un ensemble qui occulte toute référence à la renommée de l’auteur ou ses chiffres de vente. C’est pourquoi j’aimerais vous faire découvrir aujourd’hui The Lightstone de David Zindell. Auteur de SF anglais qui n’en est pas à son premier roman, ses œuvres peuvent compter sur une solide considération. Alors, finalement, pourquoi lui ? Parce que son premier essai en Fantasy représente l’incarnation idéale de ce que l’on peut attendre. Parce qu’il est inconnu du public français et risque vraisemblablement de le rester encore quelques temps. Parce que son roman, sans être exempt pour autant de petits défauts, déborde d’une générosité sans égale, qui ne le rendent que plus attachant.
Valashu Elahad pourrait avoir tout du héros que l’on se prend à trouver insupportable, car trop lisse. Mais quand bien même il dispose de nombreuses qualités, il n’est pas un homme sans défaut. Posé, fin observateur, cultivé, courageux, épicurien dans l’âme, il connaît néanmoins la peur ou la colère. La quête qu’il entreprend pour retrouver cette pierre magique disparue depuis des millénaires va le voir évoluer, au gré des rencontres et des évènements. Mais il ne s’agit pas d’un parcours convenu, forcé, car le héros n’est pas un adolescent devant apprendre à devenir adulte du jour au lendemain, mais déjà un homme doté d’une certaine maturité, qui doit composer avec des épreuves parfois incontournables, parfois des plus surprenantes. La narration à la première personne - chose assez rare en Fantasy - ajoute à cette immersion dans la peau du personnage. L’on découvre l’éveil au monde d’un homme profondément bon, qui voit certaines de ses certitudes s’effriter tandis que d’autres se renforcent. La beauté de la nature, la pureté de l’amour, l’honneur et l’amitié, toutes ces valeurs si souvent maniées à la légère recouvrent un véritable sens, à travers le regard de Valashu, emporté dans une quête dont l’importance qu’il soupçonnait est bien vite encore accrue. Le jeune homme de Mesh veut retrouver la Pierre de Lumière pour arrêter la guerre, toute les guerres.
L’idéal incarné par cette pierre créée par les Anges, les Elijin et les Galadin, car tel est leur nom, n’est pas sans rappeler bien sûr le Graal de notre monde. Si la quête de cette Pierre de Lumière est annoncée dans le monde entier par le Roi Kiritan d’Alonia, c’est bien pour que l’humanité puisse grâce à elle pénétrer dans un nouvel Âge, qui verrait les hommes accomplir des merveilles et devenir l’égal des anges qui leur ont fait ce merveilleux cadeau… Mais pour le moment, la pierre est perdue, et il suffit qu’elle tombe entre de mauvaises mains pour que ce soit un Âge de Ténèbres qui naisse.
L’ambiance, l’ambiance est l’un des atouts les plus prodigieux de ce roman. Contrairement à la majorité des œuvres de Fantasy dont le cadre évoque fortement un Moyen-Âge plus ou moins réaliste, The Lightstone joue la carte de l’Antiquité, voir plus loin encore, Mésopotamie et Perse en tête. Et c’est une incroyable bouffée d’air frais ! Les noms - personnages, villes, montagnes, etc… - apportent une saveur exotique, mais il ne s’agit pas que de cela : le ton du récit, les comportements des personnages, le poids de l’Histoire de ce monde, véhiculent tout autant cette sensation de renouveau, de terres vierges. L’auteur parvient à créer un univers où les repères classiques du récit de Fantasy, tout en demeurant familiers, sont altérés avec bonheur.
Certaines critiques ont mis en avant une certaine accumulation de notions et de thèmes en tous genres, comme si David Zindell avait choisi de prendre une pincée de Tolkien par-ci, deux cuillerées de Robert Jordan par là… En somme, une construction artificielle, aussi bien pour le monde d’Ea que pour la quête elle-même. A aucun moment, je n’ai ressenti cela. Cette histoire possède une profondeur non feinte, qui s’étend à tous les niveaux, à tous les degrés de son intégrité. De ses légendes à ses cités disparues, de ses joyaux perdus à ses monuments majestueux, des Neuf Royaumes aux Royaumes du Dragon tombés sous la coupe de Morjin… Une unité ô combien harmonieuse, et c’est certainement cela le plus impressionnant.
The Lightstone nous propose donc une aventure épique au sens noble du terme, digne des épopées de Gilgamesh, avec des personnages viscéralement humains avant d’être des héros. A travers 800 pages que l’on dévore, d’une densité exceptionnelle, où le moindre détail apporte, donne, quelque chose à l’intrigue. S’il n’est pas vital, pas un mot n’est inutile… Ce n’est pas si courant. On se surprend même à regretter qu’il n’y ait pas une centaine de pages de plus, non pas qu’on puisse les considérer comme manquantes, mais simplement pour prolonger la rêverie…
Vous l’aurez compris si vous m’avez suivi jusqu’ici, ce livre est un coup de cœur, un vrai. Peut-être n’est-ce que cela… Mais je l’affirme alors sans retenue, The Lightstone est un chef-d’œuvre, une légende qui illuminera votre bibliothèque, et devrait, je l’espère, rapidement devenir l’un de ses inestimables joyaux, rayon Fantasy ou non. C’est l’un de ces trop rares ouvrages qui nourrissent votre âme, élargissent vos horizons, libèrent vos envies, embellissent votre quotidien simplement en y songeant. Et tandis que j’écris ces lignes, je me souviens avec une sincère émotion de la première évocation des atrocités de Morjin, de la visite au petit peuple des Lokilani, de ma peur des Gris, du premier regard posé sur Tria, la Cité de la Lumière, et moi aussi, je brûle de l’envie de me joindre à cette quête, dut-elle me conduire aux portes de la prison de Damoom !
Vous pouvez partager cette émotion. Vous pouvez vous en gausser. Vous pouvez y demeurer complètement indifférent. Mais en tous les cas, lisez ce roman.
10/10
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