H.P. Lovecraft contre le monde, contre la vie

ISBN : 978-229002853-7
Catégorie : Roman connexe
Auteur/Autrice : Houellebecq Michel

Howard Phillips Lovecraft constitue un exemple pour tous ceux qui souhaitent apprendre à rater leur vie et, éventuellement, à réussir leur oeuvre. Encore que, sur ce dernier point le résultat ne soit pas garanti. Auteur de L’appel de Cthulhu, de Dagon et des Montagnes hallucinées, H.P. Lovecraft, maître incontesté de l’horreur et du fantastique, reste l’objet d’une fascination toute particulière chez nos contemporains, notamment chez Michel Houellebecq, qui le découvrit à l’âge de seize ans pour ne plus cesser de le lire. Dans ce bref essai, l’auteur retrace un itinéraire hors du commun et nous livre les prémices de cet univers désenchanté qui a fait le succès des Particules élémentaires.

Critique

Par Gilthanas, le 26/09/2016

Chroniquer un ouvrage de Michel Houellebecq sur elbakin.net ? Quelle drôle d’idée me direz-vous. Plus connu pour ses romans, l’auteur français est aussi essayiste. Et il s’est livré, en 1991, à l’écriture d’un court ouvrage (environ 130 pages selon les éditions) sur Howard Philips Lovecraft, l’écrivain de Providence.
Que l’on aime ou non les oeuvres de Houellebecq, il faut cependant prendre cet essai pour ce qu’il est vraiment : l’hommage d’un fan à un de ses écrivains favoris. D’ailleurs, selon les dires de l’auteur, il s’agit plus d’un « premier roman », dont HPL serait l’unique personnage.
Les fans inconditionnels de Lovecraft, qui auraient déjà fait la lecture de I am Providence, la biographie de référence de S.T. Joshi, n’apprendront rien de nouveau avec ce texte. Pire, ils le trouveront lacunaire par certains aspects. Houellebecq met l’accent sur trois points : le dégoût du monde dont fait preuve H.P Lovecraft vis- à-vis du monde qui l’entoure, son racisme et sa femme.
L’auteur commence par une analyse du style du reclus de Providence : pour Lovecraft, le réalisme en littérature est une aberration : lui qui voue au monde une haine sans limite, le dépeindre tel qu’il est vraiment est une abomination sans nom. Lovecraft refuse principalement les notions d’argent et de sexe, en vogue dans la société libérale de son temps. Son fantastique ne suit pas la définition classique du genre, à savoir l’intrusion du surnaturel dans le réel, car il se moque du réel.
La partie plus biographique de l’essai nous dépeint un Lovecraft attachant, qui n’hésite pas à aider ceux qui le sollicitent, qui ne relance pas ses créanciers, et ne sachant pas dire non (ce qui pour Houellebecq explique son mariage). Son racisme, qui se développe vraiment après l’échec de son séjour à New-York (qui marque aussi le début de ce que Houellebecq appelle les « grands textes »), est expliqué par la peur qu’a Lovecraft de l’inconnu. Enfin, son mariage, son divorce et sa mort des suites d’un cancer, sont abordés de manière courte et concise, allant à l’essentiel.
Houellebecq nous dépeint ici un homme dont l’oeuvre ne sera reconnue qu’après sa mort. Si Lovecraft est considéré aujourd’hui comme un des plus grands écrivains fantastiques, il a vécu à son époque une vie presque misérable de gentleman, inadapté à son époque, et fantasmant sur un temps révolu à jamais. Ses textes lui permettaient à peine de survivre, et il a fallu que ses continuateurs et ses admirateurs s’emparent de son oeuvre et la diffusent pour qu’elle connaisse le succès qu’elle méritait.
Pour qui s’intéresse à la vie de Howard Philips Lovecraft, H.P Lovecraft, contre la vie, contre le monde de Michel Houellebecq est une porte d’entrée intéressante, et les deux heures à peine que nécessitent la lecture de l’essai seront loin d’être perdues. Il est également intéressant de constater comment la pensée de Houellebecq se structure dans cet ouvrage, dissertant sur des thèmes que l’on retrouvera par la suite dans ses romans.

7.5/10

Discuter de H.P. Lovecraft contre le monde, contre la vie sur le forum.