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Fantasy
et Fantastique
Faire la distinction sur la base
d'une fantasy ayant pour cadre un monde imaginaire, secondaire, alors que le fantastique
a comme environnement le monde " réel ", la Terre telle que nous la connaissons
- ou pensons la connaître -, est trop restrictif, et même faux, car cela ne reflète
pas l'ensemble de la production littéraire en fantasy. Où rangerait-on alors ce
que certains appellent la fantasy urbaine où s'y distinguent actuellement le canadien
Charles De Lint et l'anglais Neil
Gaiman ? Neverwhere, que l'on doit
à ce dernier, se déroule à Londres, où l'on suit les aventures d'un employé de
bureau lambda, et qui le resterait, s'il ne lui arrivait des événements peu banals.
La principale différence se situe au niveau de l'atmosphère de la narration, qui
a pour conséquence des effets nettement distincts sur le lecteur, qu'il s'agisse
de fantasy, ou bien alors de fantastique. Dans une oeuvre qualifiée de fantastique,
un élément irrationnel, qui ne va pas dans l'ordre naturel des choses, fait irruption
dans le monde réel, provoque une certaine tension, voire une angoisse chez le
lecteur. L'élément est déstabilisateur. De ce mélange de rationnel et d'irrationnel
naît alors un sentiment de malaise. Si l'univers de fantasy semble autrement
plus éloigné de la réalité, il n'en reste pas moins vraisemblable. Le lecteur
y croît, est persuadé un temps de son existence. Sans cela, le merveilleux n'opérerait
pas. On peut considérer donc qu'il y a une sorte de suspension de l'incrédulité,
du doute du lecteur. Un monde de fantasy se doit d'être cohérent, d'avoir ses
propres règles " naturelles " et de s'y tenir. En fantasy, on n'y remet pas ainsi
en cause le postulat sous-jacent à toute oeuvre de fantasy que la magie fonctionne,
que tel objet enchanté est bien maléfique, que les dieux existent bel et bien.
Toutes ces choses sont perçues comme normales. Et si le monde dans lequel se déroule
l'histoire - monde imaginaire, mais cela peut aussi bien faire partie de notre
monde réel - doit être cohérent, il en va de même pour la narration. L'intrigue
doit suivre un cours logique. Fantasy et Science-Fiction
Longtemps
considérée comme ressortant de la science-fiction, la fantasy est aujourd'hui
un genre bien autonome et bien singularisé. " Il y a autant de différence entre
science-fiction et fantasy qu'entre Karl Marx et Groucho Marx." (Robert Heinlein)
Une telle remarque, si elle a le mérite d'être claire, ne nous éclaire cependant
pas beaucoup sur le pourquoi de la chose. Il y a tout d'abord différence sur les
moyens de rendre vraisemblable le récit : si la science-fiction " facilite la
suspension volontaire de l'incrédulité de la part du lecteur en utilisant une
atmosphère de plausibilité scientifique " (S. Moskovitz), il en est tout autre
pour la fantasy qui a recours à l'émerveillement par l'irrationnel. Ce qui est
a priori difficilement concevable sera dans un cas justifié par l'emploi de la
science et dans l'autre par celui de la magie. Une telle vision reste cependant
assez sommaire et l'un n'empêche pas l'autre de coexister comme on peut le constater
en science fantasy. Mais leurs thèmes de prédilection peuvent bien souvent
se rencontrer - conquête de nouveaux territoires, destruction d'un monde ou de
l'homme, franchissement des limites biologiques de l'homme, quête de l'immortalité,
êtres non-humains, etc... Mais le récit de fantasy ne met pas toujours en
scène un monde issu du passé (historique ou mythique): c'est le cas de L'Atlantide
de Conan, mais ce monde peut être simplement là
au sein de notre monde réel, mais resté ignoré de tous, excepté un petit nombre.
Ainsi, faire une distinction en affirmant que la science-fiction est une histoire
dans le futur alors que la fantasy exhibe un monde venu du passé - imaginaire
pour l'Atlantide, moins pour la Provence moyenâgeuse de Guy
Gavriel Kay dans sa Chanson d'Arbonne - n'est pas toujours vérifié,
loin s'en faut. Fantasy et Conte
La
fantasy est un genre littéraire qui s'inscrit en héritière de la longue tradition
des mythes et des contes. Il ne faut donc pas s'étonner de la voir reprendre de
manière plus ou moins explicite les mêmes personnages et les mêmes schémas narratifs.
On retrouve aussi cette même volonté d' " évasion " aussi. Regardons ce qui les
différencie. La première différence, certainement la plus frappante, est le caractère
impersonnel des personnages des contes, leur aspect très conventionnel, ce qui
en fait des personnages complètement étrangers de ceux que l'on rencontre en fantasy,
auquel le lecteur peut s'attacher, s'identifier facilement et trouver plaisir
à suivre les aventures du, voire des héros, qui sont capables de joies et de désespoirs
pareils aux nôtres, ce qui fait leur humanité - idem pour les elfes et autres
races non-humaines qui personnifient des vices, des vertus, image idéalisée ou
corrompue de l'homme. En tout cas, avec les héros de fantasy, on est loin des
chevaliers perdus dans leurs rêveries et autres figures pas très conscientes du
monde qui les entourent. Tout deux semblent constituer deux genres ayant un recours
massif aux archétypes, héroïques, narratifs, mais alors que ceux-ci sont figés
dan l'univers des contes, la fantasy sait en jouer, les retourner, les transformer.
Contes de fées et oeuvres de fantasy peuvent se ressembler du fait du thème important
de la quête initiatique mais le développement complexe qui en est fait en fantasy
les différencient. On pourra cependant noter que dans chacun des deux genres,
on peut trouver de même schémas narratifs. Pour les contes, on pourra s'intéresser
aux travaux de Vladimir Propp (Morphologie du conte de fées) ; en fantasy,
le problème est autre. De nombreuses oeuvres semblent construites sur le même
modèle - Le Seigneur des Anneaux
pour ne pas le citer ; mais ce dernier n'est modèle que pour un courant certes
majeur mais non unique dans la fantasy. Certains auteurs ne font que reprendre
un canevas bien connu d'histoire auquel ils ajoutent leurs propres éléments en
omettant d'y apporter une réelle originalité dans le traitement du sujet. Le danger
de s'enliser a ainsi guetté - et guette encore - la fantasy, en particulier en
high fantasy. |