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D' Amour et de mort

Tome 1 du cycle : Ten Grand
ISBN : 978-275604782-9
Catégorie : Bd
Auteur/Autrice : Straczynski Joseph Michael
Dessin : Templesmith Ben
Dessin : Smith C.P.

Suivez la descente aux enfers de Joe Fitzgerald, un ancien homme de main de la mafia, qui se retrouve pris au milieu d’une nouvelle guerre, entre les forces du Bien et du Mal, dans laquelle le Paradis est menacé. Est-ce qu’un homme prêt à mourir des milliers de fois pour revoir son amour perdu, juste quelques minutes, peut sauver le monde ? Et vous, que seriez-vous prêts à faire par amour ?


Critique

Par Nicolas Winter, le 22/06/2014

Dans le monde du comics, Joe Michael Straczynski est devenu une des plus grandes étoiles du milieu, grâce à des œuvres aussi marquantes que Rising Stars ou Midnight Nation, ou plus récemment Superman Earth One. Lorsqu’il lance en 2012 son propre studio de production, Studio JMS, inutile de dire que l’on s’attend à quelques futures perles. Pour son premier projet, il s’adjoint rien de moins que les services de Ben Templesmith, le fabuleux dessinateur de 30 Jours de Nuits et de Wormwood (que vous DEVEZ lire), pour une nouvelle série intitulée Ten Grand. La publication française par les Editions Delcourt des six premiers numéros (sous le titre « D’amour et de Mort ») est l’occasion d’éprouver la qualité du dernier bébé de Straczynski.
Un homme de main. Voilà ce qu’est Joe Fitzgerald. Ne lui dites surtout pas que c’est un tueur à gages car il n’est pas de ce genre, dépourvu de loyauté. Le problème principal de Joe, c’est qu’il est mort. Et pour un problème, c’en est un de taille. Son dernier contrat l’a mené à rencontrer des forces qui le dépassent et a causé également la mort de l’amour de sa vie, Laura. Sauvé par une créature qui se prétend être un Ange, Joe n’a d’autre choix que de reprendre du service pour faire le ménage… jusqu’à ce qu’il puisse mourir de nouveau pour passer cinq minutes avec sa bien-aimée avant de ressusciter. Quand Joe accepte le contrat de Debbie, une marginale, il éprouve un grand frisson, de ceux que l’on peut ressentir quand on entrevoit l’occasion de se venger pour de bon.
Il n’y a pas à tergiverser, à peine l’album entamé, le talent insolent de Templesmith éclabousse instantanément les pages. Son dessin extrêmement noir, stylisé à l’extrême, accouche d’un radicalisme délicieux qui suffit à lui seul à poser une ambiance. Son trait étrange et inquiétant, sa colorisation malsaine… Templesmith n’a rien perdu de sa maestria. Malgré tout, c’est le scénario de Joe Michael Straczynski qui se doit de fournir le plus gros de l’effort. A ce petit jeu, l’américain trouve rapidement ses marques et conte en voix off le passé de son anti-héros, Joe. Aussi noir que les planches de son dessinateur, l’histoire de Straczynski fleure bon l’influence Vertigo. On ressent une immense parenté entre le magicien londonien de Hellblazer et l’homme de main de Ten Grand. Cynique et désabusé, ni une totale ordure ni un saint, les deux personnages se font inévitablement écho. Un vrai bon point car, depuis le changement de collection de John Constantine, il restait un trou à combler dans le monde de l’occulte. Fitzgerald apparait surtout comme un salaud de première catégorie, tueur froid et méthodique qui trouve une note d’harmonie et de repentance dans sa rencontre avec Laura. C’est ici que la sensibilité et la délicatesse de Straczynski fait mouche, avec quelques passages poignants, notamment lors de la rencontre entre les deux amoureux dans l’autre monde.
L’autre grande influence du récit, c’est évidemment La Divine Comédie de Dante puisque, rapidement, Fitzgerald se retrouve embarqué dans une sale affaire pour aller délivrer Laura de l’enfer. On plonge dès lors dans un univers fourmillant de démons et d’horreurs en tout genre, alors que, comme Dante et Béatrice, les deux âmes sœurs de Ten Grand se cherchent désespérément. A bien des égards, Straczynski fait des prouesses pour représenter des êtres surnaturels tapis au sein du monde réel. Ses nombreuses trouvailles donnent une sorte de poésie morbide et déroutante dans les deux premiers tiers du volume (La rencontre avec Julie, glaciale et terrible). L’américain n’en oublie pas forcément l’humour, congru mais bien présent, indéniablement lié au caractère désabusé de Joe. Bref, Ten Grand a tout du coup de maître, mais faiblit malheureusement dans son dernier tiers.
Pas tant par le cheminement de l’histoire, qui continue de jouer sur la mythologie archi-connue de l’enfer et du paradis avec bonheur, mais par le dessin. Pour les deux derniers numéros, Templesmith passe la main à C. P. Smith et, soyons honnête, les planches deviennent moches, tout simplement. On passe d’un univers extrêmement étudié et unique à quelque chose de formaté et d’artificiel, souvent bâclé, pour le plus grand malheur du scénario qui reste d’une qualité plus que correcte. Même si l’on peut arguer qu’il existe une raison scénaristique à ce changement de ton et de style, la qualité chute tellement par rapport au formidable coup de crayon de Templesmith qu’il est difficile de s’y faire. C’est extrêmement dommage…
Nouvelle série et nouvelle réussite donc pour Straczynski, totale du point de vue ambiance et scénaristique, plus discutable niveau dessin. Désabusée mais fascinante, son histoire possède d’immenses qualités pour captiver le lecteur, d’autant plus qu’on retrouve le sens de la narration et la sensibilité si particulière de l’auteur américain. En y ajoutant les merveilles visuelles de Templesmith et en supportant la faiblesse du trait de C. P. Smith dans les dernières pages, D’amour et de Mort ouvre une voie divine pour Ten Grand.
Espérons simplement que celle-ci soit plus que pavée de bonnes intentions…

8.0/10

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