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Coeurs de rouille

ISBN : 978-284228507-4
Catégorie : Jeunesse
Auteur/Autrice : Justine Niogret

La cité du ciel est en plein déclin. Les robots, jadis fidèles serviteurs, régressent jusqu’à devenir des machines stupides ou de terrifiants prédateurs. Saxe est un artiste qui survit en travaillant sur les golems actionnés par magie. Dresde est une jolie automate qui n’a connu que le luxe avant que son maître l’abandonne. Tout les sépare, et pourtant ils vont partager un rêve commun : s’enfuir de la forteresse volante. Traqués par un tueur mécanique qui écorche les humains pour voler leur peau, ils se lancent dans une course peut-être sans espoir : retrouver la mythique porte ouvrant sur la liberté.

Critique

Par Santino, le 12/05/2014

Cœurs de rouille, dernier roman en date de Justine Niogret, est paru en octobre 2013 dans la (malheureusement) déjà défunte collection Pandore des éditions du Pré aux clercs. Une collection estampillée « jeunes adultes » qui accueillait aussi, entre autres, deux auteurs appréciés sur Elbakin.net : Hervé Jubert (La trilogie Morgenstern) et Estelle Faye (Porcelaine, notamment). Il est par ailleurs nommé au grand Prix de l’Imaginaire 2014, catégorie « roman jeunesse francophone ».
Évacuons tout de suite une question de catégorisation. Contrairement à ce que j’ai pu lire en certains lieux, de steampunk il me semble qu’il est bel et bien question. Par toutes petites touches. De même, l’« étiquette » fantasy doit se chercher dans un menu détail, mais elle existe bien là où on l’attendait/l’espérait. (Je n’en dis pas plus. Lisez ce livre.)
Maintenant, rendons-nous à la première page, si vous le voulez bien, et paf ! retrouvons-nous directement dans l’ambiance avec un certain Pue-la-Viande. Certains seront d’entrée interloqués par ce nom ô combien poétique. Mais pas vous, lecteurs de Justine Niogret. Oui, vous vous rappelez : la dame nous a déjà gratifiés d’une Gueule de Truie et d’un Chien du Heaume.
Bref, les lecteurs de Justine Niogret ne seront pas dépaysés en rencontrant Pue-la-Viande, et ils seront également en terrain familier s’agissant de la plume de l’auteur.
Ce qui me permet tout de suite d’évoquer la seule question qui m’a un peu fâchée avec ce livre. Si j’y ai retrouvé malgré tout la « patte » de Justine Niogret, son style y est tout de même un peu… poussif, faute de terme plus parlant. L’écriture s’y fait moins grandiose, moins ciselée, et je ne pense pas que ce soit lié aux exigences du thème, du récit. Il faut dire que j’ai lu Cœurs de rouille après avoir lu les premières pages de Mordred (oui, la curiosité est un vilain défaut). Et quelle scène d’ouverture, dans ce Mordred ! Sans doute le meilleur incipit de Justine Niogret à ce jour. Brillant, subtil, parfois bouffon à souhait… Du grand art.
Cœurs de rouille, lui, ne s’inscrit pas du tout dans le même schéma. Nous sommes moins dans un livre très écrit (je n’ai pas dit « trop » !), très évocateur, que dans un récit axé sur la palette des sensations humaines.
De fait, toute l’histoire est axée sur Saxe et Dresde, les deux personnages principaux (et accessoirement sur ce fameux Pue-la-Viande, golem de son état), le premier étant un jeune humain et la seconde une golem aux yeux d’abeille. Le contexte se dévoile par bribes au fil des pages et des discussions entre ces deux protagonistes. Il y a somme toute peu de descriptions, l’arrière-plan semble à peine esquissé. Certains lecteurs adhéreront, d’autres non. Question de goût. Contrairement à ce que dit l’auteur en interview (sa volonté de se détacher de sa fascination pour un héros au profit du récit et de la découverte d’un univers par le lecteur), je trouve que le livre se construit justement autour de beaucoup d’introspection, de réflexion. En cela, Cœurs de rouille reste proche d’un Chien du heaume, par exemple, à ceci près qu’il y a ici deux vrais personnages principaux. Un livre sur les émotions, les sensations, comme je le disais.
Question références, on pourrait surtout mentionner Ghost in the shell, mais l’éditeur cite Metropolis en quatrième de couverture comme une référence possible. C’est justifié dans une certaine (petite) mesure : dans ce film comme dans le livre de Justine Niogret, la ville est un personnage à part entière, mais ce qui est tout de même fort, c’est que dans Cœurs de rouille, elle est un personnage quasi invisible, une sorte d’entité vague, plus qu’une simple machine à broyer les êtres, même si elle fait cela aussi.
Qui broie-t-elle, cette machine ? Les personnes, mais aussi et surtout les golems.
Le livre nous interroge alors. Dans quelle mesure les golems sont-ils des êtres à part entière ? Une machine qui ne bouge plus est-elle morte ? Qu’est-ce qui détermine, au juste, ce qui est en vie et ce qui ne l’est pas ?
Ce questionnement figure en filigrane tout au long du récit. Mais au-delà de cette réflexion essentielle, Justine Niogret nous livre une histoire qui évoque une société en perdition, un monde malade. Mais c’est aussi et surtout une histoire d’amitié, une quête de liberté.
C’est sur ce dernier point que le livre devient vraiment convaincant, et sa référence majeure, finalement, c’est un autre texte de Justine Niogret elle-même : la très recommandable nouvelle Les rivages extrêmes de la mer intérieure. (Elle est parue dans l’anthologie Utopiales 2010, chez ActuSF, et est disponible en solo en numérique.) Les deux textes se répondent et se complètent admirablement.
J’ai beaucoup tourné autour du pot, en fin de compte. Difficile d’entrer réellement dans le texte sans gâcher ce qui en fait le sel. Ce bon livre qui, sans atteindre (à mon sens) le niveau de Chien du heaume et de Mordre le bouclier, a su choyer ses personnages et donner vie à leur quête.
“Saxe est un jeune homme qui veut voir le ciel, et Dresde a perdu son maître.”
S’il fallait présenter le livre en une phrase, ce serait celle-là.

7.0/10

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