Alors, il s’agit d’un monde qui ressemble au notre, à  ceci près que la magie existe, que les créatures mythologiques que sont  les dragons, les gobelins, les trolls, etc. existent … Bon, d’accord,  jusque là rien de bien nouveau, nombreux sont les livres de fantasy et  même les bandes dessinées (Fables… ) qui prennent ce parti.
 Toujours rien d’original dans le dessin : il est agréable, peu  surprenant pour qui est habitué aux comics modernes, mais assez  efficace, notamment quand il doit rendre compte des émotions qui  habitent les personnages.
 Seulement ici, un parti pris supplémentaire existe : le lecteur ne  découvre pas ce monde fantaisiste en long et en large par les intrigues  qui lui sont propres, mais par une tragédie que notre monde a bien connu  lui aussi : la guerre, et plus précisément la première guerre mondiale.  On est dans la chronique militaire : Arrowsmith est le nom d’un jeune  engagé américain dans le conflit qui déchire le vieux continent. Il va  découvrir la vie, aimer, combattre, rencontrer des « as », se confronter  aux horreurs de la guerre, à l’humanité de l’ennemi… Autant d’éléments  que l’on pourrait trouver dans les récits d’un vétéran de la Grande  Guerre, la vraie, la « nôtre ». Tout cela se déroule ici dans une  transposition à un univers Fantasy plutôt riche. Tout dans le récit  semble faire référence à la réalité, mais l’effort de réécriture  historique est méritoire, et offre une vraie uchronie plutôt jouissive.  Elle tire notamment sa force de quelques détails : les règles de la  magie (l’utilisation des dragons notamment est plutôt intéressante) ou  les personnalités complexes des personnages qui traversent l’existence  de Fletcher Arrowsmith constituent un « plus » certain.
 En revanche, le scénario principal possèdent deux travers assez  sérieux : il est quelque peu inconsistant, puisqu’on suit la destinée  d’un personnage particulier sans savoir s’il influera vraiment sur les  évènements, et surtout il laisse un arrière-goût d’inachevé, qui risque  malheureusement d’être définitif : même s’il s’agit d’un récit complet,  on sent que l’auteur avait bien d’autres choses à raconter sur ce monde,  et il semble qu’il n’en a pas pour l’instant eu l’occasion. Ces défauts  sont cependant à relativiser, surtout si l’on aime les récits qui  restent ouverts une fois la dernière page tournée … L’édition présentée ici est une « intégrale », qui regroupe la totalité  de la mini-série américaine, préalablement parue sous la forme de deux  tomes en France… et à ce jour aucune suite n’a été publiée aux  Etats-Unis, mais qui sait ?
                                                                                            — Sylvaner